Burundi
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Le CNL s’autodétruit

« Vuta n’kuvute », disent les swahiliphones quand des individus se livrent à un bras de fer. Il est rare que le journal Iwacu publie deux éditions successives sur une même affaire. Normalement, « un événement chasse l’autre ». Mais l’exception confirme la règle. Depuis plusieurs mois, une crise profonde secoue le bureau politique du Congrès national pour la liberté, CNL, première formation d’opposition. Les épisodes de ce tumulte sont longs et nombreux pour y revenir dans ces quelques lignes.

Pour faire bref, Agathon Rwasa a pris la décision de suspendre 11 personnalités, dont 10 députés, de leurs fonctions de membres de l’organe national de ce parti jusqu’à nouvel ordre. Elles sont accusées de dissidence. Réponse du berger à la bergère : une semaine après leur suspension, ces députés suspendent à leur tour Agathon Rwasa de la tête du parti et de la représentation légale. Il est accusé notamment de comploter contre les organes du parti. Une épreuve de force ? Non. Un chaos, une pagaille.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

A qui profite cette crise au sein du premier parti d’opposition ? La question est sur toutes les lèvres. Les premiers perdants sont les « anciens » responsables du CNL. « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots », dixit Martin Luther King. Un dialogue franc et sincère, une autocritique ont été visiblement absents.

Ils auraient pu régler leurs différends au sein même du parti. « Le linge sale se lave en famille », dit-on. C’est dans la confrontation des idées qu’ils pouvaient trouver des solutions meilleures. Ni Rwasa, ni les dix députés, personne ne sortira fort de cette autodestruction.

Pour le premier, quoique populaire au niveau de son électorat, il lui sera difficile de créer un autre parti politique avant les élections. Le passage du FNL au CNL n’a pas vraiment entaché sa popularité, selon plusieurs analystes. Les décideurs- pour ne pas dire ses adversaires- en sont conscients. Les seconds, censés être les élus du peuple, ne sont pas vraiment connus- Avec le système de la liste bloquée, on élit le parti et non les individus.

Il me semble qu’avec cette descente aux enfers du CNL, le parti au pouvoir, le CNDD-FDD doit être en train de se frotter les mains. On vient de lui faciliter la tâche. « La victoire du CNDD-FDD aux élections de 2025 est « cash », en poche. Elles sont gagnées d’avance comme une lettre à la poste parce qu’il n’y a rien en face », estime un lecteur d’Iwacu. Vu sous cet angle, ils ont peut-être raison.

Toutefois, le Burundi a opté pour la démocratie. L’opposition, de préférence organisée, est une composante utile et nécessaire de la démocratie, notamment pour garantir que le gouvernement mène ses activités de manière transparente et responsable, dans l’intérêt du peuple. Avec une opposition émiettée, qui osera lever le petit doigt pour dénoncer, critiquer ? La démocratie hypothéquée ? Le risque est réel.