Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Espionnage, infiltrations... en Afrique du Sud, la surveillance numérique hors de contrôle?

L’ouvrage Digital Surveillance in Southern Africa: Policies, Politics and Practices, publié début 2023, se penche sur les systèmes de surveillance numérique mis en place dans différents pays d’Afrique australe. En Afrique du Sud, le sujet est sensible : plusieurs investigations ont montré que les services de renseignements y ont espionné, et même physiquement infiltré, des organisations de la société civile.

Avec notre correspondante à Johannesburg, Claire Bargelès

Un ouvrage, publié au début de 2023, se penche sur les systèmes de surveillance numérique mis en place dans différents pays d’Afrique australe. Rédigé par deux chercheurs de l’université de Johannesburg, en Afrique du Sud, il étudie les différentes pratiques des pays de la zone pour amasser des données sur les citoyens, et les risques qui apparaissent avec le développement de « villes intelligentes » ou de la quatrième révolution industrielle.

Admire Mare, l’un des co-auteurs de Digital Surveillance in Southern Africa: Policies, Politics and Practices, décrypte : « Les partis qui sont au pouvoir dans cette zone du continent sont d’anciens partis de lutte pour l’indépendance. Et, à mesure qu’ils perdent leur influence, ils ont recours à des mécanismes de surveillance pour savoir ce que pensent leurs opposants. Il y a toute une gamme de techniques de surveillance numérique qui sont utilisées. Mais dans ce livre, l’une des tendances qui nous inquiète le plus, c’est le développement de "smart cities". »

Le chercheur poursuit : « On évoque par exemple ce qui se passe à Lusaka, en Zambie, où des entreprises comme Huawei ou ZTE remportent des contrats très lucratifs pour développer ces villes intelligentes. Au Zimbabwe, on observe également la même évolution. Il y a aussi le déploiement de caméras de surveillances, pour, soi-disant, contrôler la criminalité. Mais, en Afrique du Sud, en particulier, des entreprises privées ont ensuite en leur possession des quantités de données collectées grâce à cela. »

Il conclut : « Le problème, selon nous, c’est le manque de contrôle. Comment sont utilisées ces données ? Il peut y avoir d’autres ambitions que la simple prévention de la criminalité. Et on a besoin d’examiner tout cela, avant d’accepter que cela fasse partie de notre quotidien. »

En Afrique du Sud, des organisations de la société civile ont été espionnées

En Afrique du Sud, la question du contrôle des moyens de surveillance se pose : plusieurs investigations autour de la gestion de l’État, sous la présidence de Jacob Zuma, ont montré que les services de renseignements ont espionné, et même physiquement infiltré, des organisations de la société civile, hors de tout cadre légal.

Un rapport déclassifié cette année donne quelques détails. Et, depuis ces révélations, plusieurs associations tentent d’en savoir plus et de se protéger. Greenpeace fait partie de ces organisations espionnées et a ouvert une procédure devant les tribunaux, pour demander des justifications aux autorités.

« Transparence »

« Ce que nous demandons, c’est de la transparence, lance Nhlanhla Sibisi, qui est en charge des questions climatiques pour l’ONG. Si nous sommes considérés comme étant une menace, comme cela a été mentionné. De quelle menace parle-t-on ? Nous considérons que selon la Constitution et les lois sud-africaines nous avons le droit d’association et nous avons le droit de travailler en tant qu’ONG ».

L’organisation Right2Know est aussi concernée par cette procédure et le militant Moeketsi Monaheng espère bientôt des réponses : « S’ils ne peuvent pas donner de bonne raison sur le fait de nous avoir espionnés, ou s’ils ne peuvent pas fournir de résultats, cela signifie que n’importe qui peut utiliser les outils de surveillance pour bloquer l’espace politique. »

Renforcer la sécurité en ligne

De quoi ne plus se sentir en sécurité pour les militants, notamment ceux du mouvement des quartiers informels Abahlali baseMjondolo qui a vu une vingtaine de ses membres être assassinés depuis sa création (en 2005). Pour son vice-président, Mqapheli Bonono, il est important de renforcer la sécurité en ligne. « Nous organisons des formations, sur comment être plus prudent, comment il est important par exemple de ne jamais montrer sa localisation, explique-t-il. Nous travaillons aussi sur la façon de sécuriser nos bureaux, et les ordinateurs que nous utilisons ».

Les organisations craignent aussi que de telles pratiques créent de la méfiance en leur sein, et fassent baisser l’engagement de leurs membres.