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Conditions de travail précaire : les chargés de cours à bout de nerfs

Six représentants syndicaux ont dénoncé hier le fait que le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, fasse la sourde oreille en ce qui concerne la situation précaire des chargés de cours. (Photo : alain rischard)

SEW/OGBL et ACEN fustigent le non-respect du droit de travail par le ministère de l’Éducation nationale. Le recours continu à des CDD amènerait les chargés de cours dans une situation précaire.

Les exemples mis en avant interpellent. Dans le fondamental, un chargé de cours aurait cumulé pendant 20 ans des contrats à durée déterminée (CDD) sans jamais se voir proposer un contrat fixe. D’autres chargés de cours, eux aussi en CDD, se retrouveraient, sans le bagage pédagogique nécessaire, à donner cours, du jour au lendemain, devant une classe. Pire encore : il arriverait que certains, fraîchement recrutés, commencent l’année scolaire sans avoir signé de contrat. Une des conséquences est qu’ils doivent, du moins selon les dires du camp syndical, attendre plusieurs mois avant de toucher leur premier salaire.

Sans contrat fixe, pas moyen de se loger

Le SEW/OGBL et l’Association des chargés de l’enseignement national (ACEN) ont clamé hier leur désarroi face à une situation qualifié d’inacceptable. Le fond du problème serait que le ministère de l’Éducation nationale continue encore et toujours de doter les chargés de CDD prorogés au-delà des limites légales fixées par le code du travail. En principe, la durée maximale d’un CDD est de 24 mois, renouvellements compris.

«Le ministère est sur la défensive, car les responsables politiques restent d’avis qu’il est tout à fait conforme d’offrir aussi longtemps que cela s’avère nécessaire des CDD aux chargés de cours», constate amèrement Isabelle Bichler, la présidente du département «Chargés de cours» au Landesverband, syndicat intégré à l’OGBL. Or le Tribunal administratif aurait déjà tranché : les exceptions accordées à l’Éducation nationale ne respectent pas le principe de l’égalité de traitement inscrit dans la Constitution.

Secondaire : un pic de 1 226 chargés en 2018

Selon les plus récents chiffres du Statec, datant des années années scolaires 2016/2017 à 2021/2021 – et uniquement disponibles pour l’enseignement secondaire –, le nombre de chargés de recours varie très légèrement, tout en restant au-dessus de la barre des 1 000 chargés engagés d’année en année (voir graphique ci-contre).

Le cap des 1 000 chargés de cours a d’ailleurs été dépassé une première fois lors de l’année scolaire 2009/2010. Depuis 2012/2013, le total se trouve en permanence au-dessus de la barre du millier de chargés.

Le plus ancien chiffre disponible sur le portail du Statec date de l’année scolaire 1997/1998, avec 335 chargés de cours engagés. En 2000, le cap des 500 chargés a été dépassé. En 2004, 701 chargés de cours étaient occupés dans les lycées du pays. La barre des 900 chargés est franchie depuis 2008.

En 2020/2021, l’enseignement secondaire comptait 4 905 enseignants, dont 2 480 titulaires et 1 160 chargés de cours. S’y ajoutent 649 stagiaires et 616 intervenants qui tombent sous la catégorie «Préparatoires et autres».

Pour l’année scolaire 2022/2023, le ministère de l’Éducation nationale a annoncé un effectif de 5 265 enseignants dans l’enseignement secondaire public, dont 3 598 titulaires (68,3 %), 1 568 chargés de cours dotés d’un CDI (29,8 %) et 99 en CDD (1,9 %).

Un long combat administratif et judiciaire

La lutte des syndicats représentant les intérêts des chargés de cours dure depuis de longues années. Certaines avancées ont pu être signées, mais seulement après un long combat administratif et judiciaire, comme le retrace Joëlle Damé, la présidente du SEW/OGBL. Pour les chargés cumulant toujours les CDD, la situation deviendrait de plus en plus difficile. «Nous constatons que beaucoup d’intervenants se retrouvent dans une situation précaire, sans être fautifs, car à nos yeux, le ministère ne respecte pas le droit du travail», alerte Joëlle Damé.

Mercredi matin, lors d’une conférence de presse, les problèmes énumérés concernaient l’enseignement tant fondamental et secondaire que musical, les écoles européennes et internationales n’étant pas épargnées. La précarité des chargés aurait des conséquences multiples. Sans contrat à durée indéterminée (CDI), pas d’octroi de crédit pour se loger, voire même impossibilité de louer un logement. Sans revenu régulier, obligation de contracter des dettes pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Sans contrat signé dans les temps, pas d’assurance accident ni d’affiliation à la Caisse nationale de santé. Toutes ces mésaventures ont été avancées hier.

Le camp syndical revendique une solution structurelle et durable offrant «une perspective à tous les chargés qui ont dépassé le nombre de CDD successifs autorisés par la loi». «Pour trouver des solutions plus structurelles, il faudrait la volonté politique nécessaire. Or le ministre Meisch continue à faire la sourde oreille», déplore Joëlle Damé. Une demande d’entrevue formulée le 7 février serait restée sans réponse, ajoute Isabelle Bichler.

«Au pire, les jeunes abandonnent»

En attendant, le ministère continuerait à «exploiter» les chargés de cours, souvent des «jeunes qui sortent de l’université et qui ont l’ambition de devenir enseignants à part entière». «On les attire en mettant en perspective un CDI. Mais, vu leur statut de remplaçant, un contrat fixe n’est pas réaliste. Au pire, ils se démotivent et abandonnent leur rêve de devenir enseignant», met en garde Luc Wildanger, le président de l’ACEN.

Il réprouve le fait que les CDD courent la plupart du temps de septembre à juillet, sans octroi de congés payés lors des vacances d’été. En outre, des contrats encore plus courts, sans tenir compte des autres vacances scolaires, seraient octroyés.

«Le plus effrayant est que les chargés avec un CDD se sentent mis sous pression, sans disposer de la perspective de toucher un revenu sûr. Par peur de ne plus être prolongés, ils préfèrent ne rien dire», relate Laurent Clement, membre du comité de l’ACEN, en charge de l’enseignement musical. En 2021, quelque 23 % des enseignants de musique étaient des chargés de cours (163 personnes). Ils cumulaient en moyenne 52 mois de CDD.

Des experts externes recrutés pour donner des cours réguliers

À la base, ils sont appelés à proposer aux élèves une immersion dans des matières qui ne font pas partie des matières classiques. La plupart de ces experts externes, recrutés sur la base de CDD d’un maximum de sept heures de cours par semaine, continuent à travailler dans leur profession, que ce soit en tant qu’indépendant ou salarié.

L’Association des chargés de l’enseignement national (ACEN) dénonce le fait que désormais le ministère de l’Éducation nationale ait recours à ce type de contrat très spécifique pour recruter aussi des chargés de cours afin d’enseigner des matières de base, telles les mathématiques ou les langues. «Certains enchaînent jusqu’à huit CDD de ce genre dans plusieurs lycées. Il en existe aussi qui sont dotés en même temps d’un CDD de chargé de cours», affirme Luc Wildanger, le président de l’ACEN. Un hic majeur serait que les CDD «Experts externes» n’offrent aucune affiliation à une caisse de maladie et ne donnent pas droit à des congés payés. Si cela n’est pas un souci pour les intervenants externes poursuivant leur activité principale, il s’agit d’un vrai problème pour les chargés de cours recrutés par le biais de ce CDD spécifique, dénonce l’ACEN.