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Un accord tripartite, plusieurs bémols

Le Premier ministre et les présidents du LCGB (à g.), de l’OGBL (2e de d.) et de la CGFP (à d.) avaient le sourire, hier, après avoir signé l’accord tripartite. Le président de l’UEL était plus réservé (2e de g.). Photo : hervé montaigu

C’est signé! Gouvernement, syndicats et patronat ont scellé, hier, le «paquet de solidarité 2.0». Les partis de l’opposition fustigent un manque de sélectivité et d’équité sociale.

Que vaut donc l’accord tripartite, officiellement signé, hier après-midi, au ministère d’État? Les avis divergent, même si, en fin de compte, une large majorité à la Chambre des députés (53 oui, 6 abstentions) est venue soutenir les grandes lignes du paquet «anti-inflation», rebaptisé en «Paquet de solidarité 2.0». Les partis de la coalition gouvernementale (DP, LSAP, déi gréng) ont été rejoints par le principal parti d’opposition CSV et le Parti pirate. L’ADR et déi Lénk se sont abstenus.

Ce large vote en faveur des mesures négociées entre gouvernement, syndicats et patronat ne peut pas cacher des divergences, y compris au sein de la majorité. Le LSAP rejoint assez ouvertement la revendication de l’opposition, le CSV en tête, de mettre en œuvre une réforme fiscale, avec à la clé une adaptation du barème d’imposition à l’inflation. «Si les bons chiffres du budget de l’État se confirment dans les semaines à venir, il n’y aura plus d’argument qui plaiderait contre une réforme fiscale», lance ainsi Yves Cruchten, le chef de la fraction socialiste.

Un coût cumulé de 2,5 milliards d’euros

Il est cependant très probable que les finances publiques vont se détériorer sensiblement. Le Premier ministre, Xavier Bettel, a rappelé que les deux paquets d’aides ficelés par la tripartite de mars et de septembre auront un coût cumulé de 2,5 milliards d’euros. «Il s’agit d’une somme énorme, mais elle est mobilisée pour le bien du pays», martèle le chef du gouvernement.

Le plafonnement et le gel des prix de l’énergie doivent, en priorité, permettre de freiner l’inflation. Le Premier ministre rejette toute critique sur le manque de sélectivité sociale de la mesure phare du «Paquet de solidarité 2.0» : «J’insiste sur le fait que pour combattre l’inflation, il n’est pas suffisant, selon les calculs du Statec, de se montrer sélectif. Seul un plafonnement généralisé des prix aura l’impact nécessaire».

«On refuse d’acheter un chat dans un sac»

Ce nouvel argument, non avancé à la sortie de la tripartite, n’a pas eu le don de convaincre les partis de l’opposition. «Le contribuable finance à la fois le chauffage de la chambre d’enfant et le sauna des mieux lotis. On ne devrait pas faire de cadeau aux millionnaires», fustige Sven Clement (Parti pirate). Toute incitation à économiser de l’énergie serait levée, clame-t-il encore.

Le fait que le gouvernement s’est engagé à financer le versement d’une troisième tranche indiciaire interpelle également déi Lénk. «Avec ces centaines de millions d’euros, on pourrait financer une réforme fiscale qui s’impose depuis longtemps», martèle ainsi Myriam Cecchetti. Elle propose en outre un impôt de crise à verser par les plus gros salaires et les entreprises signant les plus grands bénéfices. L’ADR de Fernand Kartheiser voit rouge et réclame au gouvernement de renoncer à tout nouvel impôt ou hausse de taxe en cette période de crise.

Gilles Roth accorde le plein soutien du CSV à l’accord tripartite. «Or nous refusons d’acheter un chat dans un sac. Nous allons accompagner d’un œil critique les textes de loi pour mettre en musique l’accord», prévient-il. Le coprésident de la fraction chrétienne-sociale fustige en outre «la grande erreur» du gouvernement tricolore qui aurait «omis, lors des années fastes, à mettre de côté une pomme pour la soif».

Imbroglio sur un possible troisième index en 2023

Le camp patronal reste très amer après la signature de l’accord tripartite. La principale raison est le manque de prévisibilité, combiné à l’obligation de financer une hausse, dès le 1er janvier, du salaire social minimum (+3,3 %) ainsi que deux tranches indiciaires, en février et avril 2023.

Pour la Chambre de commerce, l’index constitue un «instrument particulièrement inapte à réagir à cette crise et socialement injuste». De plus, et contrairement au Statec, la Chambre de commerce estime que le déclenchement d’une troisième tranche indiciaire «ne fait quasiment plus de doute». Du coup, le camp patronal appelle le gouvernement à «scrupuleusement respecter son engagement, qui consiste à compenser entièrement l’impact sur les entreprises». Le Premier ministre a cependant affirmé, hier, que la compensation financière par l’État se limiterait aux mois entre le versement de l’index et la fin de l’année 2023. La Chambre de commerce table sur un 3e index «vers la fin du troisième ou le début du quatrième trimestre 2023». Un flou persiste, donc.