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Hydrogène: recrudescence de plans nationaux

Le forum Hyvolution s’ouvre ce 1er février à Paris. Pendant deux jours, les acteurs de la filière hydrogène se réunissent. L'occasion de promouvoir ce secteur moins de trois ans après la présentation du plan de stratégie de la France pour le déploiement de l'hydrogène. La France est loin d'être la seule à avoir adopté un programme pour développer la production et l'usage de ce vecteur énergétique.

Les plans de stratégie hydrogène se sont multipliés ces dernières années. De trois en 2019, Anna Creti, directrice de la chaire économie du Climat à Paris-Dauphine, en compte désormais « une quarantaine dans le monde » avec des différences entre les régions.

« L'Europe a une position de leadership sur les déploiements de la capacité d'électrolyseurs, avec aujourd'hui 40% de la capacité installée au niveau global, selon l'Agence internationale de l'énergie. C'est un leadership assez bien consolidé et qui probablement pourrait continuer à se confirmer dans le futur. Après, il y a des pays qui sont également bien placés, comme l'Australie. On va regarder aussi du côté des pays émergents. »

Tous les pays ne pointent pas sur les mêmes aspects, des « spécialisations émergent » en ce qui concerne l'usage final de l'hydrogène : « les transports, l'industrie ou la production d'électricité », énumère Anna Creti.  

En ce qui concerne la production d'hydrogène, avec 28% des inscriptions, l’Europe a dominé les dépôts de demandes de brevets sur la période 2011-2020, selon une étude de l’Office européen des brevets et de l’Agence internationale de l’énergie. Et la recherche bascule vers les technologies décarbonées.

Le Japon, très présent dans le secteur automobile, talonne le vieux continent. Quant aux États-Unis, avec 20% des demandes de brevets, il est le seul grand pôle d’innovation à avoir perdu du terrain, en particulier pendant le mandat de Donald Trump. 

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« Signal d'alarme » ou « source d'inspiration ».

Mais, les États-Unis n’ont peut-être pas dit leur dernier mot. L’hydrogène décarboné est inclus dans la Loi sur la réduction de l'Inflation (IRA), loi qui favorise fiscalement l'implantation sur le sol américain d'industries vertes. Un plan diversement apprécié côté européen. « L'inflation réduction Act a été un signal d'alarme qui est pris très sérieusement, souligne Olivier Appert, conseiller du centre énergie de l'Ifri. Il faudrait qu'on soit quand même en Europe moins naïf qu'on a pu l'être pendant de trop nombreuses années. »

Pourtant, François Kalaydjian, coordinateur hydrogène à l’IFP énergie nouvelles, salue la démarche de Washington : « C'est une source de motivation parce que l'Inflation Reduction Act prend acte du fait qu'il est nécessaire dans un premier temps d'aider », de pousser la compétitivité de l'hydrogène. « Les États-Unis ont mis ça en place et c'est une source d'inspiration pour l'Europe », espère-t-il.

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Bruxelles prépare d'ailleurs la riposte. La Commission européenne présente ce 1er février son plan visant à permettre à l'Union européenne de rivaliser avec les États-Unis dans le domaine des technologies vertes tout en réduisant sa dépendance vis-à-vis de Pékin. Car la France et l'Europe ne feront pas face qu’à la concurrence américaine. « Il ne faut pas oublier non plus la concurrence chinoise, rappelle Olivier Appert. La Chine est le premier producteur mondial d'hydrogène, c'est environ un tiers de la production mondiale. Ce pays s'est intéressé de manière tardive à l'hydrogène. Mais l'année 2020 constitue un tournant décisif avec l'élaboration d'une stratégie nationale visant à utiliser l'hydrogène au service de sa transition, mais aussi de la promotion de nouvelles industries. Si la Chine a un certain retard par rapport à d'autres nations, elle fait tout pour le rattraper. »

Fort potentiel en Afrique

Tous les pays ne misent pas sur la même source d’hydrogène. Pour l'instant, la quasi-totalité de l'hydrogène est produite à partir d'énergies fossiles. Dans le cadre de la transition énergétique, certains misent sur le « vaporeformage » de méthane avec capture du CO2, d'autres sur l'électrolyse, c'est-à-dire la fracture de molécules d'eau grâce à un courant électrique. Sur ce terrain, l'Afrique a une importante carte à jouer : « Le potentiel de production de l'hydrogène vert en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, c'est pratiquement le double de celui que l'on peut avoir en Amérique du Nord, en Amérique latine réunie », explique Anna Creti. « Il s'agit d'un potentiel », nuance l'économiste, « mais quelques pays, surtout en Afrique de l'Est, comme la Tanzanie commencent à recevoir des investissements internationaux pour la production d'hydrogène vert. Il y a le projet du corridor vert en Afrique de l'Est avec aussi l'utilisation de l'hydrogène pour la production de fertilisants. »

Mais s'il y a des « initiatives de pointes », manquent « les investissements internationaux ». Or, selon une étude de la Banque européenne d'investissement qui confirme le potentiel du continent en matière d'hydrogène vert, il faudra « 1 000 milliards d'euros de financement » pour « fournir l'équivalent de plus d'un tiers de la consommation actuelle de l'Afrique en énergie ».

Reste que malgré l'engouement de ces dernières années, les défis pour la filière hydrogène sont encore nombreux, rappelle Olivier Appert : « défi sur la compétitivité, défi sur la sécurité ». « L'impact éventuellement moins positif qu'on ne le pensait sur le changement climatique est aussi un défi », souligne-t-il.

Bilan carbone à la production et au transport mis à part,le dihydrogène s'il fuit dans l'atmosphère - et bien qu'il ne soit pas un gaz à effet de serre direct - perturbe le comportement des gaz à effet de serre et a donc un impact indirect.Une étude du CNRS estime cependant que l'hydrogène vert même en cas de fuite, resterait un allié de la transition.

Cet impact indirect « ne remettra pas en cause », le tournant vers l'hydrogène, estime François Kalaydjian de l'IFPEN, l'un des trois principaux instituts au niveau mondial pour la recherche fondamentale en matière de brevets sur l'hydrogène selon l'OEB. « C'est un sujet qu'il faut traiter et auquel il faut apporter des solutions », mais « ce n'est pas hors de portée. »

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