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Nicaragua: la grande figure Dora María Téllez docteur honoris causa à Paris

L'universitaire nicaraguayenne Dora María Téllez, ancienne commandante sandiniste devenue dissidente du régime Ortega, a reçu le titre de docteur honoris causa de la Sorbonne, à Paris. La militante est emprisonnée depuis plus d'un an et demi, dans son pays. Son ami le journaliste Carlos Chamorro, qui vit en exil au Costa Rica, a fait la semaine dernière le déplacement en France pour recevoir la distinction en son nom. À cette occasion, RFI l'a rencontré pour évoquer la situation au Nicaragua. Témoignage.

Dora María Téllez est une figure historique de la révolution sandiniste. Historienne, intellectuelle, guerillera, connue sous le nom de « Comandante 2 », elle s'engage dans la lutte contre le régime Somoza. Lors que ce dernier est renversé, elle devient ministre de la Santé.

Dans les années 1990, Dora María Téllez prend ses distances avec le Front sandiniste de libération nationale, le FLSN, désormais sous le contrôle de Daniel Ortega. Elle ne cesse de critiquer les dérives autoritaires du président nicaraguayen, notamment la répression sanglante des manifestations de 2018.

En février 2021, elle est condamnée à huit ans de prison pour conspiration contre la souveraineté nationale.

#DoctoratHonorisCausa
Eloge de Dora Maria Tellez ARGÜELLO par Marie-Laure GEOFFRAY
"Dora Maria Tellez n’a jamais renié ses convictions. Elle est et reste une femme politiquement progressiste, engagée pour des causes justes, nobles, et non élitistes." pic.twitter.com/HgdqszBfAR

— Université Sorbonne Nouvelle (@Sorbonne_Nvelle) November 28, 2022

C'est le journaliste Carlos Chamorro, qui a reçu le titre de docteur honoris causa de la Sorbonne au nom de Dora María Téllez. Nous lui avons demandé comment elle avait réagi à la distinction de la prestigieuse université parisienne.

Elle est dans une cellule de confinement solitaire depuis plus de 500 jours, déjà. Tous les 50 jours, elle a droit à la visite d'un proche, pendant une ou deux heures. Et c'est lors d'une de ces visites qu'elle a appris qu'elle avait obtenu cette reconnaissance. Elle se sent très honorée d'avoir reçu ce prix et le dédie à l'ensemble des 225 prisonniers politiques de Nicaragua.

Particularité cruelle de sa détention : elle vit totalement plongée dans l'obscurité. Et pour cause :

Dans la prison où elle est détenue, elle a le droit ni de lire, ni d'écrire. Elle est complètement seule dans sa petite cellule, c'est une prison de la torture. Ce que veulent les autorités, c'est casser le moral des personnes détenues. Il faut savoir aussi que son procès a eu lieu dans la prison même.

D'ailleurs, Dora María Téllez a fait une grève de la faim début septembre pour protester contre ses conditions de détention. Y a-t-il un espoir qu'elle soit libérée ? Pas dans l'immédiat, selon le journaliste Charlos Chamorro.

L'espoir repose sur l'émergence d'une plus grande prise de conscience nationale et internationale. Il n'y a qu'une seule chose à faire : augmenter la pression politique sur le régime Ortega. Les organisations de défense des droits humains ont documenté les conditions de détention des prisonniers politiques, les assassinats des opposants qui ont eu lieu en 2018 qui sont tous restés impunis. Mais la pression internationale n'est pas encore suffisante pour que le régime accepte la libération des prisonniers politiques. D'ailleurs, ce serait le premier pas vers la libération de Nicaragua.

Photo publiée par la présidence nicaraguayenne montrant Dora María Téllez arrivant sous escorte policière au tribunal pour une audience à Managua, le 31 août 2022.
Photo publiée par la présidence nicaraguayenne montrant Dora María Téllez arrivant sous escorte policière au tribunal pour une audience à Managua, le 31 août 2022. AFP - CESAR PEREZ

Le Nicaragua est devenu une prison à ciel ouvert, selon Carlos Chamorro, un pays dirigé par une dictature familiale.

Le seul objectif pour Daniel Ortega, c'est de se maintenir au pouvoir et d'exercer une politique de vengeance. Il n'y pas de projet politique, pas de projet idéologique. Ce régime n'offre aucun avenir aux Nicaraguayens, c'est pour cela qu'ils quittent massivement le pays. Le régime ne s'intéresse qu'à sa propre survie, il est guidé par le désir de se transformer en dynastie. Le Nicaragua est gouverné par une dictature familiale. L'épouse de Daniel Ortega, Rosario Murillo, est la vice-présidente du pays. Et plusieurs de ses enfants occupent des fonctions d'importants conseillers politiques. Le Nicaragua a déjà été gouverné par une dynastie, celle des Somoza, dans les années 1950, 1960 et 1970. Aujourd'hui, c'est une réédition de cette dynastie familiale.

Une dynastie familiale, celle de Somoza, que le père de Carlos Chamorro, journaliste également, avait combattue, ce qu'il a payé de sa vie. Quant à sa mère, Violeta Chamorro, elle a pour sa part été élue présidente du Nicaragua dans les années 1990.

►Réécouter : Nicaragua : « Le régime Ortega ne s’intéresse qu’à sa propre survie »

L'année dernière, la sœur de Carlos Chamorro, Cristiana, voulait se présenter à l'élection présidentielle contre Daniel Ortega. Mais sa candidature, comme celles d'autres opposants, a été interdite par la justice. Elle-même a été assignée à résidence.

Pour échapper au même sort, son frère Carlos a donc décidé de s'exiler au Costa Rica il y a un an et demi. De l'exil, il dirige le journal en ligne Confidencial. Et il continue de couvrir le Nicaragua, malgré le fait que c'est difficile d'avoir des informations fiables.

Nous avons des sources sur place et notre premier devoir est de protéger l'identité de nos sources, de garantir leur sécurité, car elles risquent leur vie en nous fournissant des informations. La presse indépendante est la dernière des libertés qui subsiste au Nicaragua. Il est vital de continuer à couvrir ce pays et j'appelle mes collègues de la presse internationale à continuer de regarder ce qui se passe au Nicaragua. Il y a une urgence humanitaire et politique. Nous sommes confrontés à un risque majeur, celui de la normalisation de la dictature et de la torture. Cette crise peut durer encore des années. Notre journalisme aujourd'hui est un journalisme de résistance. Sa survie et sa crédibilité dépendent de notre faculté d'apporter des informations fiables pour l'audience au Nicaragua et le monde.

►À relire : Nicaragua : sept opposants au président Ortega condamnés à de lourdes peines de prison