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[Exposition] Frida Kahlo, l’étoffe d’une icône

Une exposition à voir au Palais Galliera à Paris, jusqu’au 5 mars 2023. (photo AFP)

Soixante-huit après sa mort, on la nomme encore par son seul prénom et elle est toujours considérée comme l’une des artistes les plus importantes du XXe siècle. Le musée de la Mode à Paris met en lumière Frida Kahlo, au-delà des apparences.

Au bout du chemin de la vie, des mots en guise de confession : «Tellement absurde et éphémère est notre passage dans ce monde, que la seule chose qui me rassure, c’est la conscience d’avoir été authentique. D’être la personne la plus ressemblante à moi-même que j’aurais pu imaginer». Des mots de Magdalena Frida Carmen Kahlo Calderón, simplement appelée Frida Kahlo, artiste peintre mexicaine, née en juillet 1907 dans une démarcation territoriale de l’actuelle entité fédérative de Mexico, la délégation de Coyoacán, et morte au même endroit en juillet 1954.

Enfant puis adolescente, elle souhaitait devenir médecin. À 18 ans, elle commence la peinture après un terrible accident de tramway qui lui laissera la colonne vertébrale brisée et le corps fracturé. Près de soixante-dix ans après sa disparition, elle est considérée comme l’une des artistes les plus importantes de son siècle, elle dont la vie n’a été que souffrance et solitude. Elle dont, en novembre 2021 chez Sotheby’s à New York, un de ses tableaux, (Diego y yo) a été acheté pour 34,9 millions de dollars – soit l’œuvre d’art latino-américaine la plus chère vendue aux enchères.

Et jusqu’à la fin de l’hiver prochain, elle a droit à une belle et grande exposition au Palais Galliera – le musée de la Mode à Paris : «Frida Kahlo, au-delà des apparences». Oui, c’est ainsi avec Frida, il n’a jamais fallu se fier aux apparences ! Ce que prouve le rendez-vous parisien en sept sections : «Je suis née ici», La Casa Azul, «Gringolandia» (comme elle surnommait les États-Unis qu’elle a visités la première fois en 1930), Paris, Handicap et créativité, Œuvres et tenues et, pour terminer, Frida à l’avant-garde. Au hasard des sections sont exposés les tableaux de l’artiste mais aussi des tenues et costumes, des effets et objets personnels (chaussures et bottes, prothèses, corsets peints,…).

Autant de «matériaux révélateurs d’intimité» selon Circe Henestrosa, conceptrice et commissaire de l’exposition, qui avaient été mis sous scellés à sa mort par son mari et artiste Diego Rivera – ils s’étaient mariés en 1929, ont divorcé en 1939 puis se sont remariés à San Francisco en 1940… Avant même ses œuvres, tableaux et dessins, Frida Kahlo c’est d’abord une image. Qu’elle a savamment dessinée – comme le rappelle l’exposition. Une image entretenue par Frida, le film de Julie Taymor en 2002 avec Salma Hayek dans le rôle-titre.

«Elle défend son identité mexicaine»

Frida Kahlo, c’est une brune incandescente, des jupons multicolores, une double tresse nouée de rubans, un monosourcil de légende et une ombre de moustache assumée. Avec «Frida Kahlo, au-delà des apparences», «on parle de mode et de handicap, de mode et d’identité, de mode et d’ethnicité, de mode et de politique, de mode et de fluidité des genres», ajoute Circe Henestrosa. De son côté, Gannit Ankori, directrice du Rose Art Museum (Boston) et conseillère curatoriale, explique : «Elle qui n’a eu que deux expositions personnelles dans toute sa vie a construit son image comme un tableau. Successivement, elle a posé, s’est composée, s’est exposée».

Il y a les autoportraits, les toiles aussi où figure Diego Rivera, son mari, ogre érotomane et pygmalion à certaines heures… Il y a aussi, et surtout, les tenues (normal, on est au musée de la Mode !), le vêtement qui tient avant tout de paravent et de faire-valoir, toujours étincelants et éblouissants. Encore Circe Henestrosa : «Il devient un artifice dès ses six ans, lorsque, souffrant de poliomyélite, elle superpose plusieurs chaussettes sur son pied droit atrophié par la maladie. Elle commence à porter des jupes longues pour couvrir sa jambe trop courte. Et choisit la tenue tehuana, que sa mère portait déjà, emblème de la société matriarcale d’Oaxaca, où les femmes indigènes administrent le commerce et l’économie».

Elle poursuit : «Elle défend son identité mexicaine quand la mode de l’époque était celle de Paris et de Hollywood !». On retrouve notamment une robe avec une cape rappelant le «resplandor», une coiffe d’inspiration religieuse. Mais aussi des jupes, tuniques, combinaisons ornées de fleurs, tulles et strass et même des corsets en métal. «On ne montre rien que Frida Kahlo n’a pas voulu montrer elle-même», explique la commissaire qui dit avoir voulu s’«éloigner du discours dans les années 80 qui insistait plus sur la victimisation de Kahlo et de son corps».

«Elle a bien sûr souffert beaucoup physiquement mais on voit à travers cette exposition comme elle utilisait la peinture comme un moyen de convalescence et de production créative», ajoute-t-elle. Femme d’engagement, communiste revendiquée, elle sera l’amie du couple Léon Trotski et Natalia Sedova. Sortant du musée de la Mode, on pense alors aux mots de Hayden Herrera, l’auteure de l’indispensable biographie Frida Kahlo : «Elle ne fut qu’un des nombreux artisans de son propre mythe, et si celui-ci est truffé de dérapages, d’ambiguïtés et de contradictions, c’est parce que l’artiste était marquée par une complexité dont elle avait une conscience aiguë».

«Frida Kahlo, au-delà des apparences». Palais Galliera- Paris. Jusqu’au 5 mars 2023.

Elle ne fut qu’un des nombreux artisans de son propre mythe

Viva Frida / Gérard de Cortanze (Albin Michel)

Écrivain, essayiste et dramaturge de belle réputation (plus de 90 livres à son actif!), Gérard de Cortanze n’a jamais manqué une occasion pour évoquer sa passion pour la peintre mexicaine. Normal donc qu’il lui consacre une «biographie» amoureuse et enthousiaste, titrée Viva Frida. Dans ces pages, l’auteur tente de faire un pas de côté pour aborder Frida Kahlo – pas question de répéter une énième fois ce qui a déjà été écrit. Ou alors, l’écrire différemment. Ainsi, il a puisé dans le journal de la peintre et aussi dans sa correspondance, la légende de ses tableaux ou ses entretiens avec la presse. Et au final, on a le beau portrait d’une femme délicatement plurielle, follement inspirante.

Une passion mélancolique selon Frida Kahlo / Christine Frérot (Ateliers Henri Dougier)

Dans la passionnante collection «Le roman d’un chef-d’œuvre», un texte indispensable : Une passion mélancolique selon Frida Kahlo de Christine Frérot, docteure en histoire de l’art et spécialiste du Mexique. Respectant le principe de la collection, l’auteure a mêlé récit romanesque et enquête historique pour raconter l’histoire d’un célèbre tableau L’Étreinte d’amour de l’univers, la terre (Mexique), moi, Diego et monsieur Xólotl (1949). Au fil des 130 pages de cette «passion mélancolique», Christine Frérot prend Diego Rivera pour narrateur. Il raconte «sa» Frida, son passé, ses douleurs, son engagement politique et surtout leur amour aussi fou qu’indestructible.

Frida Kahlo / Hayden Herrera (Flammarion)

Américaine et historienne, Hayden Herrera est tenue pour l’une des meilleures spécialistes mondiales de la peinture latino-américaine. En 1983, elle publiait outre-Atlantique la biographie de Frida Kahlo. Le texte, sorti en VF trente ans plus tard, est réédité cette année. Dans les pages, d’une écriture maîtrisée et inspirée, l’auteure conte une peintre chatoyante (et pas seulement pour ses costumes!) au langage volontiers effronté. «Mais elle est aussi sensible, abîmée et malade», précise Hayden Herrera qui ne manque pas de rappeler que Frida ne fut pas seulement une immense artiste-peintre mais aussi l’amie de Nelson Rockfeller ou du surréaliste André Breton (qu’elle traita dans une lettre de «vieux cafard»). Et aussi l’épouse de «l’ogre» Diego Rivera. La grande et indispensable biographie.

S. B.