Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Brésil: une conjoncture économique difficile pour le prochain président

Plus de 156 millions de Brésiliens sont appelés aux urnes, dimanche 2 octobre, pour des élections générales. Lors du premier tour de la présidentielle vont notamment s'affronter le favori de gauche, l'ex-président Luiz Inácio Lula da Silva, (2003-2010) et le chef de l'État sortant d'extrême droite, Jair Bolsonaro. Analyse du bilan du mandat qui s'achève et des enjeux économiques de celui qui s'ouvre avec Gabriel Giménez Roche, enseignant-chercheur, professeur associé d'économie à Neoma Business School.

RFI : Quel est le bilan économique du président sortant Jair Bolsonaro ?

Gabriel Giménez Roche : On peut réduire son bilan à un mot : stagnation. En fait, il a promis beaucoup des choses, des réformes, des privatisations, des baisses d'impôts et des réformes structurelles, surtout, pour essayer d'attirer les investisseurs et de dynamiser l'économie. Cependant, on en a vu très peu.

En ce qui concerne les privatisations et les baisse d'impôts, on n'a pratiquement rien vu. Administrativement, il a plutôt mené des réformes cosmétiques. Il a un peu accéléré les processus, par exemple, d'ouverture ou de clôture d'entreprises. Néanmoins, on n'a pas vu plus que ça. Il y a eu des ajustements aussi au niveau des programmes sociaux. Par exemple, ce que l'on appelait avant la « Bolsa Família », c'est-à-dire l'allocation familiale, maintenant, ils appellent ça « Auxílio Brasil », « Aide Brésil ». Mais c'est toujours un programme de la même nature qu'avant, c'est simplement un changement du nom. Le programme est doté d'un peu plus d'argent. Il y a d'ailleurs beaucoup d'accusations de récupération électorale, mais ça, c'est à débattre.

En tout cas, structurellement, il n'y a pas eu de changement. Et c'est l'un des grands problèmes au Brésil. Gouvernement après gouvernement, peu importe la couleur, ces gouvernements ne font pas de réformes structurelles. Donc, souvent, ils bénéficient ou alors ils subissent la conjoncture, surtout la conjoncture internationale.

Plus de 33 millions de personnes souffrent de la faim au Brésil, un chiffre en hausse de 73% par rapport à 2020, selon le Réseau brésilien de recherche sur la sécurité alimentaire. Est-ce à imputer à la crise économique mondiale ou à la gestion de Jair Bolsonaro ?

Un peu les deux. D'une part, c'est vrai que la crise tombe au milieu de son mandat, donc on ne sait pas s’il aurait fait des réformes ou pas après 2019. Mais on a vu comment il a géré la crise de la Covid-19, avec beaucoup de fanfaronnades, et cela n'a pas aidé. Cela a fait fuir certains investisseurs qui auraient pu aller au Brésil. Je crois quand même qu'on peut en partie mettre en cause sa gestion de la pandémie. Beaucoup de business ont fermé, il n'y a pas eu beaucoup de soutien à l'économie.

Il ne faut pas oublier non plus que le Brésil, c'est un pays exportateur de matières premières, que ce soit des produits agricoles ou des minerais, et la demande a beaucoup baissé pendant la Covid. Même si la demande a repris, il y a le problème des chaînes de valeur de la logistique qui s'est un peu dégradée. Donc, en fait, c'est une combinaison des deux.

Quels seront les enjeux économiques pour le futur président ?

Le Brésil n'est pas du tout confronté à la même conjoncture que lors des mandats de Lula par exemple. Il y avait alors un super cycle de matières premières, avec beaucoup de demandes pour ces matières que le Brésil exportait, et il y avait une certaine stabilité géopolitique mondiale. Donc, on n'aura pas ce contexte-là, on aura un monde avec plusieurs pays qui vont souffrir de l'inflation et auront des problèmes énergétiques. Par conséquent, la demande mondiale sera un peu déprimée, les taux d'intérêt seront plus élevés.

Le Brésil, c'est un pays qui, depuis au moins 2015, enregistre un taux de 14% de chômage. On parle d'une inflation qui augmente de 7%, voire plus maintenant avec le problème lié au conflit en Ukraine ; un endettement de l'État par rapport au PIB qui dépasse déjà allègrement les 100%. Le pays aura donc plus de difficultés à trouver du capital pas cher à l'étranger. Il n'y a pas vraiment un super cycle des matières premières : même si la demande est là, les chaînes logistiques ne sont pas encore complètement remises. Il y a un souci aussi, car le Brésil dépend beaucoup de la Chine, en termes d'importations, surtout des biens industriels, et la Chine a aussi ses propres problèmes au niveau industriel.

Donc, cela va être très compliqué, même s'il y a beaucoup de gens qui parient sur un retour de Lula. Ils oublient que Lula, en termes de réformes structurelles, n'a rien fait non plus à l'époque. Il a bénéficié, disons, d'une période de bonheur conjoncturel. Et cette conjoncture, elle ne sera pas présente. Donc, peu importe le président, même s'il est volontariste en termes de réformes, il sera quand même confronté à une conjoncture beaucoup plus difficile.

►Lire aussi : Brésil : ces athlètes qui ont choisi entre Bolsonaro et Lula pour la présidentielle 2022