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Au Japon, le succès des vidéos dénigrant les sans-abris indigne les associations d’aide aux démunis

C'est la dernière mode au Japon. Sur Twitter ou YouTube, on ne compte plus les vidéos qui ridiculisent les sans-abris, les tournent en dérision. Un phénomène qui indigne les associations d'aide aux plus pauvres.

De notre correspondant à Tokyo,

Dans l’une de ces vidéos, on voit des sans-abris en train de dormir la nuit dans un parc et qui, tout à coup, sont sciemment tirés de leur sommeil par des concerts de casseroles ou des chants entonnés à tue-tête. Gros plans sur les visages effrayés et ahuris de ces pauvres gens.

Dans une autre vidéo, un jeune propose à un sans-abri de lui acheter un peu de nourriture. Ils entrent dans une supérette, prennent un petit panier, font le tour des rayons. Le sans-abri choisit ce qui lui fait plaisir : un sandwich, un paquet de gâteaux, des nouilles instantanées, etc. Puis les deux hommes se dirigent vers les caisses, mais, quand vient le moment de régler, le bienfaiteur présumé prend ses jambes à son cou et laisse le sans-abri complètement penaud puisqu'il n'a pas assez d'argent pour payer. Des complices, hilares, filment sa réaction.

Variante : un sans-abri se voit offrir un o-nigiri, une petite boulette de riz cuit. Mais, en échange, il est prié de faire une courbette de remerciements si appuyée qu'elle confine à la prosternation rituelle. Ce qui ne se justifie évidemment pas du tout, car un o-nigiri ne coûte qu'une centaine de yens, moins d'un euro. Mais voilà, le sans-abri s'exécute parce qu'il a faim.

Le culte de la performance

Toutes ces vidéos sont présentées par leurs auteurs comme « des blagues de potaches », pas bien méchantes. Et elles connaissent un succès fou au Japon, ce sont les plus likées et les plus partagées du moment, ce qui indigne les associations qui viennent en aide aux plus démunis.

Ces vidéos les renforcent aussi dans leur conviction qu'au Japon, les sans-abris sont particulièrement déconsidérés. En vertu d'une règle de base, dans le pays, chacun est prié de redoubler d'efforts, de donner le maximum de soi, de se dépasser en toutes circonstances et quoi qu'il en coûte. Ici, c'est bien simple, baisser les bras ne se conçoit pas.

Les sans-abris se voient reprocher, en somme, de transgresser cette exigence permanente de l'excellence et de la performance. On les considère comme des asociaux, et les propos dénigrants, voire haineux envers eux, c'est à longueur de journée sur les réseaux sociaux au Japon. Ils sont tenus, y compris par des gens très connus, des influenceurs, par exemple.

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Un climat de haine envers les plus pauvres

En août 2021, l'un d'eux, Daïgo, qui se dit « mentaliste », a posté une vidéo dans laquelle il s'insurgeait qu'une partie du produit de ses impôts aille à l'aide aux plus démunis. Car pour lui, « la vie des SDF a moins de valeur que celle des animaux ». Cela a fait un tollé à l'époque, mais la chaîne YouTube de ce Daïgo compte toujours plus de 2 millions d'abonnés.

Pour les associations caritatives, les vidéos qui se moquent des sans-abris sont aussi cruelles et dangereuses que de telles déclarations, car elles alimentent un climat de haine envers les plus pauvres.

Or, au Japon, il n'est pas rare que des sans-abris soient victimes de violences verbales, mais aussi physiques. Ces dernières années, plusieurs en sont même morts. Ils ont été assassinés par des gens -des jeunes, notamment- qui trouvaient leur présence insupportable et jugeaient qu'ils ne méritaient pas de vivre.

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