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Espagne : du théâtre pour sensibiliser aux violences sexistes

Pour Silvia Serrano Martin, la psychologue scolaire du lycée El Olivo, ce type de spectacle est très efficace. Grâce au théâtre, les élèves «le vivent de manière directe». (Photo : afp)

Le projet «Teatro Que Cura» permet d’attirer l’attention des jeunes sur les violences faites aux femmes. Près de 9 000 lycéens espagnols ont déjà profité de cette sensibilisation «interactive».

La dispute commence bêtement avant que le jeune homme ne finisse par jeter par terre le téléphone de sa petite amie, faisant frémir le public dans un lycée espagnol où les élèves sont sensibilisés aux violences sexistes grâce à du théâtre interactif. Des mots, puis des cris, des insultes et soudain, Edu, furieux, sort de ses gonds et se montre violent envers Ali. La scène est jouée dans une salle de classe du lycée El Olivo à Parla, dans la banlieue de Madrid, par deux acteurs intervenant dans le cadre du projet «Teatro Que Cura» («Le théâtre qui soigne»).

En Espagne – pays pionnier en Europe depuis l’adoption en 2004 d’une loi introduisant la différence de genre comme circonstance aggravante des violences –, l’éducation est perçue comme centrale dans la lutte contre les violences faites aux femmes, dont le 25 novembre était la journée internationale. Dans la salle, Edu se lance d’abord dans un monologue sur ses chances de conclure dès le premier soir avec Ali, qui fait pouffer les adolescents… Mais les rires se font de plus en plus rares à mesure que la relation amoureuse s’installe et se dégrade.

Résoudre les conflits sans passer par la violence

«L’idée est que l’élève vive ce conflit et le résolve différemment», sans passer «toujours par la violence» comme les acteurs, explique Susana Martin Cuezva, la thérapeute à la tête de ce projet. «Si on voit une scène du genre dans la rue, on se dit juste que c’est un couple qui se dispute et voilà», dit Patricia Garcia, une élève de 15 ans. Mais «si tu es sensibilisée» à ces questions, «tu comprends que si on commence à te parler mal, à t’insulter, tu dois partir avant que les choses n’empirent».

Durant le spectacle, les adolescents sont invités à dire s’ils auraient géré les choses autrement, à réécrire la scène ou même à s’adresser directement à Edu ou Ali. «J’ai perdu la tête, tu me connais, je ne suis pas comme ça!», tente Edu en rejouant la scène face à une élève. «Mouais. D’abord, lâche-moi les baskets, essaye pas de m’intimider», lui dit-elle, calmement. Avant de s’en aller, sous les applaudissements des autres élèves, alors qu’Edu recommence à hausser le ton.

J’ai perdu la tête, tu me connais, je ne suis pas comme ça!

«Les bousculades, les insultes, c’est malheureusement ce qui est le plus réaliste» dans le spectacle «et ça arrive beaucoup plus qu’on ne le croit», affirme Mario Carmona, 16 ans. Les disputes, «c’est normal au sein d’un couple mais c’est bien que quelqu’un nous dise « attention, là ça dépasse les bornes »». Monté en 2017, le projet «Teatro Que Cura» a déjà immergé plus de 9 000 lycéens, principalement dans la région de Madrid, dans ce type de scénario interactif afin de les sensibiliser aux violences sexistes qui sont en forte augmentation chez les moins de 18 ans.

Selon les derniers chiffres officiels publiés en mai, c’est dans cette tranche d’âge qu’elles ont progressé le plus dans le pays avec 661 jeunes femmes victimes en 2021 contre 514 en 2020. Une hausse de près de 30 %. Les cours d’éducation affective et sexuelle «réduisent le risque de recourir à la violence sexiste chez les garçons et de la subir chez les filles», concluait un rapport du gouvernement espagnol en 2021. «Si on te l’enseigne à l’école, tu deviens conscient de tout ça très tôt», reconnaît Maryam Calderon, 16 ans.

Une méthode qui peut aussi détecter certains cas

Pour Silvia Serrano Martin, la psychologue scolaire du lycée El Olivo, ce type de spectacle est très efficace. Grâce au théâtre, les élèves «le vivent de manière directe». «C’est un outil qui sert pour la prévention mais aussi pour détecter parfois certains cas», ajoute-t-elle. Les élèves concernés par ces situations de violences en viennent parfois à se confier.

«Une fois, un garçon est allé parler avec l’acteur et a expliqué qu’il s’identifiait à Edu, qu’il commençait à être violent avec sa copine. Il pleurait et nous a dit qu’il avait besoin d’aide et qu’il ne voulait pas reproduire ce qu’il avait vu chez lui», raconte Susana Martin Cuezva en expliquant que son cas avait été signalé aux services compétents. À l’issue du spectacle, Patricia Garcia explique avoir retenu qu’il fallait se respecter soi-même et savoir fixer des limites. «Si une relation commence à prendre une tournure agressive, il faut s’en aller. Pour ta santé physique et mentale», conclut-elle.