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Explosion à l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza : qu’apporte l’enquête du «New York Times» ?

Plus d’une semaine après l’explosion meurtrière dans l’enceinte de l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza City, de nombreuses questions demeurent en suspens. Au lendemain de la frappe, comme l’écrivait CheckNews, la majorité des experts et des chercheurs en sources ouvertes penchaient, sans être conclusifs, vers un tir raté palestinien. Notamment en raison des images du site touché considérées comme peu compatibles avec une frappe aérienne israélienne. Cette hypothèse a été partagée les jours suivants par de nombreux médias (le Monde, Wall Street Journal, l’agence AP, la BBC, CNN).

Ce 25 octobre, le New York Times a publié une enquête visuelle «examinant» les «principaux éléments de l’explosion de l’hôpital de Gaza», et amenant de nouveaux éléments, qui sans trancher le débat sur la responsabilité de la frappe, mettant à mal les hypothèses de plusieurs confrères, ainsi que certaines affirmations de l’armée israélienne.

Israeli and U.S. intelligence officials believe that a projectile captured on videos shortly before the Ahli Arab Hospital explosion was a Palestinian rocket.@nytimes Visual Investigations found that this object was launched from Israel, and likely unrelated to the deadly blast. pic.twitter.com/zW35bLQBt0

— Aric Toler (@AricToler) October 25, 2023

L’article se focalise, à partir de différentes vidéos, sur la trajectoire d’un projectile visible dans les images d’Al-Jezira, et qui explose dans les airs quelques secondes avant la déflagration sur l’hôpital.

Depuis le début, ce projectile est au cœur de différentes hypothèses, établissant pour la plupart un lien de causalité entre son explosion dans le ciel gazaoui, et celle de l’hôpital quelques secondes plus tard. La majorité des enquêtes avaient émis l’hypothèse d’un projectile palestinien (la scène ayant lieu quelques secondes après un tir de barrage depuis Gaza) connaissant un problème en vol, et retombant sur l’hôpital.

Full recording from @ajmubasher feed.

You can see outgoing rocket fire some distance away. The rocket is intercepted in the air, and breaks apart into shrapnel.

After this 2 explosions are seen: one smaller one, perhaps on the rocket launcher, and a big one on the hospital. pic.twitter.com/upR4Dnrvsq

— Yousuf (@yousuf_tw) October 17, 2023

Comme le pointe le New York Times, c’est aussi l’analyse faite par Israël. Les forces armées du pays l’ayant brandie trois fois (ici, ici et ici) sur Twitter, et plusieurs fois face à des médias (BBC, CNN, India Today).

Face aux questions de CNN, le porte-parole des forces armées israéliennes Peter Lerner rétorquait ainsi, capture écran de la vidéo imprimée dans ses mains : «Vous me demandez des preuves, vous n’avez pas besoin d’avoir des preuves de ma part. Tout ce que vous avez besoin de faire c’est de changer [de chaîne] sur Al-Jezira qui l’a diffusée en live. Et vous pouvez le voir […] ils ont diffusé [en live] la roquette frappant la bande de Gaza. Donc si vous voulez des preuves, vous ne voulez pas vraiment de preuves.»

C’est cette affirmation que bat doublement en brèche le New York Times. Le quotidien américain affirme d’abord que le projectile largement identifié comme responsable de l’explosion provient d’Israël… et non de Gaza. Mais le média affirme aussi que ce «missile visible dans la vidéo n’est probablement pas ce qui a causé l’explosion de l’hôpital. Il a en fait explosé dans le ciel approximativement 2 miles (environ 3,2 kilomètres) plus loin». En somme, cette vidéo largement utilisée pour étayer l’hypothèse d’un tir raté côté palestinien ne démontrerait en fait rien de tel. A noter que cette même analyse avait été formulée ces derniers jours par différents analystes en sources ouvertes comme Oliver Alexander et Archie, puis a posteriori par le Monde (reprenant et confirmant les travaux du premier cité) quelques heures après la publication américaine.

Le New York Times souligne par ailleurs que des bombardements israéliens semblaient avoir lieu dans la zone au moment de l’explosion dans la cour de l’hôpital, comme l’avait déjà soulevé Al-Jezira, qui recensait quatre frappes entre 18 h 54 et 18 h 58.

Néanmoins, comme le dit très clairement le quotidien américain, et contrairement à ce que certains ont pu comprendre, l’enquête du New York Times ne pointe pas une responsabilité d’Israël. Pas plus qu’elle n’affirme le contraire. «Les découvertes du New York Times ne montrent pas ce qui a causé l’explosion de l’hôpital Al-Ahli Arabi, ou qui est responsable, écrit le quotidien. L’affirmation des services de renseignement israéliens et américains selon laquelle un tir de roquette palestinien raté est à blâmer reste plausible. Mais l’analyse du New York Times jette un doute sur l’un des éléments de preuve les plus médiatisés que les responsables israéliens ont utilisés pour défendre leur version et complique le récit unilatéral qu’ils ont mis en avant.»

«Le missile s’est dissous comme du sel dans l’eau»

L’hypothèse d’un tir raté palestinien ne reposait pas uniquement sur cette vidéo dont le NYT – avec d’autres analystes – conteste l’interprétation. Comme l’ont soulevé depuis le début différents spécialistes dans l’analyse de frappes, les traces laissées au sol (notamment le cratère) ne correspondent pas aux bombes aériennes israéliennes et suggèrent un projectile ayant une faible charge explosive.

Mais seule une analyse des fragments du projectile ayant généré l’explosion permettrait d’être déterminant. Or, aucun débris n’a été retrouvé sur le site. «Le missile s’est dissous comme du sel dans l’eau», a déclaré l’officiel du Hamas Ghazi Hamad dans un autre article du New York Times le 22 octobre. «Il est vaporisé, il ne reste rien.» Une affirmation qui a amené le spécialiste dans l’analyse de frappe Marc Garlasco à expliquer sur Twitter : «lorsque j’enquête sur le site d’un crime de guerre potentiel, la première chose que je fais, c’est de localiser et d’identifier les pièces de l’arme. L’arme permet de savoir qui a fait le coup et comment. Je n’ai jamais vu un tel manque de preuves matérielles pour une arme sur un site. Jamais. Il y a toujours un morceau de bombe après coup. En vingt ans d’enquêtes sur les crimes de guerre, c’est la première fois que je ne vois aucun reste d’arme. Et j’ai travaillé sur trois guerres à Gaza.»