Luxembourg
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Artisanat : une route encore longue vers l’électromobilité

Les camionnettes 100 % électriques sont encore rares, à peine 1 % du parc luxembourgeois. La faute, selon la Chambre des métiers et l’ACL, à des investissements trop lourds, mais aussi à un manque de modèles et de bornes de recharge. (Photo : fabrizio pizzolante)

La Chambre des métiers et l’ACL ont réalisé une enquête auprès des artisans sur le déploiement de l’électromobilité. Celle-ci montre que de nombreux professionnels ont encore du mal à sauter le pas, la faute à un accompagnement encore trop superficiel.

L’artisanat participe grandement au déploiement de l’électromobilité au Luxembourg, mais n’en bénéficie pas assez. C’est en substance les conclusions de l’enquête réalisée par la Chambre des métiers et l’Automobile Club du Luxembourg (ACL). En effet, si concessionnaires et électriciens ont, entre autres, un rôle à jouer dans la multiplication des voitures électriques et des bornes de charge, les artisans peinent à acquérir eux-mêmes ces véhicules. Pour eux, «le chemin vers l’électromobilité est long et semé d’embûches», comme l’indique l’étude.

Il faut dire que la question reste une problématique récente, en particulier chez les petits entrepreneurs. En moyenne, les sociétés disposant d’un parc automobile possèdent 17 véhicules (voitures, camionnettes et camions confondus). Mais le parc luxembourgeois reste très majoritairement à moteur thermique : 91 % des voitures et 99 % des camionnettes. Pour les camions, on ne compte même qu’un seul véhicule électrique sur les 5 893 en circulation. Le lourd investissement initial représente le premier frein, et ce, malgré les aides financières comme «Clever fueren» que la Chambre des métiers et l’ACL appellent à prolonger au-delà du 31 mars 2024.

Des véhicules pas toujours adaptés aux besoins

L’électromobilité présente pourtant des bienfaits : une diminution des nuisances (du bruit comme de la pollution), des atouts en termes d’images, une imposition moindre et une réduction des coûts à moyen terme. Pourtant, seulement 28 % des entreprises sont conscientes de ces opportunités. «Les entreprises ne sont pas à fond sur ce sujet. Il faut communiquer plus et leur montrer les avantages et les inconvénients», analyse le directeur général de la Chambre des métiers, Tom Wirion. Car les véhicules électriques ne sont pas toujours adaptés aux besoins de certaines petites entreprises, que ce soit à cause du temps de charge ou de l’autonomie de la batterie. «En camionnette, on peut faire beaucoup de déplacements et de kilomètres. Sans compter certains salariés frontaliers qui doivent rentrer chez eux le soir», note Tom Wirion.

Aussi, 50 % des entreprises artisanales considèrent que des solutions alternatives comme l’hydrogène, le biocarburant ou l’eFuel seraient plus avantageuses pour elles. Celles-ci se heurtent néanmoins à un manque d’infrastructures. Une première station à hydrogène ne verra le jour que vers fin 2022, début 2023 à Bettembourg. La Chambre des métiers et l’ACL plaident donc pour «une politique technologiquement neutre» qui ne miserait pas uniquement sur l’électrique. «Il faut de la diversité dans la motorisation», affirme Tom Wirion. Par exemple, en n’accordant pas seulement des aides aux véhicules électriques afin de ne pas pénaliser les entreprises qui souhaiteraient se tourner vers d’autres solutions.

Des efforts «titanesques» à réaliser

D’autant que l’électromobilité au Grand-Duché a également encore beaucoup de chemin à parcourir pour convaincre totalement. Au-delà de l’investissement initial conséquent, le manque de bornes de recharge, publiques ou non, constitue l’un des principaux freins à l’équipement. Selon l’étude, «les efforts à faire au niveau de l’infrastructure de recharge sont titanesques», en particulier au niveau des bornes SuperChargy, ces stations de recharge ultrarapide que le Grand-Duché commence à déployer sur son territoire.

Selon le gouvernement, 88 bornes nouvelle génération sont prévues d’ici 2024. Un chiffre bien insuffisant selon Jean-Claude Juchem, le président de l’ACL. «Il faudrait le multiplier par dix ou quinze afin de répondre à la demande. D’ici cinq à huit ans, nous aurons 50 000 frontaliers en plus», analyse-t-il. Et s’il est possible pour les particuliers d’installer des bornes chez soi, une initiative soutenue par des aides étatiques jugées insuffisantes par l’ACL, la démarche reste compliquée dans les copropriétés et les résidences.

Un besoin d’accompagnement

Les entreprises, quant à elles, semblent oubliées par les pouvoir publics. «Elles ont besoin de définir leurs besoins, mais elles n’ont pas les compétences pour le faire», prévient Jean-Claude Juchem. «Vous devez réfléchir à votre propre parc de voitures, celles de vos clients, celles de vos salariés, mais pour répondre à quoi? Il faut amener des gens compétents pour guider les entreprises dans leur choix d’infrastructures.» Le président de l’ACL souhaiterait également une cartographie précise de toutes les bornes disponibles dans le pays en temps réel.

De nombreuses décisions sont donc encore à prendre pour aller vers une mobilité décarbonée, mais pour Tom Wirion, les choses vont dans le bon sens. «Nous allons suivre l’évolution de la situation. Pour le moment, il y a encore une grande incertitude avec la guerre en Ukraine. Mais les chefs d’entreprise ont la volonté de s’inscrire dans des choix technologiques.»