Luxembourg
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Cate Blanchett, iconique

Cate Blanchett, actrice et militante féministe habituée des festivals, est une interprète polymorphe dont le dernier rôle, celui d’une célébrissime cheffe d’orchestre, lui a valu ce week-end un deuxième prix d’interprétation à Venise.

La 79e Mostra de Venise s’était ouverte le 31 août avec un duo glamour, composé des actrices Julianne Moore, présidente du jury, et Catherine Deneuve, à qui le festival remettait un Lion d’or d’honneur.

Jusqu’à la clôture de la Mostra, samedi soir, les icônes féminines d’hier et d’aujourd’hui, et les stars de demain, ont défilé sur le Lido : Penélope Cruz, Laura Dern, Isabelle Huppert, Tilda Swinton, la jeune actrice canadienne Taylor Russell (lauréate du prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir) ou la sensation italienne Vera Gemma (prix de la meilleure actrice dans la section Orizzonti), sans oublier Ana De Armas, qui a illuminé pour la très attendue projection de Blonde, le film dans lequel la Cubaine incarne Marilyn Monroe.

Performance marmoréenne

Mais celle dont l’aura a plané tout le long de ce festival de Venise est Cate Blanchett. À 53 ans, l’actrice australienne a reçu samedi soir sa deuxième coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine en personnage ivre de pouvoir dans Tár, de Todd Field, l’un des tout premiers films de la compétition.

Cette grande blonde, au visage diaphane, livre une performance marmoréenne dans ce drame qui évoque les questionnements sur l’identité ou la «cancel culture». Elle y joue une cheffe d’orchestre ultracélèbre, en couple avec une violoniste de son orchestre, qui va être rattrapée par son passé. Un rôle qui porte un regard complexe sur la dénonciation du harcèlement ou l’abus de pouvoir par des femmes sur leurs subordonnées, et fait écho aux engagements de l’artiste.

Un tableau de chasse bien rempli

Quinze ans avant ce rôle d’artiste, elle avait déjà remporté le prix à Venise pour I’m Not There, de Todd Haynes, où elle incarnait, franchissant la frontière du genre, un autre musicien, Bob Dylan. En recevant sa récompense, samedi, l’actrice s’était promis de fêter cela en remplissant sa coupe Volpi de vin. «Et ne croyez pas que je plaisante», a-t-elle ajouté.

Car Cate Blanchett fait aujourd’hui partie du cercle très fermé des actrices doublement récompensées à Venise, avec l’Américaine Shirley MacLaine, la Française Isabelle Huppert et l’Italienne Valeria Golino.

Ces prix s’ajoutent à un tableau de chasse bien rempli pour celle que le grand public a découvert dans le rôle de la reine d’Angleterre Elizabeth I, dans Elizabeth (Shekhar Kapur, 1998), puis dans Elizabeth : The Golden Age (Shekhar Kapur, 2007). Cate Blanchett a su montrer qu’elle pouvait tout jouer, se métamorphosant d’un rôle à l’autre.

Et n’hésitant pas à prendre des risques. Plus récemment, elle a même prouvé son talent comique dans la comédie Netflix Don’t Look Up (Adam McKay, 2021), où elle jouait une présentatrice télé insensible au changement climatique.

Activisme féministe

Au-delà de ses rôles, Cate Blanchett est une militante engagée de la cause féministe, devenue avec #MeToo une figure de la lutte contre le harcèlement sexuel. Son activisme l’a cependant placée aux premières lignes lorsqu’elle fut présidente du jury à Cannes en 2018, où elle avait protesté contre la sous-représentation des femmes dans les palmarès, puis à Venise en 2020. Elle a fait aussi partie, avec Natalie Portman ou Meryl Streep, du collectif à Hollywood qui a lancé la fondation Time’s Up, pour aider les victimes de harcèlement sexuel.

Un engagement qui ne doit toutefois pas se confondre avec ses personnages : «Je ne vois pas la pratique artistique comme un outil éducatif», a-t-elle déclaré à Venise. «L’agit-prop ne m’intéresse pas», a-t-elle ajouté, estimant que la place des actrices dans l’industrie du cinéma avait nettement progressé ces dernières années mais continuait de se heurter au manque de rôles principaux forts.

Doublement oscarisée

Née et élevée à Melbourne, dans le sud-est de l’Australie, Cate Blanchett a 10 ans à la mort de son père, un chef d’entreprise américain qui succombe à une crise cardiaque. Les Blanchett, confiera-t-elle, mangent alors de la vache enragée. Le salut passera par le théâtre. Diplômée de l’Institut national d’art dramatique en 1992, elle obtient rapidement des succès publics et critiques au sein de la Sydney Theatre Company, avant de se lancer dans le cinéma.

En 1999, elle obtient un Golden Globe pour Elizabeth I, son premier grand rôle, d’envergure internationale. Elle est à l’affiche la même année de The Talented Mr. Ripley, d’Anthony Minghella. Devenue célèbre, elle joue ensuite le rôle de l’elfe Galadriel dans la trilogie à succès The Lord of the Rings (Peter Jackson, 2001-2003), son plus gros succès au box-office, avant de remporter en 2005 l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle dans Aviator (Martin Scorsese, 2004), évocation de la vie du milliardaire Howard Hughes. Au cinéma, elle est une égérie aussi bien du cinéma d’auteur que des blockbusters; dans l’un de ses derniers rôles à succès, elle prenait la tête d’une équipe de braqueuses dans Ocean’s 8 (Gary Ross, 2018).

Au tournant des années 2010, elle se consacre davantage au théâtre avec le père de ses quatre enfants, Andrew Upton. Elle devient de 2009 à 2013 la directrice artistique de la Sydney Theatre Company. Son rôle de bourgeoise déchue glissant vers la folie dans Blue Jasmine (Woody Allen, 2013) marque son grand retour dans les salles obscures, et lui vaut un deuxième Oscar, celui de la meilleure actrice, en 2014.

Elle fit également sensation à Cannes en 2015 avec Carol, romance lesbienne de Todd Haynes; c’est pourtant sa partenaire à l’écran, Rooney Mara, qui recevra le prix d’interprétation féminine sur la Croisette. Ce week-end, Cate Blanchett dominait un festival de Venise qui, en donnant le Lion d’or au documentaire All the Beauty and the Bloodshed, sur la vie et les combats de la photographe Nan Goldin, a fait la part belle aux femmes.

Le palmarès

Lion d’or du meilleur film

All the Beauty and the Bloodshed, de Laura Poitras (États-Unis)

Lion d’argent – Grand Prix du jury

Saint Omer, d’Alice Diop (France)

Lion d’argent – Prix de la meilleure réalisation

Luca Guadagnino pour Bones and All (Italie)

Prix d’interprétation féminine

Cate Blanchett dans Tàr, de Todd Field (États-Unis)

Prix d’interprétation masculine

Colin Farrell dans The Banshees of Inisherin, de Martin McDonagh (Irlande)

Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir

Taylor Russell dans Bones and All, de Luca Guadagnino (Italie)

Prix spécial du jury

No Bears, de Jafar Panahi (Iran)

Prix du meilleur scénario

The Banshees of Inisherin, de Martin McDonagh (Irlande)

Une récompense pour le Luxembourg

À côté de la sélection officielle, la compétition Orizzonti de la Mostra de Venise met en avant les auteurs émergents et est dédiée aux «films représentatifs des nouvelles tendances esthétiques et expressives du cinéma mondial».

Le jury de la sélection, cette année, présidé par la réalisatrice espagnole Isabel Coixet, a récompensé samedi la seule coproduction luxembourgeoise concourant au festival de Venise : Blanquita, de Fernando Guzzoni, film chilien coproduit avec le Mexique, la France, la Pologne et la société de production Tarantula pour le Grand-Duché. Le film a reçu le prix Orizzonti du meilleur scénario.

Inspiré de recherches effectuées pendant plus d’un an sur un réseau pédophile, Blanquita raconte l’histoire d’une jeune fille de 18 ans, Blanca, qui vit dans un foyer dirigé par un prêtre de 50 ans. Témoin clé d’une affaire de scandale sexuel impliquant des politiciens, la jeune fille est poussée par le prêtre au cœur de l’attention médiatique. Plus elle se fait entendre, plus son rôle au sein de ce scandale semble flou; pour certains, elle est une héroïne féministe, pour d’autres, une vaurienne.

Le film n’a pas encore de date de sortie au Luxembourg. Pour sa part, Tarantula Belgique a coproduit Chiara, le nouveau film de Susanna Nicchiarelli, après son Miss Marx. Bien accueilli par le public et la critique, le film est néanmoins reparti du Lido sans prix.