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Le recours à l'avortement bientôt dans la Constitution française?

Les sénateurs ont voté mercredi 1er février en faveur de l'inscription dans la Constitution de la « liberté des femmes » à recourir à l'interruption volontaire de grossesse. La proposition de loi constitutionnelle sur l'avortement, présentée à l’Assemblée nationale en première lecture, peut donc continuer son parcours parlementaire.

Si les sénateurs avaient dit non, c'en était fini de la tentative pour constitutionnaliser l'interruption volontaire de grossesse (IVG) lancée à l'Assemblée nationale. En novembre dernier, une proposition de loi constitutionnelle de la France Insoumise a, en effet, été votée en première lecture par les députés avec le soutien de la majorité. Elle a été examinée le 1er février au Sénat dans le cadre d'une niche parlementaire du groupe socialiste et donc votée par 166 voix contre 152.

Un score serré qui montre qu'il y a un vrai débat au sein de la Chambre haute. D'ailleurs, en octobre dernier, le Sénat avait rejeté une autre proposition de loi sur ce thème portée par l'écologiste Mélanie Vogel. Cette fois-ci, ça passe. Le texte peut continuer son chemin.

« Liberté » plutôt que « droit »

Mais les sénateurs ont modifié le texte des députés. L'enjeu se situe dans les détails de la réécriture, car il n'y a plus la mention du « droit » des femmes, mais celle de la « liberté » des femmes de mettre fin à la grossesse dans le texte adopté par les sénateurs. Une nuance introduite par un amendement du Républicain Philippe Bas, qui n'a pas suffi à rassurer et convaincre les membres de son groupe, pour lesquels l'inscription de l'IVG dans la Constitution n'est pas nécessaire, car il n'y pas de menace sur son existence en France. Bruno Retailleau, le chef des sénateurs LR, a jugé que « la Constitution n'est pas faite pour adresser des messages symboliques au monde entier ». Les sénateurs Les Républicains ont donc largement voté contre ce texte.

La gauche a, en revanche, manifesté sa satisfaction. Les sénateurs de gauche ont décidé de voter l'amendement de Philippe Bas même s'il ne correspondait pas à leur souhait initial pour permettre au texte de poursuivre la navette parlementaire, ce qui est en soi une avancée de leur point de vue. D'ailleurs Mathilde Panot, la cheffe du groupe LFI à l'Assemblée nationale, a salué ce vote avec enthousiasme en le qualifiant d'« historique ». Et la présidente du planning familial, Sarah Durocher, y a vu un « signal très fort ».

Le texte a encore un long chemin à parcourir, car il s’agit d’une procédure particulière qui vise à modifier la Constitution. Dans le cas d’une loi ordinaire, l'Assemblée a le dernier mot face au Sénat. Mais dans celui d’une proposition de loi constitutionnelle, le texte doit être voté dans les mêmes termes à l'Assemblée et au Sénat. Les sénateurs ont modifié la rédaction de la proposition de loi, il faut donc voir si les députés vont l'adopter en l'état en deuxième lecture. Rien n'est encore joué. D'autant que si les deux chambres finissent par s'accorder, il faudra organiser un référendum pour que la proposition soit adoptée.

L'autre voie de passage, c'est que le gouvernement présente un projet de loi et dans ce cas, pas besoin de référendum.

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Le revirement américain, un avertissement

C'est une décision de la Cour suprême américaine pour annuler un arrêt qui garantissait le droit à l'IVG aux États-Unis, prise l'été dernier, qui par ricochet a suscité de l'inquiétude en France. Dans la classe politique, beaucoup de personnalités y vont vu un avertissement et se sont élevées pour dire qu'il fallait se prémunir contre une évolution du même ordre qui a privé les femmes américaines du droit à l'avortement dans plusieurs États. Et donc la constitutionnalisation du droit à l'IVG a été proposée, pas seulement à gauche, mais de manière transpartisane. La cheffe des députés Renaissance Aurore Bergé y est par exemple favorable. Elle a d'ailleurs, elle aussi, déposé une proposition de loi allant dans ce sens et a invité la majorité à voter le texte de LFI arrivé avant le sien dans l'Hémicycle.

Mais il y a aussi des oppositions à cette démarche d'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, notamment à droite. C'est un débat clivant dont se sont emparés les parlementaires et les étapes sont encore nombreuses avant de pouvoir obtenir une révision de la Constitution.

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