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[Opéra] Le choix audacieux de la Scala de Milan en pleine agression russe

Lors des répétitions de «Boris Godounov». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, assistera à la «prima». (Photo : AFP/théâtre de la Scala)

Le choix était osé en pleine guerre entre la Russie et l’Ukraine, mais d’actualité avec une parabole sur la dictature des tsars : la Scala de Milan ouvre mercredi sa nouvelle saison avec Boris Godounov, un opéra controversé et audacieux de Modeste Moussorgski.

L’idée de cette « Prima » (Première) avait germé il y a trois ans, bien avant la guerre : après l’invasion russe en février, des doutes ont surgi, mais la Scala a maintenu son programme, malgré les protestations du consul ukrainien à Milan, Andrii Kartysh.

Si le diplomate craignait un coup de propagande pour Vladimir Poutine, le théâtre mythique est formel : « Nous ne faisons l’apologie de personne, nous jouons un opéra qui est un chef-d’œuvre de l’histoire de l’art », a déclaré son directeur, Dominique Meyer.

Temps fort de la vie culturelle italienne, la « Prima » sera suivie depuis le palco reale, la prestigieuse « loge royale », par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, et le président Sergio Mattarella.

L’opéra de Moussorgski (1839-1881), inspiré du drame éponyme d’Alexandre Pouchkine, raconte la rupture entre un dirigeant autocrate et son peuple et a été censuré à plusieurs reprises sous l’Empire russe, puis sous l’Union soviétique.

Solitude au pouvoir

C’est la version originale (Ur-Boris) chantée en russe qu’a choisie le directeur musical de la Scala, Riccardo Chailly, pour rester fidèle à l’esprit de Moussorgski, même si elle est « plus âpre et plus dure », selon M. Meyer. « Boris Godounov est un chef-d’œuvre absolu, dont la modernité surprend » et qui réserve des « moments de grande poésie du timbre et de beauté musicale », estime Riccardo Chailly.

Une production de cet opéra au théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg en 2012 avait frappé les esprits en dressant un parallèle entre le règne de Boris Godounov, tsar de 1598 à 1605, et Vladimir Poutine, qui faisait alors face à un mouvement de contestation sans précédent.

Dix ans plus tard, c’est le moment juste pour jouer Boris Godounov, car « Moussorgski était lui-même un artiste qui combattait le système, ce serait totalement erroné de censurer son opéra qui démasque le pouvoir », estime le metteur en scène, Kasper Holten.

Solitude au pouvoir, folie, violence, remords… le personnage complexe et tourmenté de Boris Godounov, arrivé au pouvoir après avoir fait assassiner l’héritier légitime du trône, semble tout droit sorti d’une tragédie de William Shakespeare (1564-1616), dont Pouchkine s’est inspiré.

Petite entorse à la version originale de Boris Godounov, un entracte sépare la première partie, où le spectateur suit le drame vu de l’extérieur, de la seconde, qui lui permet de se glisser dans l’esprit du tsar, en proie à des hallucinations et hanté par des fantômes.