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Christian Gourcuff: «le foot s'éloigne de plus en plus des valeurs du sport»

Christian Gourcuff, un des entraîneurs du foot français les plus emblématiques, qui a passé près de 40 années dans le milieu du ballon rond, revient sur sa carrière dans un livre intitulé Christian Gourcuff, ma quête du jeu idéal. Celui qui a notamment entraîné le FC Lorient répond aux questions de RFI. 

RFI: Après 40 ans dans le foot, vous avez pris votre retraite. Est-ce que cela a été difficile de raccrocher ? 

Christian Gourcuff: Non, au fur et à mesure, j’ai pris du recul et cela ne me manque pas du tout. J’ai toujours la passion du foot, mais ce sport a beaucoup changé. Je vis dans les souvenirs, dans les émotions que j’ai vécues tout au long de ma carrière. 

Vous dites que c’est l’opportunisme qui a pris le pouvoir dans ce sport. C'est-à-dire ? 

Ce n’est pas que dans le foot, c’est à l’image de la société. Il y a une telle notion d'intérêts financiers, qui a modifié beaucoup de choses, qu’il y a désormais énormément d’opportunisme dans le foot, avec des réseaux, des lobbies, favorisés parfois par les structures des clubs. Tout ça fait que chacun veut mettre en avant ses intérêts au détriment de la passion. C’est aussi ce que l'on voit dans la société civile. Il n’y a plus de place pour une vision plus romantique de la vie. Le foot est dirigé par des gens qui sont principalement intéressés par l’argent et la réussite. Ce ne sont pas des passionnés. Cela a un impact sur les jeunes joueurs, les supporters, les médias. Les intérêts croissants génèrent de l'individualisme. Cela va à l’opposé de ce qui fait l’essence du foot, c’est une évidence. Heureusement, il y a encore des gens qui mettent en avant la passion. 

Le collectif n’est plus à la mode alors ? 

Plus vraiment. Créer un collectif demande du temps, de l’investissement et on voit bien que ce n’est plus possible aujourd'hui. Il faut un minimum de temps pour travailler. Un entraîneur a besoin de temps pour imposer sa patte, travailler sur le recrutement. On est dans l'éphémère et dans l’esbroufe. Selon moi, les valeurs de travail sont négligées. Un entraîneur gagne deux matchs et il est exceptionnel. S'il en perd deux, il est en danger. C’est n’importe quoi, et ensuite, il y a un tourbillon tout autour avec les médias et les supporters qui s’en emparent. Il y a aussi le lobby des agents qui régissent le marché. C’est la même logique que le secteur économique. 

Christian Gourcuff - Ma quête du jeu idéal
Christian Gourcuff - Ma quête du jeu idéal © AMPHORA

Selon vous, depuis quand date cette évolution qui fait la part belle à l’argent selon vous ?

J’ai constaté cette évolution principalement ces dix dernières années. Le statut des clubs a changé. Il y a des holdings qui dirigent. On ne sait même pas qui est derrière. On est très loin des valeurs d’un club comme on le concevait il y a vingt ans. Il faut de plus en plus d’argent, avec parfois des escrocs. On s'éloigne de plus en plus des valeurs du sport. 

Vous regrettez le Barcelone de Pep Guardiola, un exemple pour vous. 

C’est le dernier exemple d’un club qui a existé sur une histoire et une philosophie. Il y avait une politique de formation, avec Iniesta, Xavi et même Messi, arrivé tôt et imprégné de cette philosophie. Xavi et Iniesta, c’était une bouffée d'air frais quand je les regardais jouer. Ils avaient une qualité technique, une intelligence, et une humilité nécessaire au jeu collectif. On ne peut pas jouer collectivement avec des ego démesurés. Les médias, le public recherchent aujourd'hui des personnalités. Ce ne sont pas des personnalités, mais des ego démesurés. Xavi et Iniesta c’était le foot, tout pour le foot et le collectif. Ils ont été exceptionnels. Les années Guardiola, c’était fascinant de voir l’harmonie qu’il y avait autour du club. C’était une harmonie entre le coach, les joueurs, la direction et les supporters. Pas besoin de grands discours, quand on regardait Barcelone, on se disait qu’il y avait quelque chose en plus. 

Vous citez Guardiola. Quel est le profil du coach idéal, si cela existe ? 

 Je ne pense pas qu’il y ait de coach idéal. L'entraîneur fait partie d’une philosophie et doit être en adéquation avec elle. Je pense que si l’on fait l’historique des grands clubs, c’est souvent quand il y a une harmonie entre le coach et son environnement. On parle du Barça, mais il y a aussi l’Ajax Amsterdam. Selon moi, un coach réussit principalement dans un bon environnement. Si on reprend l’exemple de Guardiola, il n’a pas la même réussite à Manchester City. Pourtant, il ne travaille pas moins bien. C’est vrai, il a eu du temps pour installer son équipe, mettre en place ses idées, ce qui est rare maintenant. Mais City n’atteint pas le niveau de Barcelone sur le plan harmonieux. C’est l’harmonie qui rend le foot superbe. 

C’est la grande erreur du PSG qui pense que toujours changer le coach va lui faire gagner la Ligue des champions ? 

Le PSG c’est encore une autre histoire. Les intérêts de ce club, c’est avant tout la communication. Ils ont été dans une surenchère de court terme. Il fallait réussir très vite. A deux reprises, le PSG aurait pu gagner la Ligue des champions. Mais entre nous, ce n’est pas parce que vous gagnez la Ligue des champions que l’on va vous placer dans la hiérarchie des grands clubs du monde sur le plan émotionnel. Le PSG, c’est avant tout du marketing, et absolument pas un club avec une philosophie.