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En Malaisie, le parti fondamentaliste islamique plus fort que jamais

Le succès du Parti islamique Pan-Malaisien aux élections législatives du 19 novembre n’a pas manqué de susciter une certaine stupeur dans le pays à majorité musulmane. 

De notre correspondante à Kuala Lumpur,

L'information passerait presque inaperçue. Alors qu’Anwar Ibrahim, qui aime à se présenter comme un réformateur progressiste et un musulman modéré, a été nommé Premier ministre à l'issue des législatives, le premier parti au Parlement est désormais le Parti islamique Pan-Malaisien (Parti Islam Se-Malaysia, abrégé en PAS), avec 43 députés, soit 25 de plus que lors du scrutin précédent. 

Un succès que les médias d’Asie du Sud-Est n’ont pas manqué de qualifier de « vague verte », d’après la couleur emblématique du parti, également celle considérée comme la préférée du prophète Mahomet. Car jusqu’à présent le PAS, fondé en 1951 et inspiré par l’idéologie des Frères Musulmans, était surtout influents dans les États du nord et de l’est du pays (Kedah, Kelantan, Terengganu) et peu connu au-delà des frontières malaisiennes, si ce n’est peut-être au Brunei où son ancien idéologue, Nik Aziz, est considéré comme le maître à penser du sultan ayant décidé d’instaurer la charia punissant notamment les femmes adultères de mort par lapidation.

Un parti plébiscité par les jeunes

Et si les dernières performances électorales du PAS surprennent, c’est d’abord parce que le parti a été notamment plébiscité par un électorat jeune, faisant ainsi mentir tous ceux pour qui le vote des millenials serait nécessairement progressiste et libéral. Deux qualificatifs difficilement applicables pour décrire le PAS, dont les dirigeants se sont surtout faits remarquer pour leurs propos et actions très rigoristes, interdisant aux femmes artistes de se produire devant des hommes dans la région du Terengganu, sous leur contrôle politique, félicitant les talibans lors de leur prise de Kaboul en 2021 ou condamnant la tenue de concerts de rock en août dernier. 

Mais à y regarder de plus près, le PAS demeure en réalité bien plus proche qu’il n’y paraît de la jeunesse musulmane du pays, et ce, dès son plus jeune âge. « Le PAS n’est pas qu’un parti politique, c’est un mouvement social, le parti gère le plus grand réseau d’écoles maternelles et de garderie du pays, rappelait ainsi le spécialiste de l’extrémisme musulman Nawab Osman. Et si jusqu'en 2018, les ustaz (enseignants religieux) liés au PAS avaient interdiction de prendre la parole dans les mosquées, ils peuvent désormais y accéder. » 

L’éducation religieuse comme cheval de Troie ? Plutôt comme fondement politique pour Joseph Liow, spécialiste de l’Islam en Asie du Sud-Est. « Dans la pure tradition des Frères Musulmans, l'éducation a toujours joué un rôle essentiel pour le parti. Nombre de ses premiers membres et dirigeants enseignaient dans les écoles du PAS », explique-t-il. À commencer par son président, Abdul Hadi Awang, souvent appelé « Tuan Guru » (Monsieur le Professeur) sur TikTok, où ses lieutenants ont su également prospérer et parler aux jeunes générations. 

Le PAS a su capitaliser sur le désamour de l'UMNO

En plus de savoir donc toucher une certaine jeunesse qu’il connait bien pour l’avoir parfois éduquée, le PAS a su aussi, lors du dernier scrutin, profiter d’une réelle déception des électeurs à l'égard Parti nationaliste malais de l’UMNO, englué dans de gigantesques scandales de corruption. Ces dernières décennies, ces deux partis étaient en rivalité pour gagner le cœur et le vote de l’ethnie Malaise musulmane, majoritaire du pays, et s’accusaient mutuellement d’être de mauvais musulmans.

Mais dans le contexte actuel, où l’image de l’UMNO est indissociable du spectre de la kleptocratie, le PAS a lui su capitaliser sur ce désamour de l’UMNO déjà fort puissant dans son fief historique, le Kelantan. « Le succès du PAS au Kelantan est l'œuvre de Nik Aziz, rappelle Ibrahim Suffian, à la tête du centre de recherche Merdeka Centre. Il véhiculait une image de piété, d'humilité qui suscitait sympathie et admiration, car cet État a pu être privé de ressources par le gouvernement fédéral alors dirigé par l’UMNO. Ainsi, malgré l'absence de services publics de qualité, les électeurs ont continué à soutenir le PAS, comme un acte de défiance à l'égard de l’UMNO au pouvoir. Et aujourd’hui, le PAS a réussi à donner l’impression qu’il dirigeait localement des administrations moins corrompues », conclut-il. 

Une impression seulement, car le Kelantan n’est pas épargné par les scandales de corruption qui vampirisent la vie politique malaisienne. En août dernier, par exemple, était ainsi jugé pour corruption le directeur général de l’entreprise publique de la gestion des eaux du Kelantan. 

Désormais plus grand parti au Parlement malaisien, le PAS a assuré qu’il y ferait office « d’opposition constructive ». Si l’on ne verra donc vraisemblablement pas ses députés siéger avec le gouvernement d’union national d’Anwar Ibrahim, on pourra cependant en apercevoir certains au tribunal, à commencer par son président qui devra y justifier ses propos tenus en août dernier, affirmant que la corruption en Malaisie était causée par la minorité non-musulmane du pays.