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«La Birmanie est l’endroit le plus dangereux au monde pour les médecins»

« La Birmanie est confrontée à une répression inimaginable », estime le Haut-Commissaire des droits de l'homme de l'ONU, Volker Türk. Depuis le putsch militaire, le 1er février 2021, le pays est plongé dans le chaos, avec plus de 3 000 morts et au moins 16 000 personnes emprisonnées pour avoir résisté à la junte. Le médecin Lwan Wai (un nom de code qu'il s'est donné pour des raisons de sécurité) fait partie de ceux qui ont rejoint les rangs du mouvement de désobéissance civile.

RFI : Vous avez fondé le "Yangon Medical Network" - un réseau qui regroupe plus de 10 000 professionnels de la santé engagés dans la résistance non-armée. Des médecins comme vous, engagés dans la résistance, pratiquent-ils dans la peur ?  

Docteur Lwan Wai : Bien sûr. Ce que la junte fasciste hait le plus, c’est le mouvement de désobéissance civile. Car c’est ce mouvement qui l’empêche de gagner la légitimité dont elle a besoin. C’est pour cela que les militaires nous haïssent. Ils ne détestent pas seulement les professionnels de la santé, mais aussi les professeurs ou encore les ingénieurs, ils haïssent tous les résistants. De surcroît, dans le secteur de la santé, la gestion de la junte est un échec total. Nous, les médecins engagés dans la désobéissance civile, nous essayons de combler le vide laissé par la junte. En fait, l’armée n’a rien à faire de la santé des Birmans. Les soldats sont trop occupés à arrêter les gens, les passer à tabac brutalement et les tuer dans la plus grande illégalité. Dans un village, un activiste du mouvement pour la désobéissance a été égorgé par des soldats, qui ont ensuite exposé son crâne à l’entrée de ce même village. Oui, en effet, nous vivons dans la peur, la dépression et la tristesse. C’est cela, la situation en Birmanie aujourd'hui. Nous vivrons dans la peur jusqu’au jour où nous gagnerons notre combat. 

La junte serait responsable de la mort d’au moins 2 890 personnes, dont 767 décédés en détention, selon une estimation des Nations unies. Face à cette répression, de quelle façon pouvez-vous encore mener votre combat ?  

Docteur Lwan Wai : Même ma famille ne sait pas où je me trouve actuellement, pour des raisons de sécurité. Je vis dans la clandestinité, et les militaires ne pourront pas mettre la main sur moi. En janvier 2022, j’ai dû tout abandonner pour me mettre à l’abri afin de pouvoir continuer mon combat contre la junte. Pour ne pas mettre en danger ma famille et mes amis ainsi que moi-même, j’ai dû fuir.  

Deux ans après le putsch et l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, le Haut-Commissaire des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, parle d’une « situation catastrophique ».  Qu’en est-il dans les hôpitaux du pays ?  

Docteur Lwan Wai : Même avant le putsch de 2021, la Birmanie était parmi les trois pays de l’Asean avec le plus mauvais système de santé. Évidemment, cela n’a pas changé pour le mieux. Aujourd’hui, sous la junte, la Birmanie est l’endroit le plus dangereux au monde pour le personnel de santé. Tout le monde est en danger. Tant que la junte reste au pouvoir, il n’y aura aucune justice, aucun droit et aucune paix en Birmanie.  

L’armée avait menacé de fermer les cliniques dirigées par des médecins qui soutiennent la résistance. Est-ce que la junte a mis cette menace à exécution ?  

Docteur Lwan Wai : C’est une honte, mais en effet, malheureusement, cela est arrivé. D’abord dans la ville de Mandalay, les militaires ont empêché le personnel soignant de s’occuper des gens qui arrivaient dans les hôpitaux avec des blessures, car il pouvait s’agir de manifestants. S’ils apprenaient que les médecins d’une clinique privée étaient engagés dans la résistance, l’armée fermait immédiatement cette clinique et arrêtait le propriétaire. Certains ont été battus à mort pendant leurs interrogatoires. Cela est arrivé à Mandalay, et ensuite aussi à Rangoon. Puis partout où l’armée contrôlait le terrain. Des milliers de patients ne peuvent pas être pris en charge et ne reçoivent aucun soin. Même les hôpitaux gouvernementaux sont laissés à l’abandon, car la junte ne leur fournit rien. Le système de santé s’est complètement effondré depuis que l’instabilité règne dans le pays. En deux ans, le système de santé a été détruit.  

« Une voix, un combat » - sous ce slogan, vous appelez tous les Birmans à rester soit à leur lieu de travail ou chez eux ce 1er février, les rues devraient être désertes. Organisez-vous cette « grève silencieuse » pour montrer que le mouvement de désobéissance civile ne pas mort ?  

Docteur Lwan Wai : Oui, nous appelons tous les Birmans à rejoindre notre grève silencieuse pour marquer le 2ᵉ anniversaire de la prise du pouvoir de la junte. Nous sommes une coalition formée par plus de 39 organisations syndicales qui sont présentes partout dans le pays. Nous espérons que tout le monde y participera, dans les zones rurales autant que dans les zones urbaines. Il faut que la mobilisation soit massive. Cette grève silencieuse a lieu entre 10 heures du matin et 15 heures de l’après-midi. Nous devons démontrer à la communauté internationale que les Birmans ne veulent pas être gouvernés par une junte fasciste et qu’elle doit partir.