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À Hassaké, les enfants de jihadistes étrangers emprisonnés tentent de vivre en dehors de la radicalité

La France commence à rapatrier, en plus grand nombre, ses ressortissants partis rejoindre l’organisation État islamique. Mais de nombreux étrangers restent encore emprisonnés dans le nord-est syrien, sous contrôle kurde. À Hassaké, près de la prison pour femmes où sont détenues des étrangères radicalisées, un centre tentent d'aider des enfants à retrouver un semblant de vie normale.

Par nos envoyés spéciaux et Jiwan Mirzo,

Cela ressemble à une école. Dans un préfabriqué, une institutrice kurde donne des cours en arabe à de très jeunes enfants. Ils ont entre 3 et 5 ans, emmitouflés dans des vêtements chauds, ils participent, avec enthousiasme et parlent plusieurs langues. « Ils ont appris l’arabe avec le coran, donc leur langue commune, c'est l’arabe, explique l’institutrice Shirin*, sinon quand ils sont entre frères et sœurs, ils parlent leur langue maternelle ».

Russes, Américains, Indonésiens, Tunisiens ou bien Azerbaïdjanais, ils viennent du monde entier. Tous sont des enfants de jihadistes venus rejoindre l’organisation État islamique il y a plusieurs années en Syrie. Les mères de ces enfants sont aujourd’hui détenues dans une prison en ville, à Hassaké. Ils dorment avec elles la nuit, mais le jour, ils sont pris en charge dans ce centre qui fait office d’école et de centre de loisirs.

Des parcours fracassés

Les enseignantes, des Kurdes, se montrent bienveillantes. « Ce sont des enfants innocents, ils ont le droit de vivre une vie normale et de se débarrasser des mauvaises choses qu’ils ont vécues, plaide Shirin. Et ce n’est pas possible pour ces enfants de rester 24 heures sur 24 avec leur mère en prison ».

Dans la salle d’à côté, des adolescents bruyants. Les professeures ont du mal à les canaliser. Il y a une majorité de filles, toutes voilées de la tête au pied. Parmi elles, une Américaine de 15 ans. Jenny* est originaire de New-York. Son histoire est confuse. Un père en Amérique, une mère en prison à Hassaké, un grand frère détenu lui aussi quelque part en Syrie et une sœur à Roj. Jenny dit n’avoir aucun souvenir de son pays d’origine, les États-Unis. Tout ce qu’elle veut, c’est sortir d’ici avec sa mère et rejoindre le camp de Roj, qui est pourtant une autre prison syrienne, mais à ciel ouvert.

► À écouter aussi : Dans le camp de Roj en Syrie, avec les familles de jihadistes français

Les Kurdes réussissent à nouer des liens avec certaines de ces adolescentes au parcours fracassé. La complicité est d’ailleurs visible. Mais ce n’est pas toujours facile de sortir ces jeunes de leur environnement radicalisé, explique Selda*, une autre professeur : « On leur enseigne à être libre, à ne pas se voiler le visage. On leur explique que l’islam, ce n’est pas seulement la guerre, les tueries. Mais lorsqu’elles voient leurs mères en prison, leurs mères leur disent le contraire, déplore Selda. Elles leur disent de ne pas nous écouter. Elles leur apprennent à nous détester, disent qu’on est des infidèles ! ».

Nous essayons de parler à un garçon qui nous jauge, debout sur une table. Mais il refuse en nous traitant justement d’infidèles. Sourire gêné de la professeure : « Il ne parle pas à une femme, occidentale ».

Le personnel plaide pour le rapatriement vers le pays d'origine

Dans la cour, la directrice du centre, Hevi* raconte cette anecdote qui fait froid dans le dos : « Une fois, on a donné des fruits à des enfants, on leur a dit qu’ils allaient prendre des forces. Ils nous ont répondu : oui, on sera fort et après, on te tuera ! ». Malgré la radicalité de certains, Hevi dit vouloir s’occuper de ces enfants de jihadistes étrangers aussi longtemps que leurs parents seront détenus en Syrie, mais elle plaide pour un rapatriement dans leurs pays d’origine : « Ils doivent retourner chez eux dans leurs pays d’origine pour aller dans des centres de réhabilitation parce qu’ici il n’y aura toujours cet environnement radical. Si ces enfants restent ici, prévient-elle, ils seront encore plus dangereux que leurs pères. Ils disent d’ailleurs qu’ils vont les venger. La solution, c'est qu’ils soient rapatriés. »

Hevi dirige ce centre pour enfants de jihadistes depuis six mois. La précédente directrice a démissionné, nous dit-elle. Elle aurait reçu, par internet, des menaces de mort.

*Tous les prénoms ont été changés

► À écouter aussi : Retour à Hassaké, un an après l’attaque de la prison par l’organisation État islamique