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« En se rangeant derrière la “gauche du travail”, Fabien Roussel tente de revitaliser le clivage entre gauche marxiste et non marxiste »

Guilhem Mevel

Doctorant en théorie politique à Sciences Po

Le débat lancé par le secrétaire national du Parti communiste ne doit pas être simplement vu comme une initiative électoraliste, car il fait également écho aux origines marxistes du socialisme, explique le doctorant en théorie politique Guilhem Mevel, dans une tribune au « Monde ».

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En lançant une nouvelle polémique opposant « gauche du travail » et « gauche des allocations », le secrétaire national du Parti communiste a réveillé les vieux démons de la gauche, tiraillée entre défense des travailleurs et émancipation historique du travail. La polémique révèle ainsi une fracture historique de la gauche entre compromis capitaliste et rupture communiste.

Simples invectives, attaques ad hominem, guerres d’ego, divergences stratégiques ou fracture profonde ? Les joutes successives entre Fabien Roussel et la députée écologiste Sandrine Rousseau, qu’elles portent sur le virilisme carnassier ou le rapport au travail, ne se résument pas à l’affrontement d’un folklore communiste et réactionnaire avec l’ultra-modernité gauchiste, car elles ont une histoire.

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Le droit au travail n’est-il pas, avec l’ouverture des ateliers nationaux, la grande victoire (éphémère) du socialiste Louis Blanc (1811-1882) à son entrée au gouvernement, en 1848 ? Déjà, Louis Blanc s’opposait à un simple « droit à l’assistance », puisque le « droit à la vie » devait fonder le droit au travail comme conservation productive de la vie (Le Socialisme. Droit au travail, 1849).

Le statut « historique » du travail

Comment peut-on alors accuser Fabien Roussel de fléchir à droite en se réclamant de la gauche du travail ? Le combat historique de la gauche marxiste, c’est celui de la lutte du travail vivant contre le travail mort, des travailleurs contre le capital. Or, Karl Marx explique dans ses Manuscrits de 1844 que le communisme se réalise à travers « l’abolition positive de la propriété privée ». La puissance du travail dominée par l’oppression aliénante du capital serait abolie du moment même où la propriété des moyens de production est socialisée, et donc le travail partagé, tout comme l’oisiveté capitaliste éliminée.

Cette conception du travail fait pourtant face à des équivoques dans l’histoire du marxisme. Le droit à la paresse revendiqué par Sandrine Rousseau renvoie en effet au titre du célèbre ouvrage de Paul Lafargue de 1880. Le gendre de Karl Marx sonnait alors la charge contre le droit au travail.

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« Travaillez, travaillez, prolétaires, pour agrandir la fortune sociale et vos misères individuelles. » Voilà pour Lafargue l’injonction du capitalisme – de la droite, dirait-on aujourd’hui –, qui cherche à accumuler des richesses en augmentant toujours davantage le surtravail, c’est-à-dire l’exploitation des travailleurs.

Paul Lafargue était-il, à l’instar de Sandrine Rousseau, un contradicteur du communisme ? Dès 1880, il demandait aux ouvriers de résister à l’impératif écrasant du travail. La difficulté ici repose dans le statut « historique » du travail : sous le capitalisme, il est encore aliénant, puisqu’il se fait répétition d’un effort brut sous le contrôle du capital, mais il doit devenir doublement libérateur sous le communisme. Doublement, car il est désormais un élément de la vie démocratique des sociétés défaites de la tutelle capitaliste, mais aussi un moyen de libérer du temps social disponible. En tentant de réfuter le droit au travail, Paul Lafargue révèle l’équivoque historique du marxisme : si, dans le présent, le travail est aliénant sous la domination capitaliste, c’est pourtant un élément nécessaire d’une société communiste visant l’émancipation sociale.

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