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Iran: «Les revendications des manifestants vont bien au-delà de la question du voile»

En Iran, le procureur général a annoncé ce dimanche 4 décembre l'abolition de la police des mœurs, mise en cause dans la mort de Mahsa Amini. L'information n'a pas été confirmée par le ministère de l'Intérieur, mais elle intervient à la veille de nouvelles manifestations et grèves. Trois questions à Azadeh Kian, sociologue franco-iranienne, directrice du Centre d'enseignement, de documentation et de recherches pour les études féministes (Cedref) à l'Université de Paris-Diderot.

RFI : L'abolition de la police des mœurs est-elle un gage donné aux protestataires pour tenter de les démobiliser ?

Azadeh Kian : L'abolition de la police des mœurs était prévue depuis plusieurs semaines et la décision est très tardive. Effectivement, le procureur général dit : « ceux qui l'ont créée », c'est-à-dire le ministère de l'Intérieur puisque la police des mœurs est sous son autorité, « sont aussi responsables de sa dissolution ». Mais cela ne veut pas dire pour autant que la loi obligeant les femmes à se voiler est abolie. Ils ont promis de prendre une décision dans deux semaines.

De toute façon, la question du voile est largement dépassée pour les protestataires. D'une part parce que beaucoup de femmes dans les grandes villes ne portent plus le voile donc pour elles c'est acquis et cela m'étonnerait qu'elles acceptent de le remettre. D'autre part, leurs revendications vont bien au-delà de la question du voile. Les contestataires demandent depuis de nombreuses semaines maintenant la chute du régime et les mots d'ordre de grève qui sont bien suivis vont aussi dans ce sens. On constate que différentes catégories sociales, à commencer par les commerçants qui avaient des liens très étroits avec le clergé, mais aussi les ouvriers, les fonctionnaires suivent bien ces grèves.

Donc, je pense que cette décision peut être considérée comme un gage donné aux manifestants mais elle arrive trop tard et elle ne va pas arriver à calmer la colère des contestataires.

Donc, les manifestations vont continuer ?

Les manifestations vont continuer, les grèves vont continuer. La question est de savoir maintenant si le régime va aller vers l'abolition de la loi qui oblige les femmes à porter le voile, et d'autre part, comment il va répondre aux exigences de cette population largement laïcisée, très moderne qui revendique la liberté et la démocratie. Le régime s'est montré incapable de répondre à ces revendications, c'est pourquoi on peut s'attendre à ce que les contestations continuent, malgré une répression féroce. Le pouvoir judiciaire continue à condamner à la peine capitale un certain nombre de manifestants, donc le régime ne cède pas non plus. La question de la police des mœurs n'est qu'un petit gage donné aux manifestants.

Les médias d'État ont, au même moment, rapporté l'exécution de quatre détenus, arrêtés au printemps pour collaboration avec Israël. Est-ce une tentative d'intimidation ?

Absolument, c'est pour faire peur aux manifestants d'une part. C'est aussi pour montrer que le régime continue de contrôler les institutions et l'appareil judiciaire. Au-delà de ces quatre personnes accusées de collaboration avec Israël, il y a des manifestants qui ont été arrêtés et qui sont aussi condamnés à la peine de mort.

On constate que les autorités continuent de réprimer à la fois dans la rue en tirant sur les manifestants, mais aussi dans les prisons.

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