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Acteur majeur de la lutte contre le VIH/sida, Pepfar fête ses 20 ans

Le Plan présidentiel de la lutte contre le sida a été lancé en 2003 par le président américain George W. Bush avec comme objectif d’accompagner les pays, notamment africains, dans leur combat contre l’épidémie. Deux décennies plus tard, le programme peut se targuer de nombreuses réussites, mais a également récolté quelques critiques.

« L’histoire a rarement offert une occasion de faire autant, pour tant de monde. » Le 28 janvier 2003, George W. Bush prend la parole devant le Congrès américain pour l’annuel discours sur l’état de l’Union. Entre deux salves de critiques contre le régime irakien de Saddam Hussein, il annonce le lancement du plan présidentiel de la lutte contre le sida : Pepfar. Quinze milliards de dollars mobilisés en cinq ans pour combattre l’épidémie de VIH/sida sur le continent africain. À l’époque, l’information passe presque inaperçue, quelques mois avant le déclenchement de la guerre en Irak. Pourtant, 20 ans plus tard, Pepfar est devenu un outil indispensable dans la lutte contre l’épidémie.

Les chiffres avancés par l’organisme mesurent l’ampleur du chemin parcouru. Depuis 2003, ce sont ainsi plus de 100 milliards de dollars qui ont été mobilisés et ont permis de sauver 25 millions de vies. En parallèle, ce financement a contribué à la formation de 340 000 travailleurs de santé. « Pepfar est l’un des plus grands, si ce n’est le plus grand donateur dans le cadre de la lutte contre le VIH/Sida », abonde Pape Deme, responsable du plaidoyer pour la Coalition Plus, qui regroupe des ONG internationales de lutte contre l’épidémie. « Chaque année, Pepfar mobilise ses ressources sur les pays où elles ont le plus d’impact, en particulier dans les régions d’Afrique de l’Ouest et du centre, et en Afrique de l’Est. On observe cependant une disparité, avec ces derniers qui bénéficient de technologies et de politiques beaucoup plus avancées que la région d’Afrique de l’Ouest laissée à la traîne en termes de financements. »

La stratégie ABC critiquée

L’utilisation des fonds de Pepfar dans son histoire n’a en effet pas été sans soulever des critiques. La masse d’argent mise à disposition a, par exemple, pu déstabiliser des systèmes de santé locaux en augmentant les disparités salariales entre travailleurs de santé d’ONG qui pouvaient gagner jusqu’à deux fois mieux leur vie que leurs collègues du secteur public. « Il y a en effet ce constat qu’il y a besoin d’une nouvelle approche des programmes de Pepfar pour combler ces disparités », ajoute Pape Deme. « C’est un fait qui déstabilise les systèmes. »

Pepfar a également été beaucoup critiqué dans ses premières années pour son approche de la prévention qui reposait alors sur ce qu’on appelle la « stratégie ABC » pour « Abstinence, Be faithful, use a Condom », que l’on peut traduire par « Abstinence, être fidèle, utiliser un préservatif ». Cette stratégie ne recommande par exemple l’usage du préservatif qu’aux groupes à haut risque et pas à la population générale. Mise en avant par la droite religieuse conservatrice américaine, cette approche réservée au continent africain a été très décriée, car son efficacité n’a été que limitée pour changer les comportements, qu’elle a retardé la diffusion de l’information concernant la prévention des risques et qu’elle a sapé les programmes de prévention à destination de la jeunesse africaine.

Cette stratégie ABC a néanmoins été abandonnée en 2008, au profit de programmes validés scientifiquement, bien qu’elle survive encore à la marge dans quelques projets. « Nous devons reconnaître cette volonté de changer et d’aller directement vers les besoins et les différents contextes », ajoute Pape Deme. « Il reste tout de même des efforts à faire, car cela reste un système américain qui se base sur des fondements traditionalistes. Mais nous gardons espoir que ces changements se poursuivent et s’adaptent au contexte des communautés. »

Mettre fin à l'épidémie en 2030

Marqueur de ces évolutions récentes, la nomination du Dr. John Nkengasong à la tête de Pepfar à l’été 2022, a été bien accueillie du côté de la société civile. Né à Douala, cet américano-camerounais, virologue, dirigeait auparavant les Centres de contrôle et de prévention des maladies africains. « Il donne une image de Pepfar beaucoup plus proche des besoins et des réalités des pays africains. C’est un signe important et très positif », approuve Pape Deme.

À la tête de Pepfar, John Nkengasong aura une lourde tâche réaffirmée par l’administration de Joe Biden en décembre dernier : mettre fin à l’épidémie de VIH/sida en 2030. Le travail à réaliser est cependant colossal, comme le rappelait Winnie Byanyima sur RFI le 1er décembre dernier, lors de la journée mondiale de lutte contre le sida. La patronne de l’Onusida estimait alors que les crises récentes du Covid-19, de l’énergie et de la guerre en Ukraine compromettaient un combat déjà mal engagé : « Tout cela nous mène dans la mauvaise direction. Permettez-moi cependant de dire que nous n'allions pas assez vite avant même ces crises. Nous devons donc simplement nous reprendre et mettre les bouchées doubles. »

Elle concluait : « Nous n'allons pas dans le bon sens. Le sida est toujours là : 650 000 personnes en sont mortes l'an dernier. Une toutes les minutes. Nous devons rappeler que ça continue et que cela va empirer si nous relâchons nos efforts. Nous devons poursuivre le combat. »