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Changement climatique: la nécessaire adaptation des forêts

En France, l’été 2022 a marqué les esprits : des vagues de chaleur sans précédent se sont additionnées à une forte sécheresse. Plus de 65 000 hectares ont brûlé dans le pays selon le système de surveillance satellite européen, un record. Le gouvernement réfléchit à une stratégie pour adapter les forêts au changement climatique et ses conséquences.

Un sol sec, des températures élevées, une simple étincelle et c'est l’embrasement. Les incendies de forêts ou de cultures sont la conséquence la plus visible et la plus spectaculaire du changement climatique en ce qui concerne la végétation. Ces zones concernées par les grands feux promettent de s'étendre de plus en plus au nord du pays, selon les prévisions du GIEC, le groupe d'experts internationaux de l'ONU sur le climat. D'ici 2050, la moitié du territoire français sera concerné.

Incendies, mortalité et maladies

Mais ça n’est pas le seul impact du réchauffement climatique, d’autres signes sont d'ailleurs déjà visibles. Valérie Metrich-Hecquet, directrice générale de l’ONF, l'Office national des forêts, explique qu'entre 2017 et 2022 on est passé de 5 % à 25 % d'arbres dépérissant. « Cette multiplication par cinq des bois qui dépérissent en quatre ans, c’est un phénomène qui n’avait jamais été constaté par le passé. » Les scientifiques estiment que « sans doute, à la fin du siècle, la moitié des territoires occupés par de grandes espèces françaises comme le hêtre, le sapin, l’épicéa va être mis en fragilité et donc le seul renouvellement à l’identique ne sera plus possible à l’avenir ».

Autrement dit, les forêts vont radicalement changer de visage. Certaines espèces ne survivront pas dans plusieurs régions ou alors seront tellement fragilisées que les arbres seront plus sensibles aux maladies. Ce dernier phénomène est déjà observable dans le quart nord-est du pays avec l’épicéa fragilisé après plusieurs années de sécheresse et qui est ravagé par un insecte, le scolyte.

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Forêt « mosaïque »

Il est donc primordial d'aider les forêts à s'adapter. « Dans l’histoire terrestre, le climat a déjà changé de manière importante et les forêts n’ont pas disparu pour autant », rappelle Albert Maillet, directeur des forêts et des risques naturels à l'ONF. La différence avec aujourd’hui est que « cela s’est fait sur des périodes longues. Là, on est sur des périodes très courtes puisque le changement climatique est lié à l’activité humaine. »

Les gestionnaires forestiers tentent donc d’anticiper les tendances de l’évolution à venir lors des prochaines décennies.

« On s’y prépare premièrement en diversifiant au maximum », explique-t-il. L’idée est d’éviter les monocultures et plutôt de varier les essences. Si une espèce s’avère plus résistante au changement climatique, elle pourra alors se développer et le couvert forestier sera préservé. « Deuxièmement, on essaye de favoriser les espèces forestières dont on pense qu’elles auront une meilleure résilience aux climats futurs », poursuit Albert Maillet. L'ONF a entrepris de planter des essences méditerranéennes plus au nord. Les pins d'Alep, pins maritimes et cèdres commencent en effet à côtoyer les sapins et les hêtres.

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Autre stratégie, la coupe rase. Des pans entiers de forêts ont déjà été coupés pour empêcher la propagation des maladies, notamment des forêts d’épicéas atteintes par le scolyte. Mais en tout, ce plan d'aide à l'adaptation des forêts ne concerne 8 500 hectares, sur 1,7 million d’hectares de forêts domaniales gérées par l'ONF. Une goutte d'eau, regrette Julia Ouallet, chargée de campagne de l'ONG de défense de l'environnement Canopée forêts vivantes. « La forêt mosaïque, c’est louable, mais ça n’est pas suffisant. L’ONF ne gère que les forêts domaniales et les forêts dites « publiques », mais ça n’est que grosso modo 25 % de la forêt française. N’oublions pas aussi près de 3,6 millions de propriétaires ». Difficile de coordonner l’action, elle estime donc qu'il faut donner les moyens aux gestionnaires public comme privés, d'investir pour toute la forêt. Elle regrette qu’en 20 ans, l’ONF a perdu près de 5 000 emplois, même si les effectifs sont désormais stabilisés, en tout cas pour cette année.

Nouvelle stratégie forestière

Depuis un an, il semble qu’il y ait eu une prise de conscience de la nécessité d'améliorer la prévention des incendies, l'adaptation des forêts et leur préservation. Les forêts permettent en effet de stocker le CO2 atmosphérique et donc de limiter le réchauffement climatique. Les protéger c'est selon les termes mêmes du gouvernement un « chantier prioritaire » de la planification écologique, le grand programme lancé par l'exécutif pour la transition du pays et pour pouvoir respecter ses engagements climatiques.

Il y a une semaine, dans une vidéo sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron a annoncé que « d'ici mars-avril », il souhaitait voir « finaliser la stratégie forestière » de replantation d'« un milliard d'arbres » pour améliorer les puits de carbone, ainsi que le renouvellement de 10% des forêts françaises.

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Ce chiffre « d’un milliard d’arbres plantés est sans doute irréaliste », estime Julia Ouallet, et relève de la communication politique. Toutefois, il est vrai que l'absorption du CO2 par la végétation s'est effondrée en France depuis 2013 : elles partent en fumées ou sont desséchées et ne jouent plus ce rôle. Mais « surtout », cette stratégie doit permettre de « maintenir cette capacité de puits de carbone, voire de l’augmenter » plaide la militante, « en réduisant la mécanisation et les gros engins en forêt qui tassent les sols, en diversifiant les essences et en respectant la biodiversité ou encore en laissant parfois les forêts évoluer seules lorsque c’est possible ».