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Coup d'État au Burkina Faso: la question de l'influence russe ou française entretient la confusion

Le rapprochement du Burkina et de la Russie est-il la vraie motivation du coup d'État ? La France soutient-elle le lieutenant-colonel Damiba ? Ces deux questions ont été ce samedi au cœur de déclarations des militaires putschistes qui ont pris le pouvoir vendredi 30 octobre. Des déclarations contradictoires qui ont eu des répercussions immédiates, sur le terrain et dans les sphères diplomatiques, sur la situation que traverse le Burkina depuis deux jours.

Dans un communiqué lu samedi 1er octobre à la télévision nationale, les militaires putschistes invoquent pour la première fois le choix d'un nouvel allié pour justifier leur coup d'État. Et accusent la France d'aider le lieutenant-colonel Damiba à se rétablir au pouvoir.

« Le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba se serait réfugié au sein de la base française, à Kamboisin, en mesure de planifier une contre-offensive. Cela fait suite à notre ferme volonté d'aller vers d'autres partenaires prêts à nous aider dans notre lutte contre le terrorisme », a expliqué le sous-lieutenant Jean-Baptiste Kabré, lisant une déclaration du capitaine Traoré, chef des putschistes.

La Russie n'est pas nommément citée, mais le message semble clair. Depuis vendredi, des drapeaux russes sont brandis lors des rassemblements de soutien aux putschistes, et sur les réseaux sociaux, les comptes pro-russes commentent les évènements, avec force slogans anti-français. 

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Le démenti catégorique de Paris, qui assure ne pas être impliqué et ne pas protéger Damiba, ne semble rien y faire : l'ambassade de France à Ouagadougou et l'Institut français de Bobo-Dioulasso ont été pris pour cible par des manifestants.

Quelques heures plus tard, le capitaine Ibrahim Traoré fait machine arrière sur France 24.

« Une contre-offensive, oui. Soutenue par la France, je ne pense pas. Il y a une base qu'on appelle Kamboinsin, où il y a une base française. Lorsqu'on exfiltre quelqu'un vers cette base, on dit la base militaire française de Kamboinsin. Je sais que la France ne peut pas s'ingérer directement dans nos affaires. Si on a d'autres partenaires aujourd'hui, qui peuvent nous soutenir, ne voyez pas forcément la Russie. Les Américains sont nos partenaires actuellement, on peut avoir aussi la Russie comme partenaire, donc il ne s'agit pas de la France ou d'un problème de Russie et de Wagner. »

Hésitations synonymes de légèreté ou stratégie délibérée pour tenter de mobiliser ? Ces déclarations contradictoires ajoutent en tout cas au flou général. 

Dans un message écrit diffusé sur la page Facebook de la présidence burkinabè, et authentifié par un collaborateur du lieutenant-colonel Damiba, qui ne s'est pas exprimé publiquement depuis le coup d'État de vendredi, le désormais ex-chef de la transition dément être réfugié au camp de Komboinsin : « Ce n'est qu'une intoxication pour manipuler l'opinion, écrit Damiba, j'appelle le capitaine Traoré et compagnie à revenir à la raison pour éviter une guerre fratricide dont le Burkina Faso n'a pas besoin. »

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Ce qui est très préoccupant, c'est de voir qu'une armée régulière avec un agenda, la lutte contre le terrorisme, se met à créer des espaces de confrontation. Donc, il y a une sorte de polarisation. Le premier groupe, celui de Damiba, est critiqué pour sa proximité avec la France et un autre groupe, qui ne nomme pas expressément la Russie, mais on voit une certaine société civile qui s'organise autour et demande à changer de partenaire.

Thomas Ouedraogo, directeur exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique

Gaëlle Laleix

Journée confuse

La situation reste encore incertaine dans la capitale à l’issue d’une journée confuse. Les activités de la population de Ouagadougou avaient repris leur cours normal dans la matinée, jusqu’aux environs de 11h30, quand des déplacements de troupe et des tirs près du grand marché ont créé un mouvement de panique, obligeant les commerçants a fermé boutique et les piétons à déserter les rues.

Le rond-point des Nations unies a été totalement barricadé par les militaires, ainsi que les voies d’accès menant à la Radio-Télévision Nationale et à la Primature, pendant qu’un hélicoptère sillonnait le ciel de la capitale. Des tirs ont aussi retenti dans le quartier de Ouaga 2000, au cours de la journée.

Le calme précaire a été rompu en fin d’après-midi, lorsque de nouveaux coups de feu se sont fait entendre en centre-ville, et que des dizaines de jeunes ont pris pour cible l’ambassade de France, en mettant le feu aux guérites postées à l’entrée et en essayant de forcer la porte d’accès au service des visas. La tension est légèrement descendue à la tombée de la nuit.

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