Luxembourg
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Des faux mariages pour obtenir de vrais titres de séjour

Trois des quatre prévenus ont été entendus hier. Celle qui apparaît comme l’instigatrice des faux mariages doit comparaître ce matin. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Quatre Camerounais sont accusés d’avoir organisé de faux mariages avec de faux papiers pour permettre à des hommes d’obtenir de vrais permis de séjour. Le tout moyennant finances.

Kaolo signifie titre de séjour européen en pidgin camerounais. Certains sont prêts à payer cher et à employer des moyens pas très légaux pour en obtenir un. Hippolyte, par exemple. Ce Camerounais de 37 ans a accepté de contracter un faux mariage avec une jeune femme pour obtenir le fameux kaolo. Le 21 juin 2018, il s’est rendu avec elle au bureau de la population du Biergercenter de Luxembourg. L’employé de l’état civil a flairé la supercherie et a prévenu la police.

Une arnaque bien pensée

«Je venais de terminer mes études et d’avoir un fils, mais je n’arrivais pas à trouver d’emploi en Belgique étant donné ma situation», note le jeune homme dont la situation est régularisée depuis. «Je devais payer 7 000 euros pour avoir le titre de séjour et pouvoir travailler.» Les enquêteurs de la section criminalité organisée de la police judiciaire sont remontés jusqu’aux organisateurs de ce trafic. Faux contrats de travail, faux contrats de bail à de vraies adresses, faux actes de mariage et fausses mariées ressortissantes de l’Union européenne… L’arnaque était bien pensée.

Des jeunes femmes «jouaient» les jeunes mariées en présentant de vrais passeports ou cartes d’identité volés ou déclarés perdus par leurs véritables propriétaires contre de l’argent. Aux hommes, ces régularisations rapides coûtaient entre 5 et 7 kolos, soit entre 5 000 et 7 000 euros en argot camerounais. «Les actes de mariage étaient préparés au Cameroun et envoyés au Luxembourg», explique le policier. L’enquête n’a cependant pas permis d’établir la provenance des papiers des fausses épouses. Mikael, qui apparaît comme l’un des arnaqueurs, ne la connaît pas non plus. «Les véritables propriétaires peuvent les revendre pour 500 euros et les déclarer volés», glisse le juge.

«Ma situation ne me permettait pas de travailler»

À la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, Mikael, 39 ans, explique : «Je suis arrivé au Luxembourg pour faire un doctorat, mais je n’avais pas d’argent et ma situation ne me permettait pas de travailler.» Des personnes issues de la communauté camerounaise au Luxembourg lui auraient suggéré d’avoir recours à de faux papiers pour trouver du travail.

Mikael se serait laissé tenter et c’est lors d’un contrat en intérim qu’il a rencontré Honorine. Il s’est confié à elle quant à ses problèmes d’argent. «Elle m’a dit qu’elle était française», indique-t-il. «Elle m’a dit que pour 4 000 euros, elle acceptait de m’épouser pour que j’obtienne un titre de séjour.» Le prévenu épouse la jeune femme qui travaillait elle aussi sous une fausse identité. Sa situation régularisée, le Camerounais en aurait parlé à des amis qui auraient souhaité avoir recours au même stratagème. Face à la demande, Mikael et Honorine se seraient ensuite lancés dans les faux mariages.

De faux mariages sont conclus et de faux documents commis, reconnaît le jeune homme. Les policiers trouvent différentes identités, mais aucune trace de l’argent encaissé. «Combien avez-vous reçu d’argent?», interroge le président. «J’ai reçu cinq fois 150 euros pour les faux commis», assure Mikael qui cumulait deux emplois à l’époque sous deux identités différentes et dit avoir été payé pour ses écrits politiques au moment des élections au Cameroun. Ce qui expliquerait les 22 000 euros trouvés sur son compte en banque par les enquêteurs.

«Mon rôle était d’apprécier»

Mikael incrimine Honorine qui n’était pas présente lors de l’audience mardi. Myrian, 39 ans, aussi. «Mon rôle était d’apprécier», concède ce Camerounais du Luxembourg. «J’ai donné mon avis sur les mariages. La majorité des personnes qui les contractaient étaient des étudiants venus de Belgique. En contrepartie, je recevais quelque chose.» «Combien faisiez-vous rémunérer votre humble avis?», s’enquiert le président. «400 ou 500 euros. À trois ou quatre reprises», répond le prévenu. «Cela ne marchait pas toujours.»

Nul ne sait combien de temps le trio a exercé ses activités matrimoniales ni combien d’argent elles lui ont réellement rapporté. L’enquêteur de la police judiciaire manque de preuves pour lui imputer certains faits. Le procès se poursuit ce mercredi, avec notamment le témoignage d’Honorine et le réquisitoire du parquet.