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[Sélection nationale] Gerson-Sinani au sommet : «Ce duo, c’est le fou et le cynique»

Gerson-Sinani, un duo de fous furieux. Photo : jeff lahr/sportspress.lu

On n’arrête plus Gerson Rodrigues et Danel Sinani, qui ont encore marqué à l’international. Décryptage de deux phénomènes si différents par Sébastien Grandjean.

Gerson Rodrigues et Danel Sinani sont inarrêtables. Un but chacun à Istanbul, jeudi et les voilà respectivement à 13 et 9 buts en 48 rencontres chacun avant de recevoir la Lituanie ce dimanche. Le record de 14 buts devrait être vite égalé voire battu dès ce week-end par le premier, et rapidement dans le viseur du second. Alors qu’il fut un temps où Luc Holtz parlait de laisser les clefs du jeu à Vincent Thill, les deux attaquants se sont emparés du leadership en duo. Avec des caractéristiques si dissemblables qu’on en vient à se demander s’il y a un patron dans le duo. Ébauche de réponse avec notre consultant, ancien coach de la Jeunesse, du F91 et du Fola.

1) Que penser de leur match en Turquie?

«Qu’ils ont d’abord mis leurs qualités physiques au service de l’équipe dans un esprit de solidarité. Ils ont orchestré un pressing intelligent. Et derrière, on retrouve leurs qualités offensives propres sur leurs buts respectifs. Gerson, c’est un félin, c’est l’explosivité. Il peut surgir à tout moment et imposer sa puissance. Mais il n’a souvent pas le geste juste de Sinani. Gerson mettra la puissance? Sinani mettra surtout le ballon là où le gardien n’ira pas la chercher. Ce qu’il y a d’intéressant, là, c’est qu’à Istanbul, tu concrétises 80 % de tes occasions de but et c’est très très bien. Il y a eu un état d’esprit déterminé et courageux, un pressing haut et un regroupement très rapide avec de la solidarité, comme l’a dit le sélectionneur.

Mais pour revenir aux attaquants, on voit bien qu’ils mûrissent en club, qu’ils évitent désormais de perdre de l’énergie inutilement, qu’ils se construisent. Il faut encore parfois mettre une claque à Gerson pour le ramener sur terre, ce qui n’est pas nécessaire avec Sinani. Ces différences culturelles ou d’éducation – sans dire que l’une est mieux que l’autre – se sentent tellement dans leur jeu. Il y a de la folie d’un côté, du cynisme de l’autre. Si on parvenait à mixer les deux, le Luxembourg aurait un attaquant dans un club très huppé…»

2) Lequel des deux a-t-il le plus d’impact sur cette équipe?

«Difficile de répondre à cette question, déjà parce qu’ils n’ont pas le même âge (NDLR : Gerson Rodrigues a 27 ans, Danel Sinani 25) et encore moins la même personnalité. Et l’un tire les pénalties, l’autre pas, ce qui joue fatalement sur leurs statistiques. Un Gerson n’hésite pas à prendre de la place et la parole. Un Sinani ne le fera pas, mais dès le coup d’envoi, il commencera à en prendre sur le terrain parce qu’il a besoin de toucher le ballon tout le temps alors que ce n’est pas nécessaire pour Gerson. C’est pour ça qu’un Danel aura plus d’impact dans un jeu de possession. Et inversement.»

3) Lequel des deux a le plus de compléments naturels sur le terrain, qui conviennent à son jeu?

«Ah bien forcément Danel! On joue beaucoup plus facilement avec un Danel qu’avec un Gerson. C’est évident parce que c’est un 9 et demi, un animateur, et pas Gerson. Gerson, c’est un peu le fou du roi, qui va embêter la charnière, chercher la profondeur… Souvent, il n’y a que Gerson qui sache ce que Gerson va faire et parfois, on pourrait presque l’oublier, sur un terrain. Un Danel, pas possible. C’est un rôdeur, on est obligé de le rechercher.»

4) Les deux, associés, constituent-ils une paire de qualité internationale?

«Eh bien… aucun des deux ne fait partie d’un club de haut standing. Je dirais que le plus important les concernant, c’est plus la façon dont ils animent ensemble l’attaque. Parce qu’Yvandro Borges est en train d’arriver sur le devant de la scène et ce n’est plus un poulet de deux semaines comme il l’était il y a un an et demi. Là, à Mönchengladbach, il fait du muscle et commence à prendre de la place. Pour lui, il n’est plus trop tôt. Ça y est, il est temps. Mais revenons à cette idée d’animation : entre Gerson et Danel, aucun des deux ne peut faire de différence à lui tout seul. Mais ce sont leurs permutations incessantes qui peuvent rendre fous n’importe quels défenseurs. Et même de nations de très haut standing. Parce qu’aucun défenseur n’aime les permutations. L’enjeu, pour eux, il est là. Et pour ça, ils ont du talent.»

5) Sont-ils meilleurs qu’Aurélien Joachim, recordman du pays à l’international avec 14 buts?

«Je dirais qu’ils sont plus complets. En tout cas du point de vue du talent pur. Quand Joachim est passé pro, je l’ai vu faire quelques matches tout bonnement énormissimes où sa puissance était telle qu’il pouvait faire peur à n’importe quel défenseur. Et lui était capable de jouer tout seul en pointe. Mais il n’a jamais eu la finesse technique d’un Danel, par exemple.»

Julien Mollereau