Niger
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Le statut de l’enfant naturel au Niger

Problématique ou vide juridiques ?
Imane Hassan, une petite fille de quatre ans, est transportée chaque matin  par un taxi-moto notamment appelé ‘’ kaboukabou’’ pour l’amener à l’école.

Cette petite fille est entretenue et élevée selon les moyens de sa mère célibataire qui travaille dans le secteur privé.  En effet,  Asma est un enfant naturel qui n’a jamais  connu son père a plus forte l’amour paternel.

Une chose qu’elle ne cesse de réclamer aussi. Imane, malgré son âge, fait face à toutes sortes de discrimination au sein même de sa famille maternelle.Les autres enfants ne cessent de lui rappeler qu’ils n’ont jamais vu son père. Les enfants comme Imane sont nombreux au Niger et sont confrontés à des multiples stigmatisions d’une manière ou d’une autre.

Ils sont considérés comme la risée de la société dès leur enfance jusqu’à l’âgé adulte, comme s’ils ont commis de crime. C’est le cas d’une jeune fille âgée d’une trentaine d’année, dénommée Roumana.  «  Quand je reçois des demandes de mariage, tout de suite on fait comprendre à la personne que je suis née hors mariage.

Et, ce qui me fait mal le plus, c’est la torture morale que ma  famille maternelle et paternelle sans exception me font vivre en me présentant a chaque rencontre familiale aux autres membres des familles comme l’erreur de jeunesse de mes parents.

Aussi,  en cas de querelle ou d’une erreur commise, c’est le même refrain. Il faut dire que  ça tellement joué sur ma conscience que je me suis donné à des pratiques malsaines et, est devenue irrespectueuse envers presque tout le monde» a-t-elle fait savoir.

Le statut de l’enfant naturel dans la société nigérienne   

Ainsi, selon les explications fournies par le sociologue communicateur, M. Alou Ayé,   pour comprendre la problématique du statut de l’enfant naturel, il faudrait revenir un peu sur le fondement même, approximativement de toutes les sociétés du monde et particulièrement la société nigérienne.

M. Alou Ayé a indiqué que  la perpétuation de l’espèce qui est un élément fondamental de la vie de l’être humain sur terre repose essentiellement sur l’existence d’un foyer, d’un cadre social, juridique ou culturel qui permet à l’homme et la femme réunis devant la communauté, les autorités juridiques ou religieuses,  sont en mesure de mettre au monde un enfant dans un cadre basé sur l’acceptation d’une vie commune appelé ‘’ le mariage’’.

Et par  la compréhension de la société nigérienne, d’après  M. Ayé c’est dans ce seul  cadre qu’on peut concevoir un enfant, d’où toute la difficulté  que rencontre dans leur vie, tous les enfants qui ne sont pas issus de cette voie unanimement, socialement, culturellement et religieusement admise que celle du mariage.

Ces enfants sont confrontés à des multiples discriminations, ils deviennent une sorte de « rejeton » pour la société. «  Cette situation est devenue un surpoids sur le développement socio culturel de cet être innocent »  dixit M. Alou Ayé. Pour lui,  de la même façon que personne dans ce monde n’a choisi  ses parents, son pays, sa nationalité, c’est de la même manière que personne n’a choisi la voie à travers laquelle elle est conçue.

C’est pourquoi, il a appuyé ses propos en expliquant que si les circonstances ont fait en sorte qu’un enfant soit né naturel et bien, il faudrait l’accepter de la même manière qu’un enfant qui est venu au monde par la voie légale. C’est pourquoi, il a souligné qu’il est nécessaire que la société  nigerienne puisse revoir sa vision par rapport à ces enfants et qu’elle puisse avoir de la hauteur pour comprendre qu’ils ne sont nullement coupables de la voie par laquelle ils sont nés.

Concernant la question de différence sociale de statut  d’un enfant naturel et légitime, M. Alou Ayé nous a fait  comprendre qu’il y a une très grande différence entre le statut de l’enfant naturel et légitime. L’enfant légitime à toute l’affection et de la considération  de la communauté, alors qu’au même moment, l’enfant naturel sera rejeté, délaissé.

L’enfant légitime a droit à un héritage après le décès de son père or l’enfant naturel malheureusement n’a pas ce droit là. Un enfant légitime a tous les droits reconnus par la société tandis que l’enfant naturel ne jouit d’aucun droit et pire il sera condamné à être jugé pour son statut de naissance.

Que disent les textes juridiques et réglementaires sur cet état de fait ?

L’enfant désigne l’être humain de sa naissance jusqu’à l’âge adulte. Mais cette conception de l’enfant était large et l’âge de la majorité variait d’une culture à une autre. Il possède des droits dès sa conception et  à sa naissance du fait de sa nature d’être humain tels que le droit à la vie, à un nom, à la protection etc.

C’est d’ailleurs pour protéger les droits de l’enfant que le monde s’est doté en 1989 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).  Au Niger, les droits des enfants sont également consignés dans des différents instruments juridiques tels que la constitution et le code civil qui confèrent à tous les  enfants sans distinction les mêmes droits. Par ailleurs, le droit positif nigérien est fondé à la fois sur le droit stricto census  et la coutume.

Ainsi, s’agissant de certaines matières, c’est la coutume des parties qui s’appliquent tels que la succession, le mariage, la filiation. A souligner que concernant la filiation des enfants conçus dans les liens du mariage, cela ne cause pas de problème, mais celle des enfants nés hors mariage constitue une véritable préoccupation de nos jours à cause de la pesanteur culturelle de nos sociétés africaines en général et celle du Niger en particulier.

Ce comportement à l’égard de ces enfants se résume à un rejet venant de sa propre famille mais également de la société alors que  l’enfant a droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé. Quel qu’en soit le rang social de sa famille ou sa stabilité économique, ce dernier dès sa naissance au lieu d’être protégé est rejeté comme un déchet.

Il est abandonné à son propre sort à la charge souvent de sa mère fragilisée par les préjugés et les multiples insultes,  face aux pesanteurs socio-économiques. Aussi, il se verra au cours de sa croissance privé de certains droits fondamentaux tels que celui à la protection et à l’éducation. Si le problème persiste et prend de l’ampleur, l’on peut dire qu’il ya un certain laisser aller ou une mauvaise application des textes en la matière.

Dans une interview qu’elle nous a accordée, la Commissaire Principale de Police, cheffe de la division de la protection des mineurs et femme, Hassane Haousseize Zouera déclare l’enfant naturel est au même  pied d’égalité  que les autres. Il bénéficie de ses droits en tant que personne vulnérable et immature ainsi que des dispositions qui lui sont favorables sur tous les autres plans.

Le Niger a émis des réserves  sur tous les aspects qui peuvent aller en contradictions avec les réalités religieuses. La seule limite, c’est le droit à la succession. A ce niveau, si les parents ont opté pour le droit civil dans leur relation, alors l’enfant même né hors mariage bénéficiera de ses droits civils conformément à cette filiation établie. Par contre, si ses parents ont opté pour la coutume, là il ne bénéficie pas du droit à la succession (l’enfant né hors mariage n’hérite pas dans la coutume nigérienne).

Et en cas de discrimination la Commissaire Principale de Police, Haousseize Zouera, a expliqué que les textes nationaux prévoient des sanctions contre les auteurs afin de le protéger contre toute forme de violence ou maltraitance.

Cependant, la cheffe de division de la protection des mineurs et femmes, atteste que  la seule loi spécifiquement en vigueur en matière juridique qu’elle connait  relatif au statut de l’enfant naturel est la «  Loi N° 1961-26 du 12 juillet 1961, déterminant la nationalité nigérienne en son TITRE I des DISPOSITIONS GENERALES dans son article 18, où il est certifié que l’enfant naturel légitimé au cours de sa minorité acquiert la nationalité nigérienne si son père est nigérien.

L’enfant qui a fait l’objet d’une légitimation adoptive acquiert la nationalité nigérienne si son père adoptif est nigérien. A cet effet, il n y’a malheureusement  pas de sanction pénale attachée a la discrimination de l’enfant en matière  d’héritage.

La seule parade que certains  juges utilisent c’est le droit aux subsides qu’ils appliquent pour faire bénéficier à l’enfant d’un soutien ou le versement d’une somme d’argent quelconque à titre d’aide.  De même, lorsque le père a fait des dons à l’enfant issu hors mariage avant son décès, il y a eu plusieurs cas où les familles ont attaqué cette décision en justice pour annulation.

Mais même cette option est très  combattue dans certaines familles puisque le principe  est tiré des préceptes religieux concernant le droit à l’héritage.

Reportage réalisé par Mlle Balkissa Ibrahima Mahamane, journaliste-reporter  Tamtam info dans le cadre du projet FSPI 2022-2023  de la Maison de la presse,  financé par l’Ambassade de France au Niger.