Burundi
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Kayanza : De la maroquinerie pour échapper au chômage

A Kayanza, la coopérative « Turashoboye » produit différents objets à base des peaux d’animaux. C’est dans le quartier Kirema, ville de Kayanza, qu’un atelier est installé. Plusieurs jeunes y ont été formés dans le traitement du cuir, d’autres sont en cours d’apprentissage. Ils ne cachent pas leur espoir d’un avenir meilleur après la formation.

Des chaussures, des ceintures, des portemonnaies, des mallettes, etc., y sont confectionnés. Ils sont exposés dans la grande salle de cet atelier de maroquinerie. Le travail se fait en groupes.

Dans cet atelier, alors que les uns s’occupent du traitement de la peau, ou du design, d’autres sont concentrés sur les machines à coudre. Et pour traiter ces différents types de peaux, on a recours à une solution écologique : « On utilise du liquide extrait dans l’écorce de l’acacia (umuka ou Ingonga). Parce que l’acide caustique peut -être nuisible pour la santé et l’environnement », souligne Vincent Toyi, responsable de la coopérative « Turashoboye ».

Il indique qu’on enlève d’abord l’écorce de cet arbre. Après, un liquide se dégage et c’est dans ce dernier qu’on immerge les peaux durant quelques jours. Il confie que c’est une technique importée : « J’ai vécu au Kenya et j’ai vu comment ils utilisent des produits naturels pour traiter le cuir. Et voilà, je suis rentré avec cette technique au pays. »

Après cette étape, M. Toyi fait savoir qu’on met aussi de la chaux pour rendre le cuir très malléable. Les membres de cette coopérative se soucient aussi de la protection de l’environnement. Le responsable précise qu’il a déjà planté quelques hectares d’acacia.

Pour se lancer, il affirme que les membres de la coopérative ont bénéficié d’une formation de la part du PNUD. Différents objets leur ont été aussi donnés.

Pour avoir de la matière première, la coopérative Turashoboye s’approvisionne auprès des abattoirs et des bouchers particuliers. C’est avec du sel qu’ils protègent le cuir du pourrissement avant le traitement proprement dit. Et le coût de la peau varie selon l’animal. « Pour les peaux des chèvres, les prix se situent entre 3000BIF et 4000BIF, tandis que pour les vaches, 1kg est acheté à 3000BIF. Ce qui fait qu’une peau de vache se vend entre 15000 BIF et 20000BIF », détaille M. Toyi.

Pour fixer le prix d’une paire de chaussure, sandale, etc, en plus de la main d’œuvre, il assure que différents éléments entrent jeu : « Pour avoir une paire de chaussure ou sandale, il y a d’autres pièces qu’on ajoute. Entre autres choses, la colle, du fil, la crèque et le talon. C’est pourquoi le prix peut tourner autour de 20000BIF. »

Et aujourd’hui, les clients ne cessent d’augmenter. Au début, il vendait à peine une sandale par semaine. Aujourd’hui, c’est entre 30 et 50 sandales vendues par semaine. « Nous recevons même des commandes. Et nous constatons que nos produits sont aujourd’hui appréciés au niveau local ».

Un secteur en besoin de soutien de l’Etat

« Notre métier est un secteur qui a été très longtemps négligé par l’Etat. On ne l’a pas valorisé. Aujourd’hui, il faut que l’Etat soutienne notre métier en créant au moins une école publique qui enseigne le travail du cuir », plaide le responsable de la coopérative « Turashoboye ». Il ne doute pas que cette école aura beaucoup de candidats. Pour lui, elle pourrait même inspirer des investisseurs privés. « Ainsi, les produits locaux seraient concurrentiels par rapport à ceux venus du Kenya, de l’Ouganda qui sont d’ailleurs chers ».

Pour réussir ce pari, il indique que cette école publique devra être bien équipée en outillage pour bien travailler le cuir. « Je ne doute pas que l’Etat a les moyens pour les acheter », souligne-t-il. Il propose aussi l’organisation de voyages d’études dans les pays avancés dans ce secteur, comme l’Ouganda, le Maroc et le Kenya.

Pour booster ce secteur, il signale que l’Etat kenyan a décidé d’acheter des machines et des outils : « On les a installés dans un centre. Et celui qui en a besoin, il n’a qu’à payer une petite somme d’argent. Il peut alors faire bien son travail et rentrer avec du cuir bien traité. Le centre est accessible à tous ceux qui travaillent le cuir, les peaux. »

Avec une école publique de maroquinerie créée au Burundi, M. Toyi ne doute pas que le gouvernement n’aura plus besoin d’importer des bottines, des ceinturons, des pochettes de pistolets pour l’armée et la police. « Je suis sûr que nous pourrions rapidement être capables de confectionner tous ces matériels. L’Etat y gagnerait et les artistes aussi. Mon grand rêve est de voir un jour une grande entreprise de maroquinerie au Burundi. »

Un centre de formation aussi

Au total, cette coopérative a embauché 25 jeunes. Et ce, après une période de formation de cette structure. D’autres jeunes sont partis créer leurs propres ateliers. Alice Nduwimana, 28 ans, travaille là depuis 2016 : « J’ai appris ce métier pendant une année. Et après, j’ai été engagée. »

Sept ans après, elle affirme ne plus avoir besoin de ses parents pour s’habiller, avoir des produits de beauté, etc. Elle fait aussi de l’élevage de chèvres. « C’est grâce aussi à mon salaire que j’ai constitué un capital pour être agent de transfert d’argent via Lumicash ou Ecocash », se réjouit-elle. Elle fait remarquer que certains de ses promotionnaires qui ont sous-estimé ce métier sont toujours sans emploi.

A la coopérative « Turashoboye », d’autres jeunes sont en train d’apprendre ce métier. Ils ont été recrutés par Caritas Belgique. C’est le cas de Noëlla Ntahomvukiye, native de Gatumba, commune Mutimbuzi, province Bujumbura.

Nadège Nkunzimana : « Il n’y a pas de métier propre aux garçons seulement. Chez les jeunes, le grand problème est le manque de vision et comment y arriver »

« J’ai préféré venir ici parce que c’est un métier que j’apprécie beaucoup. Et j’espère gagner aisément ma vie par le travail du cuir », confie-t-elle. Après avoir terminé la sixième année, elle indique qu’elle n’a pas pu continuer le cycle secondaire.

Elle vivait de la vente de fruits et légumes, etc. « J’ai constaté que ce n’est pas rentable. Et j’ai pensé qu’en apprenant un métier, je pourrai avoir mon propre atelier et gagner de l’argent », espère-t-elle. Elle appelle d’autres filles à ne pas délaisser tel ou tel autre métier soi-disant que c’est pour les garçons : « Les filles en sont capables !»

Nadège Nkunzimana, 20 ans, est, quant à elle, venue de la commune Gisagara, Cankuzo pour apprendre ce métier : « C’est Caritas Burundi qui m’a recrutée pour cette formation. Et j’ai constaté que ce métier n’existe presque pas dans ma région et je me suis lancée. Après les trois mois de formation, je vais fonder mon atelier. Et sans doute, je vais gagner de l’argent. »

Noëlla Ntahomvukiye : « J’espère gagner aisément ma vie par le travail du cuir »

Elle signale que pour avoir ce type de chaussures, sandales… les gens de sa commune doivent se déplacer vers Ruyigi ou Gitega. Il importe, pour elle, de ne pas avoir de préjugé sur un métier : « Il n’y a pas de métier propre aux garçons seulement. Chez les jeunes, le grand problème est le manque de vision et comment y arriver. »

M. Toyi constate que des filles apprécient de plus en plus ce métier : « C’est un métier qui n’était pas par le passé apprécié par les filles. Mais grâce aux sensibilisations menées par Suiss Contact, un partenaire de notre coopérative, tout au début de nos activités, les filles sont très nombreuses à se faire inscrire. »

Une activité impactée par la fièvre de la vallée du Rift

Ayant la peau comme principale matière première, la coopérative « Turashoboye » a été durement affectée par l’épidémie de la fièvre de la vallée du Rift. « Avec l’interdiction de l’abattage des vaches, des chèvres, nous avons passé plusieurs jours sans travailler.
On ne pouvait pas avoir de la matière première locale »
, confie M. Toyi.

Pour ne pas fermer totalement et en attendant la levée de l’interdiction d’abattage, ils ont été obligés d’importer des peaux du Kenya, de l’Ouganda à un prix exorbitant.

En plus de leurs rentrées d’argent, la coopérative a bénéficié d’un crédit de 15 millions BIF de la part de PAEJ.