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La Coca, une feuille comme les autres ?

La semaine dernière, le vice-président bolivien a annoncé que son pays entamerait les démarches afin de demander que soit retirée la feuille de coca de la liste des stupéfiants des Nations unies. Pour lui, cette classification internationale est une « erreur historique » qu’il faut réparer, fruit de la domination occidentale. En effet, si la feuille de coca est bien à l’origine de la cocaïne, consommée dans sa très grande majorité dans les pays du Nord, elle est, dans son état naturel, consommée dans tout le pays et est considérée comme « sacrée » et surtout légale. 

De notre correspondante à La Paz,

La coca, cette feuille qui pousse dans la région tropicale des Yungas en Bolivie, à l’origine de la cocaïne, s’est retrouvée ces jours-ci dans les couloirs feutrés des ministères. Car aux Affaires étrangères, on travaille dur pour demander le retrait de la coca de la liste des stupéfiants des Nations unies. « En premier lieu, nous allons envoyer une lettre au secrétaire général des Nations unies, ainsi qu’un dossier contenant toutes les études scientifiques et académiques sur la question. En plus de cela, nous solliciterons l’OMS afin qu’elle entame une démarche critique concernant cette classification comme drogue de la coca », détaille Freddy Mamani, vice-ministre bolivien des Affaires étrangères. 

David Choquehuanca l’a répété lors de son discours devant la commission des drogues des Nations unies : la coca ne doit pas être considérée comme une drogue. Elle a été punie, a-t-il dit, pour des délits qu’elle n’a pas commis. « La feuille de coca dans son naturel n’a pas de stupéfiant, et ne crée pas de dépendance. Elle fait partie de notre identité culturelle, comme alimentation, comme médicament, comme élément central de la cohésion sociale. Mais en plus, si elle est retirée de la liste, cela nous permettrait d’exporter des produits dérivés, comme les infusions notamment », explique Freddy Mamani.

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Pour en savoir davantage, il faut s’adresser à une experte. Sdenka Silva, sociologue, a étudié le monde de la coca, et elle est co-fondatrice du musée qui lui est consacré à La Paz. Entre deux arrivées de touristes venus en apprendre plus sur la feuille dite sacrée, elle nous enseigne, avant toute chose, à mâcher de la coca : « La coca se consomme toujours avec un élément alcalin. Ici, c'est de la cendre, de banane dans notre cas. Mais par exemple, dans le nord de la Colombie et dans certaines parties du Pérou, ils utilisent du coquillage réduit en poudre… Donc ! Tu prends une poignée de coca, tu mets ton élément alcalin au milieu et tu l’entoures avec les feuilles. Et une fois dans ta bouche, tu ne mâches pas en réalité, tu attends que ça s’humidifie et tu absorbes le jus. Voilà ! C’est comme ça que l’on mâche de la coca ».

Sdenka consomme de la coca depuis une quarantaine d’années. Et pour elle, ce n’est pas logique qu’elle soit illégale : « C’est l’objectif de ce musée, la dépénalisation internationale de la coca. Les Danois par exemple, sont les premiers producteurs de pavot, la fleur ; et le pavot n’est pas interdit alors que c’est la base de l’héroïne. Mais dans notre cas, tout est interdit ! »

Le vice-président bolivien David Choquehuanca (à gauche) et le président Luis Arce (au centre) mastiquent des feuilles de coca pendant la célébration de la tradition «acullico», un jour faisant part d'une campagne internationale en faveur de l'utilisation traditionnelle de la feuille de coca, à La Paz, le 11 janvier 2023.
Le vice-président bolivien David Choquehuanca (à gauche) et le président Luis Arce (au centre) mastiquent des feuilles de coca pendant la célébration de la tradition «acullico», un jour faisant part d'une campagne internationale en faveur de l'utilisation traditionnelle de la feuille de coca, à La Paz, le 11 janvier 2023. © Claudia Morales / Reuters
En Bolivie, la feuille de coca est centrale. Elle est utilisée dans les cérémonies rituelles à la « Terre Mère » par exemple, et les chamans andins y lisent l’avenir. Elle est consommée dans le pays entier, autant par des universitaires urbains comme Sdenka que par des travailleurs des mines pour endurer la fatigue ou par les alpinistes pour supporter l’altitude. C’est bien plus qu’une simple feuille : « La coca est ce que l’on appellerait un axe culturel, comme l’est l’argent par exemple. Si l’argent disparaît, nos sociétés pourraient s’effondrer. Interdire la coca, c'est donc nier l’existence de sociétés plus éclairées et plus stables que les nôtres ».

Mais la coca est aussi la plante à la base de la cocaïne. Et depuis un rapport américain des années 50, elle est classée comme stupéfiant. Aujourd’hui, d’autres études ont été menées, reconnaissants des bienfaits, nutritionnels et stimulants notamment. Ce sont ces publications que les autorités boliviennes veulent désormais faire connaître. Mais avant que la démarche de la Bolivie aux Nations unies n’aboutisse, il faudra encore attendre plusieurs années, si la démarche aboutit.

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