Luxembourg
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Les aides-soignants montent au créneau : «On ne nous donne pas assez d’importance»

Nelia Dos Santos et Sonia Marques, aides-soignantes et membres de l’ALAS veulent mettre en valeur leurs compétences. 

Manque de reconnaissance, de perspectives de carrière, difficulté de recrutement… L’Association luxembourgeoise des aides-soignants sort du silence après plusieurs années de crise. Et souhaite être entendue.

Elles étaient en première ligne durant la crise du Covid-19. Elles l’ont toujours été, avec ou sans pandémie et le sont encore aujourd’hui. Elles sont les petites mains qui prennent soin de vos pères, de vos grands-mères, qui les soignent et leur apportent du réconfort chaque jour. «Elles», ce sont les aides-soignantes.

Le Luxembourg en compte un peu plus de 3 780, selon le registre des professions de santé réglementées du ministère de la Santé datant de 2019. Trois d’entre elles ont accepté de témoigner pour faire entendre leurs voix, déplorant un manque de reconnaissance pour leur profession et une image de leur métier bien trop éloignée de la réalité du terrain.

«Nous sommes les personnes qui sont le plus souvent auprès du patient. Nous sommes celles qui donnent toutes les informations importantes à nos collègues infirmiers ou médecins. C’est un travail d’équipe, il ne faut pas l’oublier», souligne Elisabeth Duarte, aide-soignante en maisons de soins depuis 20 ans.

À ses côtés, Sonia Marques et Nelia Dos Santos, qui exercent également cette profession depuis plus de deux décennies dans des hôpitaux et ont vu leur métier évoluer avec le temps, les nouvelles technologies, les multiples crises. Si aujourd’hui, elles restent passionnées par leur travail, malgré les heures supplémentaires et les difficultés, elles veulent aussi que les choses bougent, pour améliorer leurs conditions, recruter de nouveaux professionnels et être enfin reconnues à leur juste valeur.

Elles font parties toutes les trois de l’Association luxembourgeoise des aides-soignants (ALAS), qui existe depuis 38 ans. Une ASBL qui compte aujourd’hui moins d’une centaine de membres et sonne l’alerte : il est de plus en plus difficile de recruter du personnel, surtout jeune.

«La crise sanitaire ne nous a pas vraiment aidés : nous avons dû continuer de travailler malgré tout, y compris les week-ends et jours fériés… Ce n’est pas un métier facile, cela fait peur aux jeunes», explique Nelia Dos Santos, vice-présidente de l’association.

«Les gens oublient vite»

Des difficultés de recrutement qui s’accentuent depuis quelques années et qui ne sont pas seulement liées à la pandémie : le manque de perspective, une fois dans le métier, joue également un rôle important. «On ne peut pas évoluer. Il n’y a aucune perspective de carrière, aucune diversification dans notre métier, alors que nous avons soif d’apprendre et de partager nos compétences et nos expertises», argumente Sonia Marques, membre du comité de l’ALAS, qui veut garder l’espoir d’être entendue par le gouvernement : «Un mouvement est en cours, mais il n’y a rien de concret pour l’instant», glisse-t-elle en souriant.

Elisabeth Duarte, aide-soignante depuis 20 ans, toujours passionnée «malgré tout» aux côtés de Christiane Moris, membre de l’ALAS.

Ce «mouvement» évoqué par Sonia doit se concrétiser à travers un projet de «réactualisation des attributions de la profession d’aide-soignant», mis en avant par le ministère de la Santé il y a plusieurs mois et qui vise à renforcer la «coopération interdisciplinaire» et à mettre en avant la profession d’aide-soignant, en proposant aussi l’acquisition de «nouvelles compétences et qualifications spécifiques tout au long de la carrière».

Un engagement tenu de longue date, par de multiples ministres de la Santé, mais qui peine encore à émerger concrètement. «Des promesses ont été tenues pendant la crise sanitaire notamment, mais nous avons l’impression que tout a été oublié. Les gens oublient vite ce genre de choses…», se désolent les trois aides-soignantes.

Améliorer leurs conditions de travail, proposer des évolutions et surtout mettre en avant la qualité de leur travail permettraient, selon elles, de rendre à nouveau ce métier plus attractif. «On attend de plus en plus des aides-soignants. Mais on parle de tous les autres acteurs de terrain, sauf nous. On ne nous donne pas assez d’importance, alors que sans nous, beaucoup de choses ne se passeraient pas comme prévu», constate Nelia Dos Santos. Un manque de reconnaissance qui commence à peser sur le moral, après des années compliquées.

Ne pas «déshumaniser le soin»

«Beaucoup ont lâché l’affaire ou s’orientent vers des filières d’éducateurs, en dehors du soin, dans d’autres pays. Il y a un manque criant de personnel, mais tant que les perspectives d’évolution manqueront, ça n’ira pas. L’aide-soignante peut prendre en charge des tâches de l’infirmière et lui permettre de se concentrer sur ses attributions propres. C’est un travail d’équipe. Nous l’avons fait durant le Covid-19! Nous avons été réactives, nous avons improvisé, évolué. Ne pas mettre ça en valeur, c’est une vraie perte de compétences et d’expertise», martèlent les trois femmes, qui voient, dans cette possible évolution, une manière aussi de ne pas «déshumaniser le soin».

«Un être humain ne sera jamais soigné par une machine, il faut être clair, et c’est important. Soigner une personne, ça reste soigner. Prendre le temps, être auprès d’eux, se concentrer vraiment sur le patient. Ce sont de petits détails comme cela qui font de grandes différences sur le terrain», appuie Sonia Marques, qui appellent les aides-soignants à rejoindre l’ALAS, pour «peser un peu plus face aux politiques». «Nous faisons notre métier avec humilité, respect et bienveillance. Il faut que cela continue et aille dans le bon sens.»