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Projet hôtelier à Rodange : «On est prêts à défendre notre forêt»

Les riverains veulent sauver ces bois de l’activité humaine projetée à cet endroit et qui nuirait à la biodiversité.

Deux initiatives citoyennes se dressent face à la commune de Pétange concernant la construction d’un hôtel et d’un centre de bien-être sur un site entouré de zones protégées.

C’est un projet qui suscite une véritable levée de boucliers parmi les habitants, ces dernières semaines, à la suite de la publication de la demande de permis de construire par le bourgmestre : un hôtel de 3 000 m2 et 59 chambres va s’implanter au lieu-dit «Am Doihl» à Rodange, aux côtés d’un centre de bien-être auquel il sera relié par un passage souterrain.

Tandis que l’établissement sera exploité par la chaîne autrichienne JUFA, spécialisée dans les séjours famille et business avec plus de 60 hôtels dans cinq pays, c’est la commune qui sera aux commandes du centre wellness attenant. Sur son site internet, le groupe touristique met en avant ses «lieux magiques» parfaits pour une escapade, et c’est bien là le problème : le futur complexe luxembourgeois doit sortir de terre dans une enclave située au beau milieu de zones protégées.

Impensable pour de nombreux citoyens, dont près de 200 se sont réunis le 19 janvier dernier pour protester, soutenus dans leur démarche par la Biergerinitiativ Kordall – connue dans la région pour avoir fait échouer un projet français d’enfouissement de déchets à la frontière dans les années 1990 – et la Biergerinitiativ Doihl, nouvellement constituée par une dizaine de personnes.

À sa tête, Henri Krecké, secrétaire communal à Differdange et figure locale, qui se dit déterminé à défendre les hectares de nature environnants et leur biodiversité face aux pelleteuses. «La commune de Pétange parle d’une auberge de jeunesse, alors que le projet va bien au-delà d’un établissement pour jeunes de passage. C’est induire les gens en erreur», pointe-t-il, précisant que le bâtiment principal s’étendra sur plus de 100 mètres avec une hauteur de 12 mètres, «un monstre en zone rurale».

Lors d’une réunion sur le site, rue de la Minière, Henri Krecké a dénoncé l’envergure du projet. Photo : tania feller

Alors que des alternatives «asphaltées» auraient pu être envisagées selon lui, comme les sites Piko ou Trax qu’il cite, il reproche au bourgmestre Pierre Mellina (CSV) de refuser tout dialogue et surtout, de ne pas avoir suffisamment informé les riverains sur ce chantier entamé en 2010.

«On est mis devant le fait accompli», se désole-t-il. «Or, comme toute la procédure légale est en ordre, il nous rétorque qu’on se réveille trop tard, qu’on aurait dû assister à la séance publique en 2011. Mais, en parallèle, aucun effort n’a été fait pour présenter tout ça à la population.»

Le collectif soulève aussi les conditions de mise à disposition de ce terrain public à la société Tecto Domus pour une durée de 30 ans, via un contrat de concession conclu en 2019 : «Cet investisseur privé s’est vu confier la parcelle de 73 ares pour l’équivalent de 1 000 euros annuels, alors que la commune l’avait acquise 270 000 euros : on comprend qu’il faille être attractif, mais quand même!», ironise Henri Krecké.

Un «impact évident» sur la zone protégée

Il note que, si l’ensemble de la zone était encore placée sous protection Natura 2000 au début du projet, son périmètre a été retracé ces dernières années – tout à fait légalement – pour permettre l’installation de l’hôtel et du centre de bien-être. «Les zones protégées se trouvent maintenant tout autour, avec un impact évident sur la faune et la flore : comment imaginer qu’un mégaphone et un grand phare en bordure de forêt n’aient pas d’incidence sur la forêt elle-même?»

Les experts interrogés par les citoyens évoquent l’impératif d’une zone «tampon» entre les espaces à préserver et ceux qui sont urbanisés. Sur place, c’est la survie de colonies de chauves-souris et d’autres espèces protégées qui se joue, tout comme celle de deux sources souterraines et d’un marécage adjacent, ou encore la migration des batraciens. «Les études d’impact réalisées à l’époque sont sommaires. On réclame des analyses plus poussées», soupire ce passionné, qui espère pouvoir transmettre ce joyau naturel intact aux générations futures.

C’est ce patrimoine qu’ont défendu hier les représentants des deux initiatives citoyennes, invités à s’exprimer face au bourgmestre – comme l’impose la loi en cas de réclamation – alors qu’ils voient déjà plus loin.

Confrontés au silence de la commune ces derniers mois, ils ont décidé de porter l’affaire au niveau national via une pétition publique qui sera soumise à la Chambre des députés, après 300 signatures récoltées localement. Et en dernier recours, le groupe n’hésitera pas à saisir la justice : «On est prêts à défendre notre forêt», prévient Henri Krecké.

Des «interprétations fausses», selon la commune

En guise de réponse aux riverains, la commune de Pétange s’est fendue d’un communiqué le 18 janvier pour «contrecarrer différentes interprétations» qu’elle juge «fausses et trompeuses». Le bourgmestre y détaille les modifications du plan d’aménagement général (PAG) approuvé par les autorités communales en 2011 puis 2017, et par le ministère de l’Intérieur, et rappelle que la consultation publique a été respectée.

«L’hôtel critiqué par vos associations ne sera nullement construit en zone verte, ni dans une zone destinée à rester libre, mais sur un terrain classé en zone de sport et de loisirs avec séjour», tranche Pierre Mellina. Quant au centre wellness, dont la commune assurera la maîtrise d’ouvrage et qui doit ouvrir ses portes à côté du terrain de football «Am Doihl», il avance que, les travaux de planification venant «tout juste de commencer», les détails ne sont, «à ce jour, pas disponibles».