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«C'est une trahison»: au Soudan, les manifestants contestent l'accord signé entre civils et militaires

L'accord signé au Soudan a suscité un fort rejet dans les rues du pays. Lundi 5 décembre, des milliers de manifestants ont estimé ne pas se sentir représentés par ce texte.

Avec notre correspondant à Khartoum, Eliott Brachet

Au milieu des gaz lacrymogènes et des pneus brûlés, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues, comme Sana Omar. « Ce qui se passe aujourd’hui, c'est une trahison de la part des partis politiques », s’indigne-t-elle, estimant qu’ils ont « négocié au nom du peuple soudanais pour signer avec les militaires qui ont tué nos frères et volé notre révolution ».

« Je suis déprimée. On n’a pas eu notre mot à dire, on n’a pas été consulté pour savoir qui nous représenterait. Ils se sont arrangés entre eux et ont signé un accord sous la table », ajoute-t-elle.

Pour Nouraï, étudiant, rien ne garantit que cet accord sera respecté par les généraux signataires. Selon lui, la confiance avec l’armée est brisée. « On a déjà signé avec eux par le passé et ils ont renversé le gouvernement civil. Aujourd’hui, cet accord permet aux militaires de rester d’une manière ou d’une autre au pouvoir », s’indigne-t-il. 

Selon lui, cet accord « est un blanc-seing pour qu’ils répriment des manifestants ». Et d’ajouter : « On a débuté cette révolution contre le pouvoir militaire. Est-ce qu’on s’est battu pour rien ? Nos frères sont-ils morts pour rien ? Notre première demande, c’est la justice pour nos martyrs tombés depuis 2019 ».

Des manifestants à Khartoum, le 5 décembre 2022.
Des manifestants à Khartoum, le 5 décembre 2022. REUTERS - MOHAMED NURELDIN ABDALLAH

► À lire aussi: Soudan: accord entre les militaires et les civils en vue de mettre fin à la crise politique

Une force « nationale, professionnelle et indépendante »

Mais de leur côté, les putschistes jurent qu’ils sont de bonne foi. Le général al-Burhan, chef du Conseil souverain, a reconnu que désormais les civils étaient « responsables des objectifs et des problèmes du pays ». Quant à l’armée, son adjoint Hemetti a indiqué que son retrait des sphères du pouvoir était « nécessaire pour une démocratie durable ». Il a appelé à la construction d’une force « nationale, professionnelle et indépendante ».

Des déclarations de bonnes intentions alors que l’accord comporte encore de nombreuses zones d’ombre. Les soldats accepteront-ils de céder leur pouvoir ? Quid de leur main mise sur des pans entiers de l'économie ? L'accord prévoit qu'ils cessent leur contrôle sur des entreprises dans des secteurs très juteux.

Cet accord préliminaire assure qu’un processus de justice transitionnelle verra le jour. D’après le texte, l’immunité des forces armées responsables de crime contre les manifestants devrait être levée. Les signataires se donnent un mois pour régler les détails. Et signe que l’accord est fragile, les cortèges ont été violemment réprimés jusqu’à la tombée de la nuit. En un an, près de 120 personnes sont mortes lors de manifestations.

La communauté internationale a salué l’accord, mais rappelle qu’on est encore loin d’une paix globale. Justice, libération des prisonniers, réforme du secteur sécuritaire, tensions dans l’Est, économie en déliquescence… Les partenaires étrangers ont pointé le long chemin qui restait à parcourir.