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En Haïti, «les policiers n’ont plus confiance dans les autorités de l’État»

Entretien

Alors que les gangs armés ne cessent d’étendre leur emprise en Haïti, le Syndicat national des policiers haïtiens (Synapoha) fustige des failles systématiques dans l’équipement et l’entraînement des forces de l’ordre, ainsi que des erreurs dans la planification des opérations policières. Entretien avec son porte-parole, Francisco Occil.

Les tensions sont fortes en Haïti. Les ambassades de France et d'Espagne ont fermé leurs portes ce vendredi à Port-au-Prince et les Bahamas ordonnent à leur personnel diplomatique de quitter le pays. Les policiers du pays sont en colère et l’ont fait savoir. Jeudi, ils ont tenté d’investir la résidence du premier ministre Ariel Henry et ont envahi pendant plusieurs heures l’aéroport international Toussaint Louverture à Port-au-Prince. En cause, l'assassinat de six des leurs par un gang armé à Liancourt, une localité dans le département de l’Artibonite. Le dernier drame d’une longue série. Depuis le début de cette année, 14 policiers ont été tués.

RFI : Six policiers ont été tués ce mercredi à Liancourt. Comment expliquez-vous ce bilan très lourd ? 

Francisco Occil : Les bandits étaient au nombre de 100 à 150, et ils étaient beaucoup mieux armés que la police. Par ailleurs, beaucoup de policiers ne connaissaient pas exactement la configuration de la zone de l'opération. Par exemple, un policier qui avait été blessé par balle ne savait même pas où il était lorsqu’il a demandé du renfort. Et il n'y a toujours pas eu de réponse de la police nationale : les bandits sont toujours dans leur fief. On n'a même pas pu récupérer le corps des policiers. 

Qui est responsable de la situation d’insécurité actuelle ? 

Pour nous, l'État central est responsable. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de plan de sécurité. On ne voit pas de volonté de résoudre cette forme d'insécurité. Nous appelons aussi les hommes politiques à assumer leurs responsabilités : beaucoup de jeunes qui font partie de ces gangs sont armés par des hommes politiques pour servir leurs intérêts à eux. À maintes reprises, des policiers se sont fait tuer dans des opérations et il n'y a pas vraiment de réaction des autorités de police et des autorités de l'État.

Donc les policiers se mobilisent pour exiger des forces spécialisées en matière de gangs afin de combattre cette forme d’insécurité. Nous exigeons des chars, des blindés qui peuvent pénétrer dans ces zones de non-droit. Nous exigeons des moyens pour que les policiers fassent leur travail convenablement. Enfin, le syndicat des policiers haïtiens exige des mesures d’accompagnement pour les familles des policiers tués lors de cette opération à Liancourt. 

La confiance entre les policiers et le gouvernement d'Ariel Henry est-elle aujourd'hui rompue ? 

Les policiers n'ont plus confiance dans les autorités de police au plus haut niveau. Ils n'ont plus confiance dans les autorités de l'État. Et c'est ce qui a entraîné la réaction de ces policiers contre le Premier ministre et la réaction de beaucoup de policiers dans les rues. En tant que syndicat, nous demandons aux policiers de mener ce mouvement de façon pacifique. Nous sommes encore armés, encore hiérarchisés : nous devons faire preuve de discipline et de professionnalisme. Mais nous exigeons aussi que les autorités de police et les autorités de l'État prennent leurs responsabilités.