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Au Japon, des funérailles nationales controversées pour l'ancien Premier ministre Shinzo Abe

La décision du gouvernement japonais d’organiser, ce mardi 27 septembre, des funérailles nationales pour Shinzo Abe, l’ancien Premier ministre assassiné en juillet, suscite de vives critiques au Japon. Une centaine de dignitaires étrangers participent à cette cérémonie, dont la vice-présidente américaine Kamala Harris et l’ancien président français Nicolas Sarkozy.

Le Japon rend hommage ce mardi à son ancien Premier ministre assassiné en lui accordant des funérailles nationales auxquelles assistent les dignitaires d'une quarantaine de pays. Mais cette cérémonie suscite une vive opposition au Japon, explique notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles, en raison de son coût d'abord, estimé à 12 millions d’euros, mais sans doute deux à trois fois plus élevé en réalité. Il est en effet rarissime qu’un Premier ministre bénéficie d’un tel hommage. Le seul précédent depuis l’après-guerre remonte à 1967. Au Japon, les obsèques nationales sont réservées aux empereurs.

Ensuite, l’assassinat de Shinzo Abe, le 8 juillet à Nara, a mis en lumière l’influence des sectes sur le parti conservateur au pouvoir, sans interruption ou presque, depuis 1955. L’assassin Tetsuya Yamagami accusait l’ancien Premier ministre de soutenir l’Église de l’unification, connue sous le nom de secte Moon. Il haïssait ce groupe religieux qui avait endoctriné, ruiné sa mère et détruit sa famille.

La secte Moon et les politiques

La secte Moon, mouvement religieux fondé en Corée du Sud, est surtout connue pour ses mariages collectifs de masse. Ses liens avec Shinzo Abe, le leader incontesté de la droite japonaise, remontent à son grand-père Nobusuke Kishi, Premier ministre à la fin des années 1950. Durant la guerre froide, la droite japonaise s’est appuyée sur des mouvements religieux avec le soutien des États-Unis pour constituer une alliance anti-communiste. La secte en a profité pour se constituer un empire économique. L’essentiel de ses revenus, sous forme de dons, proviennent du Japon et sont estimés par des avocats japonais à plus d’un milliard de dollars sur une trentaine d’années. Aux États-Unis, la secte côtoie des dirigeants politiques conservateurs depuis Richard Nixon jusqu’à Donald Trump.

► À écouter aussi : Au Japon, les récits des victimes de la secte Moon affluent depuis l'assassinat de Shinzo Abe

La moitié des parlementaires japonais ont des liens avec la secte Moon. Vous avez un mouvement religieux plus influent encore : la secte Soka Gakkai. Elle dispose d’un parti politique, le Komeito, membre de la coalition au pouvoir depuis vingt ans. Quant à Shinzo Abe, son nationalisme, son révisionnisme, sa volonté de changer la Constitution pacifiste irritaient beaucoup de monde au Japon.

« Régression démocratique »

«Plus d'un Japonais sur deux s'oppose à ces funérailles soi-disant nationales. Il s'agit donc d'un hommage purement factice, analyse l'historien Kyôji Miyama au micro de notre correspondant à Tokyo, Bruno Duval. Il ne reflète que le fait du prince. Cela renvoie le Japon aux années 1940, à l'époque où il usait et abusait de telles funérailles pour museler toute opinion dissidente. »

Le Japon n'a pas à lui rendre un tel hommage. Sa personnalité et sa politique étaient clivantes, son bilan est très mitigé et, en plus, il a été éclaboussé par les scandales politico-financiers.

Des funérailles officielles qui ne font pas l'unanimité

Bruno Duval

Pour Kyôji Miyama, ces funérailles constituent même « une régression démocratique ». « On en revient au régime impérial d'antan, estime l'historien. C'est très inquiétant si cela crée un précédent. Il ne faudrait pas que le Japon en arrive à vivre au rythme d'émotions nationales imposées d'en haut à des fins purement politiciennes. »

Mais le parti au pouvoir récuse une telle analyse. Un de ses ténors a même soutenu que « les vrais Japonais » sont favorables aux funérailles. Sous-entendu : ceux qui les critiquent manquent de civisme, voire de patriotisme.