Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

CHAN 2023: l’USM Annaba, à la recherche d’un glorieux passé

Un temps pressentie pour accueillir la petite finale du CHAN, histoire de récompenser l’incroyable ferveur des fans de la ville, Annaba n’a finalement pas été préférée à Oran, qui recevra le match pour la 3e place entre le Niger et Madagascar vendredi 3 février.

Le CHAN à Annaba aura donc pris fin en quart de finale, dans une ville qui rêve désormais d’accueillir la CAN en 2025, comme ce fut déjà le cas en 1990, et qui a peu d’occasions de s’enflammer. Malgré le froid, malgré la pluie, les supporters d’Annaba étaient toujours là : entre 30 et 40 000 au stade du 19 mai 1956, pour les matchs du groupe B et pour le quart de finale entre le Sénégal et la Mauritanie, dernière rencontre disputée dans la ville.

Une pelouse et un stade que connaît bien Yacine Slatni, ancien latéral droit de l’équipe algérienne (29 sélections), et ex joueur et entraîneur de l’USM Annaba, le club de la ville. Il garde un souvenir particulier de ce stade, un certain soir de 1999, lors d’une victoire 4-1 face au Liberia avec les Fennecs : « C’était archi-comble ! 80 ou 90 000 spectateurs », dit-il, l’air songeur. « À l’époque le Liberia, c’était George Weah, il jouait au Milan AC ! C’était fou de le voir là. Et moi j’avais fait la passe décisive sur le premier but (rires). Il y a vraiment une ferveur extraordinaire ici. Pour moi ce sont les meilleurs supporters du monde. Nous on les appelle « les hooligans de Annaba ». En tant que joueur c’est extra de jouer devant un public pareil. C’est un vrai spectacle de sons et lumières, c’est l’explosion, c’est beaucoup de bruits ! »

🔥 Les supporters de l'USM Annaba ont fêté le dernier match de la saison et la montée en Ligue 2 algérienne avec un incroyable spectacle pyrotechnique ! Les 60000 spectateurs du stade du 19-Mai-1956 ont craqué des fumigènes par milliers. 🔥 pic.twitter.com/pOr6dtQ0NN

— L'ÉQUIPE (@lequipe) May 6, 2018

Justement, ceux qui font le plus de bruits dans le stade, ce sont les Indépendants de Bône, l’ancien nom de la ville. Un groupe de supporters réputé dont fait partie Bilel, capuche sur la tête et lunettes de soleil sur le nez, malgré la pluie. En rouge et blanc bien sûr, les couleurs de son club : « Nous sommes les supporters de l’USM Annaba, et nous avons le faux nom de hooligans », sourit-il. « Un genre d’ultras, mais pas vraiment des ultras, nous sommes de simples supporters, très amoureux de leur club. Et nous fêtons les 10 d’existence de notre groupe ».

Un anniversaire qu’ils fêtent régulièrement à coup de tambour, de chants et de fumigènes, même si le cœur n’y était plus vraiment au moment de la descente du club.

« On s’est retrouvés en enfer, car le club est passé de la première à la troisième division. Notre club, c’est dans nos racines, c’est notre sang, notre famille. Notre fidélité est sans limite : je venais au stade avec mon papa, et j’y emmènerai mes enfants, avec la même grinta. »

Malgré les résultats décevants de leur équipe de cœur, les fans de l'USM Annaba ne perdent pas le sourire, et viennent toujours aussi nombreux au stade.
Malgré les résultats décevants de leur équipe de cœur, les fans de l'USM Annaba ne perdent pas le sourire, et viennent toujours aussi nombreux au stade. © Martin Guez / RFI

Pourtant, depuis 10 ans, l’USM Annaba navigue en eaux troubles, dans les bas-fonds du football algérien. Ce qui n’empêche pas un autre supporter, Bilel, d’assister à tous les matchs, même avec sa fille de 4 ans.

« J’adore venir au stade avec elle. Et elle aussi a aimé l’expérience. Pour nous, ici à Annaba le football, c’est un mode de vie, c’est dans nos gênes. Même si le club d’Annaba redescend au niveau régional, vous verrez toujours 30 ou 40 000 personnes au stade. Car nos joueurs, on les aime on les aime et on les aime ! »

Et comme l’amour rend aveugle, Bilel ne compte ni les heures ni les kilomètres pour aller voir l’USM jouer un peu partout dans le pays. « Parfois je fais 1200 kilomètres, donc 2400 aller-retour pour aller les voir, témoigne-t-il. On s’organise avec le groupe, on y va en bus, en voiture, en bateau, qu’importe ! Mais c’est vraiment désolant de voir une telle ville et un tel club végéter dans les divisions inférieures. On demande aux autorités nationales de sauver le club, et de le re-professionnaliser. J’espère vivre assez longtemps pour les revoir en première division, pourquoi pas en Coupe d’Afrique un jour, et pourquoi pas gagner un titre. C’est mon rêve le plus cher. »

Yahia Boumaza, le nouveau président de l'USM, rêve d'une remontée de son club en première division.
Yahia Boumaza, le nouveau président de l'USM, rêve d'une remontée de son club en première division. © Martin Guez / RFI

Un rêve qui a un peu tourné au cauchemar, pour une équipe sur le déclin. Au siège du club, un brin décrépi, Yahia Boumaza, le nouveau président, et Nacer Benali, ancien gardien et actuel secrétaire générale, nous font une petite visite guidée, et replongent dans les heures glorieuses de l’USM. « Là, regardez sur la photo, c’est notre équipe de 1992, qui avait terminé 3e de première division », détaille Nacer Benali. Il ajoute : « On avait joué la Coupe arabe cette année-là ! Nous avions des internationaux algériens, ivoiriens. C’était le bon temps ! »

Une belle époque. Désormais, l’équipe joue en 2e division, dans une ligue qui n’est plus professionnelle depuis l’an passé. Place à de jeunes joueurs amateurs, 19 ans de moyenne d’âge, qui figurent actuellement à la 4e place de leur championnat, même si ce dernier est momentanément à l’arrêt.

Surnommé « le Roi sans couronne », le club a été créé en 1983, mais n’a jamais gagné de titre. Heureusement le public n’a jamais fait défaut, en témoigne un immense poster placardé au mur. « C’est une photo prise en 3e division », nous explique Yahia Boumaza. « On voit des milliers et des milliers de supporters, ils font partie des 10 meilleurs au monde ! L’équipe nationale est déjà venue ici, et a joué devant 110 000 spectateurs ! Comme le stade est incrusté dans la montagne, certains étaient debout sur la colline, d’autres qui s’accrochaient au grille… C’était archi-complet. »

Une période très compliquée pour le club

Une ferveur devenue célèbre sur les réseaux sociaux, quand tout le stade s’est illuminé en 2018, lors de la remontée en 2e division. « Ce jour-là c’était très chaud. Nous avions fait le décompte, il y avait 93 000 personnes pour un match de 3e division ! Et avec des milliers de fumigènes pour faire la fête. C’est ça l’USM Annaba », s’émerveille Yahia Boumaza, qui déplore la situation actuelle de son club. « Aujourd’hui, nous sommes dans une période très compliquée, nous n’avons plus de sponsor comme ce fut le cas autrefois. Alors si un club français veut établir un partenariat, nous sommes preneurs », sourit-il.

Il est vrai que le public n’a plus beaucoup d’occasions de faire la, alors il a profité du CHAN pour se montrer : « et encore vous n’avez bien vu, car le climat ne nous a pas aidé, avec la pluie », regrettent les deux hommes. « Car même si vous avez vu des matchs du CHAN ici avec 40 000 personnes, 40 000 ce n’est rien du tout pour Annaba ! Nous, en tant qu’Algériens et habitants de la ville, quand il y a des manifestations internationales, on est là. Et même si l’équipe nationale ne joue pas ici, on est quand même là ».

Ils sont là, même si le CHAN n’y est plus, et a finalement vogué vers Oran, à l’Ouest, pour la petite finale. En attendant, Annaba rêve d’une remontée de l’USM en 1ère division, et de la CAN 2025. Une CAN que le pays et la ville avaient déjà accueilli en 1990. Au stade du 19 mai 1956, déjà.