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Turquie: les grandes dates de la carrière politique de Recep Tayyip Erdogan

Le président Recep Tayyip Erdogan dirige la Turquie d’une main ferme depuis plus de vingt ans. En supprimant le laïcisme de la société turque établie par le premier président du pays, Mustafa Kemal Atatürk, l’homme fort d’Ankara utilise la religion comme fer de lance. Après des années sans véritable opposant et d’un pouvoir sans concessions, M. Erdogan est, pour la première fois, bousculé sur son trône. Lors du premier tour de la présidentielle le 14 mai 2023, il n’obtient pas la majorité absolue, ce qui le force à affronter le candidat de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu, au second tour. Retour sur quelques dates qui ont marqué le pouvoir de Recep Tayyip Erdogan depuis son entrée en politique.

1994 : les débuts à la mairie d’Istanbul

Recep Tayyip Erdogan se présente aux élections municipales sur la liste du Parti islamiste de la prospérité (Refah Partisi). Grâce à son programme de lutte contre la corruption et son engagement pour le développement des infrastructures d’Istanbul, il est élu maire de la ville. Rappelons que la Turquie est toujours un État laïque et que c’est l’armée qui veille à la régularité des institutions. Or, M. Erdogan, qui met l’islam à la première place de son discours, se trouve directement confronté à la Constitution turque. Quatre ans après son arrivée à la tête de la ville d’Istanbul, en 1998, il récite un poème religieux en public, ce qui est formellement interdit, selon la loi. Il est alors condamné à la prison pour incitation à la haine et à cinq ans d’inéligibilité.

Recep Tayyip Erdogan, maire d'Istanbul, salue ses partisans à Istanbul, le 24 septembre 1998.
Recep Tayyip Erdogan, maire d'Istanbul, salue ses partisans à Istanbul, le 24 septembre 1998. © AP Photo / Murad Sezer

2001 : libéralisme économique et islam politique modéré

L’ancien maire d’Istanbul n’abandonne pas son rêve politique à l’issue de sa condamnation. Il prend les distances avec le mouvement islamiste turc et s’engage sur la voie du libéralisme économique et d’un islam politique modéré. Il est l’un des principaux fondateurs du Parti de la justice et du développement (Adalet ve Kalkinma Partisi – AKP), attaché aux valeurs de la démocratie. 

2002 : la victoire aux élections législatives

Le parti de Recep Tayyip Erdogan, après une gigantesque campagne électorale, remporte les élections législatives avec une écrasante majorité. En attendant la fin de sa période d’inéligibilité, M. Erdogan laisse la place de Premier ministre à son bras droit, Abdullah Gül.

2003 : dans la peau de Premier ministre

Recep Tayyip Erdogan use de tout son poids politique pour obtenir l’annulation de sa peine d’inéligibilité. Le 14 mars, il est nommé nouveau Premier ministre et s’entoure d’un gouvernement qui doit travailler sur les questions économiques pour relancer le pays et, par la même occasion, réunir les conditions nécessaires pour la candidature à l’adhésion à l’Union européenne.

2007 : les pleins pouvoirs et la mort du laïcisme

En avril, le mandat du président Ahmet Necdet Sezer touche à sa fin. Recep Tayyip Erdogan souhaite que le Parlement nomme à ce poste un homme fort de son parti (AKP), en la personne de l’ancien Premier ministre Abdullah Gül. L’armée exprime immédiatement son inquiétude, car le président est, selon la Constitution, le garant de la laïcité dans le pays alors que M. Gül est l’incarnation du parti islamo-conservateur. Des manifestations géantes dans toutes les grandes villes de Turquie sont organisées. Mais après les élections législatives du mois d’août, l’AKP d’Erdogan remporte de nouveau la majorité absolue et le nouveau Parlement nomme Abdallah Gül président. C’est le premier président de la Turquie moderne issu d’un parti islamique. Les plus hauts responsables de l’armée sont accusés de tentative de coup d’État et progressivement éliminés de la scène politique. L’opposition devient quasiment inexistante, car de nombreux partis sont interdits. L’éducation se base sur le système religieux alors que les prières ou l’inégalité des sexes sont encouragées.

2013 : des manifestations contre le pouvoir

En mai, une petite manifestation engendre un mouvement partout en Turquie. Celle du mouvement écologiste – en guise de protestation contre la destruction d’un petit parc au centre-ville d’Istanbul – est réprimée par la force. Par la suite, un grand mouvement de contestation contre le pouvoir autoritaire de Recep Tayyip Erdogan s’organise et se propage pendant plus d’un mois partout dans le pays. C’est dans ce contexte qu’éclate un scandale lié à la corruption. Impliqués, plusieurs ministres ainsi que le fils de M. Erdogan démissionnent.

2014 : dans le rôle du président

Malgré les manifestations, Recep Tayyip Erdogan est élu président au premier tour du scrutin du 10 août. Il récolte 52% des voix lors de cette première élection présidentielle au suffrage universel direct. Comme les pouvoirs du président turc sont moins importants que ceux du Premier ministre, M. Erdogan souhaite modifier la Constitution.

2015 : sans majorité absolue

En juin, lors des élections législatives, pour la première fois depuis sa création, le parti AKP d’Erdogan perd la majorité absolue au Parlement. Recep Tayyip Erdogan doit reporter son projet de modification de la Constitution. Lors des élections que l’AKP organise de nouveau en novembre, le parti remporte enfin la majorité absolue. En juillet, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et l’armée turque rompent le cessez-le feu décrété en 2013. Les combats avec le mouvement séparatiste kurde, qui ont fait plus de 40 000 victimes depuis 1984, reprennent alors que les grandes villes sont la cible de plusieurs attentats terroristes revendiqués par le PKK ou le groupe État islamique.

2016 : un coup d’État raté

En mars, Recep Tayyip Erdogan et l’Union européenne concluent un accord en pleine crise des réfugiés en provenance de Syrie. Cet accord permet de réduire le nombre de migrants en Europe.

Dans la nuit du 15 au 16 juillet, une faction de l’armée tente un coup d’État. L’aéroport d’Istanbul et les ponts sur le Bosphore sont bloqués par des chars et les putschistes prennent la télévision d’État. Dans les affrontements, plus de 250  personnes perdent la vie. Le pouvoir accuse le prédicateur Fethullah Gulen, qui vit en exil aux États-Unis, d’être à l’origine du putsch. Erdogan instaure l’état d’urgence et profite de la crise pour mettre le pays sous contrôle. La fin de l’année 2016 est marquée par des purges dans de nombreuses institutions de l’État (armée, justice, services de sécurité, éducation, médias, entre autres).

Les policiers se tiennent sur l’un des véhicules blindés de l'armée après que les troupes impliquées dans le coup d'Etat se sont rendus sur le pont du Bosphore à Istanbul, le 16 juillet 2016.
Les policiers se tiennent sur l’un des véhicules blindés de l'armée après que les troupes impliquées dans le coup d'Etat se sont rendus sur le pont du Bosphore à Istanbul, le 16 juillet 2016. REUTERS/Murad Sezer

2017 : les pouvoirs renforcés

Recep Tayyip Erdogan organise un référendum sur la réforme de la Constitution. Le projet est adopté à une courte majorité, avec51% des voix pour. Ainsi, Erdogan s’octroie les fonctions du président, du chef des armées et du gouvernement, car la fonction de Premier ministre est supprimée.

2018 : la réélection

Le premier tour de l’élection présidentielle est organisé en juin. Recep Tayyip Erdogan compte aussi sur les voix du Parti d’action nationaliste (MHP), un parti d’extrême droite avec lequel il a formé une coalition. Grâce aux 52,6% des voix obtenues au premier tour, il est élu et élimine ainsi son principal opposant, Muharrem Ince. L’ensemble de la communauté internationale ainsi que l’opposition ont dénoncé des conditions inégales lors de la campagne électorale : médias favorables à M. Erdogan, mobilisation de la religion à des fins politiques… Parallèlement, l’économie turque commence à faiblir et le taux d’inflation bat des records.

2023 : l’incertitude

Malgré la crise économique, Recep Tayyip Erdogan remonte dans les sondages avant l’élection présidentielle du 14 mai.

Or, le 6 février, un puissant séisme frappe la Turquie et surtout les régions où le président turc compte un large soutien. Pour l’opinion publique, le grand nombre de victimes du séisme (plus de 50 000) est la conséquence d’une mauvaise politique de l’État sur le plan de la prévention et d’une réglementation de construction d’habitations pas assez claire et facilement contournée par la corruption. La popularité de Recep Tayyip Erdogan s’effondre, alors que le principal candidat de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu, profite de cet élan de contestation. Pour la première fois, lors du premier tour de la présidentielle, M. Erdogan n’obtient pas la majorité absolue. Il est contraint au second tour dont l’issue est incertaine.

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Recep Tayyip Erdogan, candidat à sa réélection après vingt ans au pouvoir, semble menacé pour la première fois par un rival, Kemal Kiliçdaroglu. Le 13 mai 2023.
Recep Tayyip Erdogan, candidat à sa réélection après vingt ans au pouvoir, semble menacé pour la première fois par un rival, Kemal Kiliçdaroglu. Le 13 mai 2023. © AP Photo / Emrah Gurel