Burundi
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Associer, écouter, respecter les pêcheurs

Du 15 mai au 15 août, la pêche dans le lac Tanganyika sera suspendue au niveau des quatre pays riverains. Cette décision est consécutive « à la baisse très sensible de la production des poissons ces dernières années dans la région suite notamment aux pêcheurs qui capturent de très jeunes poissons, les alevins ».

Pour le directeur exécutif de l’autorité du Lac Tanganyika au Burundi, ces décisions ont été prises en vue de promouvoir l’industrie de la pêche et augmenter la quantité de poissons dans le lac. « Ce repos biologique permettra la reconstitution des stocks de poissons dans le lac Tanganyika. Cette mesure sera bénéfique non seulement pour les pêcheurs mais aussi pour les consommateurs ». Les pêcheurs, les commerçants de poisson et les consommateurs ont été invités à prendre des dispositions qui s’imposent.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Gandhi avait l’habitude de dire : « Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi ». Les responsables de l’autorité du Lac Tanganyika ont en effet pensé et décidé à la place des populations sans se référer à leurs avis.

Ainsi, cette mesure ne fait pas l’unanimité. Les députés tanzaniens et congolais ont exprimé leur opposition à la décision de fermeture de la pêche sur le lac Tanganyika. Pour eux, elle est inopportune, voire catastrophique pour les populations qui vivent essentiellement de ce lac.

Ils estiment qu’il n’y a pas eu de mesures d’accompagnement notamment les activités alternatives que les pêcheurs pourront faire pendant cette période. Cette fermeture a également du mal à pénétrer les oreilles tant des pêcheurs que des consommateurs.

Des territoires de la province du Tanganyika en RDC comme Kalemie et Moba ont manifesté une opposition farouche à la décision. A Uvira, c’était la ville morte le matin de ce jeudi 11 mai 2023. La société civile a accompagné les pêcheurs dans leurs revendications contre la mesure.

Au Burundi, les pêcheurs disent qu’ils ont été tenus à l’écart dans la prise de la décision. Dans l’enquête menée par Iwacu, ils soulignent que plus de 18 mille ménages ne vivent que de la pêche. Aucune séance de sensibilisation n’a été tenue à l’endroit de la population, les pêcheurs dans leur ensemble n’ont pas été associés aux discussions.

Ils regrettent le fait qu’aucune autorité responsable de la pêche ne se soit rendue sur terrain pour écouter leurs doléances sur une mesure qui les concerne directement.

Avec des explications techniques, ils dénoncent des pertes énormes qu’ils vont subir : « Les pirogues ne peuvent pas continuer de fonctionner après trois mois d’immobilisme. Les batteries non plus. Pourtant, nos techniques régulent déjà la pêche. Sur la période d’un mois, nous avons 19 jours de pêche et 11 jours de repos. Ainsi, au courant de l’année, nous avons 4 mois et demi de repos. C’est déjà beaucoup pour permettre aux poissons de se reproduire. » Contrairement aux autres Etats riverains du lac Tanganyika où les députés s’activent pour arrêter l’exécution de la mesure, les pêcheurs burundais dénoncent l’inertie de leurs représentants. « En Tanzanie et en RDC, les députés ont exigé des explications aux gouvernements, mais au Burundi ils ont gardé un silence total. »

En définitive, malgré les assurances du directeur exécutif de l’Autorité du lac Tanganyika au Burundi, qui demande aux pêcheurs de faire preuve de patience comme un agriculteur de pomme de terre « il sème et attend la récolte en trois mois. Qu’ils considèrent qu’ils vont semer le 15 mai pour récolter le 15 août 2023 », plusieurs facteurs concourent à surseoir à l’exécution de la décision. Monsieur le directeur exécutif, arrêtez de penser pour les pêcheurs, de faire à leur place et de dire aux autres ce qui est bien pour eux. Il faut plutôt les associer, les écouter et surtout les respecter…