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Élections au Brésil: les autochtones doivent «lever notre voix et défendre nos intérêts»

Parmi la centaine de candidats et candidates autochtones qui se présentent aux élections présidentielle et législatives de dimanche 2 octobre, Wanda Witoto est la seule candidate de l’Amazonie à briguer un siège de députée. Jusqu’à présent, une seule amérindienne occupe un siège de députée à Brasilia. La jeune candidate veut défendre les intérêts des peuples autochtones, qui sont de plus en plus victimes d’attaques et d’invasions des bucherons et des orpailleurs illégaux.

De notre envoyé spécial à Manaus,

RFI : D’où vient votre peuple, les Witoto ?

Wanda Witoto : Nous sommes originaires de la Colombie, du fleuve Putamayo. Lors de la ruée sur le caoutchouc au début du XXe siècle, notre peuple a été victime de graves violences. Mes ancêtres ont dû fuir et se sont installés au Brésil, au bord du fleuve Solimões. Je suis née dans le village Colonia. Cela fait 20 ans que j’habite à Manaus, je suis venue lors que j’avais 16 ans. J’ai travaillé comme domestique pendant huit ans, c’était un travail de quasi-esclavage. J’ai réussi ensuite à faire une formation d’infirmière et, plus tard, j’ai obtenu mon diplôme d’institutrice à la faculté.

Comment est née l’idée de se présenter aux élections législatives ?

Depuis 2015, je fais partie du mouvement autochtone. Et je me suis rendu compte que nous n’avions pas de représentants politiques dans les assemblées législatives, des personnes qui pouvaient représentent nos intérêts. Ici à Manaus, par exemple, nous n’avions pas d’unité de santé pour les autochtones, ni d’écoles spécifiques. Le quartier où je vis, le « Parque das Tribos », n’était pas encore raccordé au réseau d’eau potable de la ville. Nous étions abandonnés par les autorités publiques.

Cela concerne aussi notre lutte pour la démarcation de nos territoires. Beaucoup de peuples autochtones n’ont pas de territoires pour y vivre selon leur manière traditionnelle. Je me suis rendu compte alors que nous devions lever notre voix, pour revendiquer nos droits qui nous sont refusés. Et que nous devions être présents là où les décisions nous concernant sont prises, à savoir à Brasilia.

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Comment avez-vous vécu la pandémie du Covid-19 à Manaus ?

La pandémie m’a marquée à jamais. Nous avons vécu d’une manière plus cruelle encore l’abandon par l’État. Ma communauté n’a reçu aucune aide, ni du ministère de la Santé ni des autorités municipales. Aucune ambulance n’est venue chercher les malades, les gens mourraient et les seuls qui sont venus, c’était les pompes funèbres pour chercher les corps et les jeter dans des fosses communes à Manaus. Nous avons vécu une grande violence à notre égard.

Cette expérience a confirmé ma volonté de me présenter aux élections législatives. Personne, aucun député ne s’est mobilisé pour nous pendant la pandémie. Donc nous devons faire en sorte d’avoir une voix politique à Brasilia. Parce que finalement, ce sont les partis politiques et le gouvernement qui décident si on aura des écoles, des hôpitaux et l’eau potable. Ce sont eux qui décident si on vit ou si on meurt.

Pourquoi avez-vous choisi de vous présenter pour le parti des verts, Rede ?

C’est très difficile d’être accepté par un parti si vous être une femme. Les partis ici sont très réticents à mettre une femme sur leur liste électorale, en bonne position pour remporter un scrutin. Les femmes figurent la plupart du temps sur les affiches électorales seulement pour capter le vote féminin. J’ai proposé ma candidature à plusieurs partis, mais malgré ma présence sur les réseaux sociaux, elle a été refusée. Grâce à mes contacts avec le parti Rede, j’ai pu finalement obtenir une investiture de leur part.

Vous avez rencontré Lula ici à Manaus. Sous la présidence de Lula dans les années 2000 a été décidée la construction du barrage Belo Monte qui a eu un fort impact dans les terres autochtones. Quelle garantie avez-vous qu’un tel projet ne sera pas lancé à nouveau par Lula, s’il est élu?

S’il est élu, nous devons lui dire clairement ce que nous attendons de lui : la défense de nos territoires et de nos intérêts. Ce qui est important c’est d’établir un dialogue constructif. Lorsqu’il est venu ici, nous lui avons dit que nous ne voulions pas d’un autre barrage comme celui de Belo Monte. Il nous a assuré qu’il n’y en aura pas de nouveaux barrages sur nos territoires. Mais de toute façon, nous resteront vigilants.

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