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Accueil des réfugiés : «On se trompe de chemin»

Un projet de loi de financement prévoit 120 millions d’euros pour le gardiennage des centres gérés par l’ONA. (photo archives LQ/Tania Feller)

Alors que le gouvernement met 120 millions d’euros sur la table pour le gardiennage des centres pour réfugiés, le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot pointe une logique sécuritaire au détriment de l’autonomie et de l’intégration.

Face au projet de loi déposé en début d’année pour financer le gardiennage, le nettoyage et la restauration au sein des structures d’hébergement des réfugiés gérées par l’Office national de l’accueil (ONA), le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot s’étrangle : alors que le texte prévoit une enveloppe globale de 120 millions d’euros étalée sur quatre ans, le Collectif Réfugiés juge cette somme «astronomique» par rapport aux fonds dédiés à des projets d’intégration – à peine 1,5 million d’euros inscrit au budget 2023.

Le gouvernement argue que le gardiennage constitue un élément indispensable du système d’accueil des réfugiés déployé par l’ONA, pour assurer leur sécurité et aider au respect des règles internes. Ce sont ainsi 737 agents de gardiennage qui assurent 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 une permanence censée garantir la sécurité des 5 500 personnes qui vivent dans ces foyers. Ils accueillent les nouveaux arrivants, contrôlent les accès, tiennent un registre des entrées et des sorties, et surveillent les équipements et installations dans ces 70 centres d’hébergement.

«Quelque chose ne marche pas»

Des contraintes que le Collectif Réfugiés dit comprendre, tout en s’interrogeant sur l’ampleur de l’effort financier : «On est dans une vision à court terme, même au niveau budgétaire, là où il faudrait mettre en œuvre un accompagnement socio-éducatif pour favoriser l’intégration de ces personnes dès leur arrivée», s’agace Sergio Ferreira, de l’ASTI. «Certains bénéficiaires de protection internationale sont hébergés là depuis plus de cinq ans, c’est bien que quelque chose ne marche pas», poursuit-il.

Le principal problème réside dans la déresponsabilisation des réfugiés, selon le collectif. Il leur est difficile de travailler le temps de la procédure de demande d’asile, qui dure de un à deux ans; ils ne peuvent pas préparer de repas, car de nombreuses structures ne sont pas équipées de cuisine, et reçoivent donc des plateaux-repas de la part d’un prestataire; ils ne sont pas non plus libres de dépenser l’argent de poche symbolique qu’on leur distribue, liste Sergio Ferreira.

«Comme l’accès est limité aux seuls habitants, il leur est également interdit de recevoir des visites. En fait, on les prive de toute possibilité d’être autonome et actif, et donc de s’engager dans un processus d’intégration», résume-t-il. «Or, sur le long terme, cette logique est bien plus onéreuse que des mesures qui encourageraient leur inclusion.»

«Ils ne se sentent pas chez eux»

Sans compter qu’en fermant l’accès à ces hébergements et en brandissant la nécessité d’une présence ininterrompue des agents de sécurité, le gouvernement induit que ces personnes – dont la moitié ont déjà obtenu le statut de bénéficiaires de protection internationale – sont un danger pour la société, déplore le collectif.

«Ils signent une convention avec l’ONA et s’acquittent d’un certain montant, un peu comme un loyer, donc ça reste leur domicile. Mais les réfugiés nous le disent : ils ne se sentent pas chez eux dans ces hébergements, ils n’ont pas d’intimité, les repas sont livrés à heure fixe, les conditions de vie sont difficiles», abonde Marion Dubois, de l’association Passerell.

Des pistes d’action sont régulièrement mises sur la table par le collectif, mais «rien ne se passe». Les membres plaident notamment pour un travail proactif et systématique auprès de chaque nouveau réfugié qui pose le pied sur le sol luxembourgeois, incluant un bilan de ses compétences et diplômes, des stages ou formations professionnelles, de quoi poser les jalons d’une intégration réussie.

«Face à la saturation des structures d’hébergement, c’est dans l’autonomisation des réfugiés qu’il faut massivement investir, pas dans leur surveillance. On se trompe de chemin, en allant à l’opposé de ce que devrait être notre système d’asile», martèlent Sergio Ferreira et les organisations regroupées sous la bannière du Lëtzebuerger Flüchtlingsrot.