Luxembourg
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Abus de faiblesse : dix personnes âgées plumées

Silvia aurait repéré des hommes vulnérables et fait vibrer leurs cordes sensibles pour parvenir à ses fins. (Photo : archives lq/julien garroy)

Silvia est accusée d’avoir plumé des hommes âgés vulnérables. Invitée à s’exprimer, elle finit par perdre tout le monde, elle y compris. Au point qu’on ne sait plus qui est la victime.

Il m’a raconté l’avoir rencontrée alors qu’il était assis sur un banc à l’esplanade à Remich. Elle lui a dit qu’elle était enceinte et ne savait pas où aller. Elle a pris sa main et l’a mise sur son ventre», a rapporté le fils d’une des victimes présumées de Silvia à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, hier après-midi. «Une amie les a rejoints. Elles lui ont proposé d’aller chez lui pour lui couper les cheveux.» Le vieil homme accepte. Arrivé chez lui, Silvia lui propose de faire le ménage. Le vieil homme accepte et le piège s’est refermé sur lui. L’emprise débute.

Pendant des mois, Silvia aurait plumé le vieil homme qui souffrait de démence. Jusqu’à ce que son fils s’aperçoive que les économies de son père étaient réduites à peau de chagrin et que les endroits où il cachait de l’argent à son domicile étaient vides. «Mon père vivait chichement. Il ne s’achetait jamais rien», explique le témoin qui se demande où ont disparu les 90 330 euros d’économie et les bijoux. Il fait bloquer les comptes bancaires de son père.

Il s’agit d’une des nombreuses victimes qu’a faites la jeune femme de 42 ans. Elle comparaît depuis une semaine pour vol, abus de confiance et de faiblesse ainsi qu’escroquerie, entre autres. De 2015 à 2021, la jeune femme est suspectée d’avoir détourné plus de 380 000 euros à une dizaine d’hommes âgés abordés dans la rue ou sur des parkings de supermarchés. Un homme et une femme lui auraient prêté main-forte. D’autres dossiers sont encore à l’instruction.

«Je le jure sur ma vérité»

Interrogée, la petite brune a incriminé l’ancienne femme de ménage du vieillard. «Je le dis franchement : une fois, j’ai reçu 50 euros pour l’avoir conduit faire des courses. Je le jure sur ma vérité», dit elle en levant la main droite. «Il ne m’a pas donné plus parce qu’il m’a dit que des femmes avaient abusé de lui et volé son argent par le passé. Je ne suis allée chez lui qu’une seule fois.» Elle jure encore et encore. Elle n’a rien vu et rien pris. «Arrêtez de jurer! Cela me perturbe», lui lance le président de la chambre correctionnelle.

L’interrogatoire tourne au vaudeville. La prévenue d’origine roumaine a refusé l’aide du traducteur et a tenu à s’exprimer en français. Ce qui a gravement nui à la fluidité des débats. «Je ne vous aurais pas donné un euro. De la manière dont elle s’exprime, je n’aurais rien compris de ce qu’elle me demandait», s’amuse le juge provoquant l’hilarité dans la salle.

«Son coffre-fort, vous l’avez vidé ou pas ?»

Malgré cela, Silvia a réponse à tout. Même des inédites, jamais révélées «au juge de construction». Une de ses victimes lui aurait, selon elle, fait une avance sur salaire de 33 000 euros pour lui permettre de régler les dettes contractées auprès de sa communauté pour payer l’enterrement de sa maman. En contrepartie, elle devait faire le ménage. Malheureusement, l’homme né en 1931 est décédé avant qu’elle ne puisse commencer à travailler pour lui. «Son coffre-fort, vous l’avez vidé ou pas ?», demande le président.

Silvia «s’emmêle les pinceaux» entre ses différentes victimes présumées et finit par perdre le tribunal et le procureur qui doit vérifier dans ses dossiers. «C’est la 37e version qu’elle nous livre», confie ce dernier. «Je fais avec les déclarations de Madame, que je découvre comme vous.»

«Je demandais juste du travail»

Après une discussion sur une greffe de rein à 97 000 euros, une discussion s’engage sur un accouchement et une ligature des trombes qu’elle aurait subie ou pas et fait ou pas rembourser par une de ses victimes présumées. Le tribunal la questionne sur chacune d’entre elles, les unes après les autres. Toutes lui auraient donné différents «coups de main» pour l’aider elle ou sa famille restée en Roumanie. Frais de demande de divorce qui n’a jamais été prononcé, argent pour faire venir ses enfants, achat d’une maison, loyers impayés…  Autant de raisons évoquées par les victimes ou leurs descendants. «Je demandais juste du travail», lance la prévenue à un président de plus en plus mordant.

L’ambiance est électrique dans la salle. «Finalement, vous n’êtes coupable de rien du tout», résume le président. L’échange avec la prévenue vire à l’affrontement. «Avez-vous ou non profité de personnes malades, démentes, grabataires, alcooliques ou autistes pour obtenir de l’argent?» Le juge hausse le ton. Silvia exprime un «oui» à peine audible. «Parce que ma situation n’était pas en ordre avec mon mari.»

Le mari mis en cause par l’accusée

«Vous n’en aviez rien à faire de ces personnes. Vous leur avez menti», s’emporte le président. Le ton monte au point que les micros de la salle d’audience font des larsens. «C’est à cause de la manipulation de mon mari», répond Silvia avant d’éclater en sanglots. «Il m’envoyait le faire parce que je suis une femme. J’avais honte que mes enfants apprennent ce que je faisais à ces gens.»

Acculée et impuissante, elle craque sous la pression et tente d’émouvoir les juges. Cependant, rien ne permet dans le dossier d’affirmer que son époux tirait les ficelles à sa place.