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Marilyn Monroe, loin des paillettes  

Blonde

d’Andrew Dominik

Avec Ana de Armas, Bobby Cannavale, Adrien Brody…

Genre drame

Durée 2 h 47

Il aurait pu tomber dans la facilité et livrer un énième biopic ronflant comme il est de coutume à Hollywood. Rajouter du rouge à lèvres et du rimel pour embellir l’image de la légende, soixante ans après son décès, qui lui en aurait voulu ? Il n’en est pourtant rien. Andrew Dominik n’a pas bataillé dix ans pour sortir une hagiographie.

S’il a essuyé de nombreux refus avant que Netflix n’accepte d’ouvrir son portemonnaie, c’est qu’il avait en tête de souffler sur les paillettes qui ont toujours entouré l’icône de la culture populaire, morte à l’âge de 36 ans. On oublie donc les «Happy Birthday Mr. President» et autres «poupoupidou» pour se tourner vers Blonde, livre-fleuve de Joyce Carol Oates, biographie fictive mais documentée de la star, parue en 2000, et source principale du film.

Le réalisateur (auteur en 2007 de The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford) colle au plus près des intentions de la romancière américaine : gratter la couche de vernis pour raconter Marilyn Monroe loin des projecteurs et de sa moue ensorceleuse. Si son destin, broyé par la machine hollywoodienne, a déjà inspiré une pléthore de créateurs, dont Simon Curtis qui en a fait un film il y a dix ans (My Week With Marilyn), Blonde va lui beaucoup plus loin en jetant une lumière crue sur le 7e art et son système patriarcal pour dresser un portrait cauchemardesque de l’actrice, chanteuse et sex-symbol.

Car derrière l’icône se cache une jeune femme fragile, Norma Jeane, perturbée par une histoire familiale complexe. C’est elle que fixe la caméra, entrainant le spectateur dans une longue séance de psychanalyse.

Andrew Dominik ne retient pas son geste quand il s’agit d’écorner le mythe

Car les traumatises, chez elle, sont à vif : il y a cette enfance passée auprès d’une mère malade, suicidaire et violente, internée dans un hôpital psychiatrique. Sans oublier le père, illustre inconnu résumé à une simple photographie, qu’elle attendra de voir, en vain, toute sa vie durant.

Tout est là, selon le réalisateur : l’héritage psychotique maternel et la cruelle absence paternelle – au point qu’elle appellera les acteurs et ses maris Joe di Maggio (incarné par Bobby Cannavale) et Arthur Miller (Adrian Brody) «papa». Une sorte de nœud œdipien présent tout au long du film par des symboles récurrents (l’ours en peluche ou un tiroir qui lui servait, bébé, de berceau).

Sur cette base instable, la jeune femme va grandir trop vite : d’abord pin-up sur papier glacé avant d’obtenir un premier rôle au cinéma… suite à un viol d’un producteur, avant de succomber au chant des alouettes du 7e art, usine à rêves qui, progressivement, va se transformer en enfer fait d’alcool, de médicaments et d’élans paranoïaques. «Cette créature, ce n’est pas moi!», clame dans le film son double, Norma Jeane, qui n’aspirait finalement qu’à fonder une famille et jouer dans des pièces de Tchekhov ou Dostoïevski.

Andrew Dominik ne retient pas son geste quand il s’agit d’écorner le mythe. Tout y passe : du sang, des larmes (énormément), les coups, les avortements, les troubles psychiatriques, sans oublier les violences sexuelles, notamment à travers cette scène, l’une des plus fortes du film, où Marilyn est contrainte de pratiquer une fellation au président John Fitzgerald Kennedy… Fait pour le moins méconnu, le réalisateur insiste également sur la relation qu’elle a entretenue avec Cass, le fils Chaplin, et Eddy G. Robinson J.-R., trident amoureux et orgiaque porté sur les drogues.

Blonde est un film rare qui ne laisse pas indifférent. D’abord pour la performance de l’actrice Ana de Armas, 34 ans, saluée comme il se doit au Lido début septembre lors de la présentation du film à la Mostra de Venise. L’étoile montante du cinéma mondial (Blade Runner 2049, No Time to Die) incarne avec intensité cette héroïne cabossée qui avance sur un fil bien trop précaire pour ne pas tomber.

Ensuite pour la réalisation décomplexée, qui passe du noir et blanc à la couleur en ne lésinant pas sur les effets expérimentaux, basculant l’histoire entre onirisme et horreur, rêve et réalité. De quoi, au bout de presque trois heures d’un récit éclaté, être fasciné, troublé ou encore égaré. Restera une seule certitude : ce qui est bien avec un biopic, c’est quand ça n’en est pas un !