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Comment l'autarcie énergétique préserve le village allemand de Feldheim de la flambée des prix

La guerre en Ukraine a entrainé une explosion des prix. La dépendance par rapport au gaz russe coûte cher à l’Allemagne. Le village de Feldheim près de Berlin, en autarcie énergétique depuis douze ans, échappe à la crise actuelle avec des prix très bas. L'initiative de ce projet ambitieux, qui fête ses 10 ans, vient de Doreen Raschemann, responsable de l’engagement social pour Energiequelle. Entretien.

RFI : Pourquoi à une époque où les prix de l’énergie n’atteignaient pas les sommets actuels, avez-vous décidé de lancer ce projet qui allait rendre votre village autarcique ?

Doreen Raschemann : Ça n’était pas prévu dès le départ. L’utilisation de l’électricité renouvelable – 55 éoliennes aujourd’hui qui produisent bien plus que pour Feldheim – s’est imposée dans un premier temps. La décision de notre coopérative agricole de construire une usine de biogaz a accéléré les choses. Au début du millénaire, la rentabilité de la coopérative était remise en cause. Nous avons profité des subventions en faveur de l’énergie verte pour utiliser les excréments des porcs et du maïs. Le prix fixe pour l’électricité produite par une telle installation la rendait lucrative. La coopérative agricole qui n’avait pas de savoir-faire dans ce domaine a conclu un partenariat avec la société Energiequelle ce qui permettait aussi de partager les risques financiers.

La chaleur produite par l’usine de biogaz devait au départ être uniquement utilisée pour les bâtiments de la coopérative. L’élevage de porcs implique de chauffer les étables. Mais l’énergie produite dépassait les besoins de la société, d’où l’idée de l’utiliser pour chauffer le reste du village. Les habitants consultés ont approuvé le projet et ont acquis les parts d’une nouvelle société créée à cette fin. Un réseau de distribution du chauffage a été mis en place dans le village. La moitié des investissements ont été couverts par des subventions. Les coûts pour les habitants restaient par là supportables comme le montant des crédits à rembourser. Depuis cette époque, nous payons 7,5 centimes pour le kw/h de chauffage et 17 centimes pour le kw/h d’électricité. C’était une super décision.

Développer des communes autarciques pour leur approvisionnement énergétique, est-ce une solution pour l’avenir ?

Les solutions que nous avons trouvées pour notre village constituent sans doute une alternative pour d’autres communes. Les règles et les subventions qui étaient en place à l’époque devraient être remises en place ou adaptées. La présence d’une entreprise qui soutient un tel projet est un plus. Notre coopérative agricole, le premier employeur du village, l’a soutenu donc tout le monde profitait de cette initiative. La solidarité dans notre commune entre les habitants a aussi gagné en importance.

Le modèle que vous avez mis en place fait-il partie des pistes envisagées actuellement par le gouvernement allemand pour remédier à la crise énergétique actuelle ?

Je n’en ai pas l’impression. Les énergies conventionnelles comme le charbon ou le nucléaire sont plutôt envisagées comme solutions pour remplacer très vite le gaz russe. La recherche de solutions alternatives passe malheureusement à l’arrière-plan. Il faudrait innover dans ce domaine avec de nouvelles idées, notamment pour les zones rurales où beaucoup d’options pour le développement du renouvelable ne sont pas encore utilisées.

L’intérêt ces dernières semaines pour votre village a rebondi avec la crise actuelle.

Des personnes privées ou des maires viennent s’informer et envisagent de reprendre certaines idées à leur compte. Chaque commune est bien sûr différente. Pour nous, la coopérative agricole a joué un rôle important pour la production d’énergie à côté de l’éolien.  Ailleurs, une autre source d’énergie pourra être utilisée.

Les habitants de Feldheim bénéficient de prix bas garantis pour leur énergie. Ailleurs, ça n’est pas le cas et les inquiétudes montent notamment dans la partie est du pays où vous vivez. Comment les percevez-vous ?

Ces inquiétudes sont importantes et ont des conséquences existentielles pour certains. Je les comprends et suis inquiète pour les conséquences pour la paix sociale dans notre pays.

Les manifestations actuelles s’accompagnent parfois de solutions simplistes mises en avant par certains partis. Les craintes actuelles sont exploitées par l’extrême-droite et les populistes comme on l’a déjà vu durant la pandémie C’est important de bien informer les citoyens sur les enjeux de la crise actuelle et leurs solutions possibles. J’espère que les responsables politiques feront des propositions permettant de réduire les inquiétudes de la population.

Dans la crise actuelle, on recourt plus aux sources d’énergie conventionnelles. Les engagements pris pour lutter contre le réchauffement climatique sont-ils remis en cause ?

Je crains qu’ils ne se réduisent dorénavant à un vœu pieux. Le gouvernement plaide toujours pour le développement du renouvelable sur le long terme, mais les efforts entrepris restent insuffisants pour moi. Les énergies renouvelables ont un potentiel de développement important qu’il faudrait mieux utiliser.

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