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Séisme en Turquie et en Syrie: à Antakya, la colère et l'abattement

Le bilan continue de s'alourdir après le séisme de magnitude 7,8 qui a frappé la Syrie et la Turquie lundi matin. À Antakya, dans la région du Hatay, l’une des plus touchées par le séisme, de nombreuses victimes sont encore sous les décombres dans l’attente des secours.

Avec notre envoyée spéciale à Antakya, Manon Chapelain

Nous arrivons en ville, lorsqu'un homme au visage couvert de sang monte dans notre voiture. Abdelkader sort de l'hôpital et souhaite retourner au plus vite voir l'immeuble sous lequel il était encore enseveli il y a quelques heures. « Notre appartement s'est effondré, dit-il. Moi, je suis resté sous la pluie trois heures et maintenant, je ne me souviens plus de rien. Je ne sais pas où est ma famille. »

Dans la voiture, il raconte l'horreur : le réveil brutal, les murs qui tremblent, la tentative de fuite, et finalement, la pénombre sous les décombres. Des secouristes sont venus l'en sortir quelques heures plus tard. Abdelkader n'arrive toujours pas à y croire. « Certains appartements détruits dans ma rue avaient moins d'un an. La manière dont les promoteurs immobiliers s'y sont pris, ce n'est pas honnête. Ils ont investi dans du mauvais matériel juste pour s'enrichir. »

Très vite, notre voiture est bloquée dans les embouteillages. Il faut finir à pied. Sur la route, les habitants tiennent tous le même discours : les secours manquent, et les autorités les ont abandonnés. « Tout le monde dit dans les journaux, "on aide la région d'Hatay", mais c'est faux, dit un homme. Personne n'a rien fait, depuis le séisme qui a eu lieu hier à 4 heures du matin, jusqu'à hier soir. Ils disent aussi qu'ils envoient des avions. Mais où sont ces avions ? Nulle part. Depuis deux jours, je n'ai ni mangé ni bu d'eau. Parce que personne ne nous aide. »

Après quelques minutes de marche, Abdelkader retrouve son immeuble, dont il ne reste rien. Mais devant les décombres, sa fille l'attend. Elle le voit au loin, éclate en sanglots, puis le prend dans ses bras. Toute sa famille est saine et sauve.

►Lire aussi : Séisme : l'aide internationale arrive en Turquie, mais comment faire en Syrie ?

« On a tout perdu »

Ce que l'on note immédiatement en arrivant à Antakya, c'est qu'énormément de bâtiments se sont effondrés. C'est même à se demander s'il n'y a pas désormais plus de bâtiments détruits que de bâtiments debout.

Selon les habitants, une grande partie des décombres n'ont pas encore été fouillées par les secours faute d'effectifs, d'où la colère de nombreuses familles de victimes. Il n'était d'ailleurs pas rare ce mardi d'en voir s'en prendre aux secouristes en leur reprochant d'être trop lents.

Beaucoup de Turcs croisés confient, on l'a vu, se sentir délaissés par les autorités. Ils ont l'impression d'être les derniers à recevoir de l'aide. Conséquence : les habitants s'organisent eux-mêmes pour aller chercher les corps encore sous les décombres.

Enfin, beaucoup de Turcs croisés en ville prennent la route du départ vers Adana, Ankara ou même Istanbul. « À quoi cela sert de rester ? Tout est fini ici », lâche un habitant qui songe au départ. L'essence commence à manquer, tout comme l'eau et la nourriture, presque devenues introuvables dans la ville.

À la base, nous vivions au 4e étage. Après le séisme, nous avons regardé dehors, et c'est comme si nous étions au premier étage. Il y avait un magasin en dessous de chez nous, et aujourd'hui, il a complètement disparu. Grâce à Dieu, toute ma famille va bien, on a réussi à s'échapper au dernier moment. Mais malheureusement, j'ai des centaines d'amis ici, et quand je regarde sur mon Instagram maintenant, la plupart sont morts, ou alors personne n'arrive à avoir de leurs nouvelles. Je suis amoureux de quelqu'un, et je ne sais toujours pas si elle est en vie ou non, je ne sais pas quoi faire. Je vais aller faire un tour pour voir mon immeuble là, et ensuite, j'irai directement voir celui de ma petite amie. Il faut que j'aille regarder, il faut que j'aille vérifier que tout va bien. On a tout perdu. Et personne ne nous aide, surtout le gouvernement. Je déteste ce gouvernement.

Le témoignage d'Ibrahim, rencontré ce jour à Antakya

Manon Chapelain