Burundi
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Pénurie d’eau : un casse-tête

De la Mairie de Bujumbura en province Cibitoke en passant par les provinces Gitega Rumonge, l’accès à l’eau potable est problématique. La population ne sait plus à quel saint se vouer. Où se situe le problème alors que la ville de Bujumbura se trouve au bord du lac Tanganyika, un grand réservoir planétaire d’eau douce ? Le ministère en charge de l’Hydraulique reconnaît cette carence d’eau potable. Pour y faire face, les investissements privés dans ce secteur s’avèrent nécessaires. Quant à la Regideso, elle prévoit d’investir 60 milliards de BIF dans le secteur pour l’année 2023-2024.

Un dossier réalisé par le Magazine Jimbere, le Journal Iwacu, Burundi Eco et Yaga Burundi

Mairie de Bujumbura : Les citadins dans la désolation

Plusieurs quartiers de la municipalité de Bujumbura font face à des pénuries récurrentes d’eau potable. Certains viennent de passer des semaines voire des mois sans une goutte d’eau dans leurs robinets. Les habitants alertent et exhortent la Regideso à agir.

Il est midi vendredi 22 septembre au quartier Muyaga, zone urbaine de Gihosha, commune Ntahangwa. Ce quartier de la périphérie de la ville fait face à un manque criant d’eau potable. Des robinets sont à sec depuis plusieurs semaines. Des domestiques et autres habitants font des navettes à la recherche de l’eau. C’est leur quotidien. Au moment où le choléra refait surface en mairie de Bujumbura, la population est dans le désarroi. « Pour la prévention, on a besoin d’eau potable pour se laver les mains et faire l’hygiène dans les ménages. Mais, tout cela n’est pas possible au moment où nous passons trois semaines sans eau potable. On nous a tout simplement abandonné », se lamente une habitante de ce quartier Muyaga.

Selon elle, les habitants de ce quartier doivent sillonner différents quartiers à la recherche d’eau potable : «Nous achetons un bidon à 1000 BIF ». Elle prévient que plusieurs familles risquent d’être victimes de choléra, si la Regideso ne distribue pas immédiatement d’eau potable dans cette localité : « L’hygiène n’est plus possible dans une telle situation. Impossible d’assurer l’hygiène d’une toilette à siège avec seulement 10 litres d’eau pendant toute la journée. Il faut s’attendre au pire ».

Selon Protais Ndayisaba, chef de cellule de Muyaga, certains habitants de cette localité font recours à des eaux insalubres des rivières, ce qui est parmi les causes du choléra. Il confie que certains robinets publics ne fonctionnent plus depuis presque une année : « Les robinets opérationnels sont secs. Des familles disposant des robinets dans les ménages n’ont pas aussi d’eau. C’est une désolation totale pour plus de 1 000 familles habitant dans ce quartier ».

Les habitants se rabattent sur l’eau des rivières

Quartier Muyaga, en zone Gihosha, une borne-fontaine à sec depuis presque une semaine

La pénurie est également très prononcée dans les quartiers Taba, Nyabagere, Winterekwa. Dans le quartier Taba, cellule V, la situation est déplorable. « Aucune goutte d’eau depuis bientôt deux semaines.  L’eau potable est aussi rare que l’or », décrit A.B., un habitant de la localité.  Ce père de six enfants indique que leur santé est en danger : « Nous craignons pour notre santé et celle de nos familles. Il y a un risque élevé de résurgence des cas de maladies des mains sales. Malheureusement, le constat est que la réponse n’est pas pour demain. Aujourd’hui, au lieu de se concentrer sur l’eau, voilà que la Regideso sert du carburant. Une mission qu’elle remplit difficilement. » Et ce taximan d’ajouter : « Chaque jour, j’utilise 10 bidons de 20 litres. Cela équivaut à 5.000 BIF par jour. » Or, souligne-t-il, dans les conditions normales, cet argent aurait été utilisé pour satisfaire d’autres besoins.

La rivière Nyabagere est devenue une source d’approvisionnement. Selon les habitants, l’eau de cette rivière est sale mais, ils n’ont pas d’autres choix. Pour ceux qui n’ont pas d’argent, ils utilisent l’eau de la rivière Nyabagere pour la cuisson, le nettoyage, la lessive. Les enfants en boivent avec le risque d’attraper les maladies des mains sales. Il y a une autre catégorie de gens qui est obligée de parcourir de longues distances (environ 3km) pour transporter de l’eau sur la tête, les vélos ne circulant pas dans le quartier.

Avec la rentrée scolaire, la situation est insupportable dans les écoles. Les élèves et le personnel de certains établissements sont dans le désarroi. L’Ecole fondamentale Nyabagere I, Gasenyi I et L’Ecole fondamentale Winterekwa sont durement touchées. Dans les toilettes, ils utilisent l’eau puisée dans la rivière Nyabagere. Cette situation inquiète plus d’un, car il y a beaucoup d’élèves qui ont besoin d’eau potable tout le temps et en quantité suffisante.

Même situation en zone Kamenge de la commune Ntahangwa. « Nous n’avons pas d’eau, que ce soit dans les robinets publics ou dans les ménages. Pour en avoir, nous devons aller dans les quartiers Gikizi ou Heha », témoigne Jeanne Ndayisaba, une habitante du quartier Mirango I, zone Kamenge. Cette situation vient de durer plusieurs semaines. Elle précise que pour un bidon de 20 litres, on doit débourser 100 BIF. Et quand on utilise un taxi-vélo, détaille-t-elle, tu dois donner 500 BIF pour un seul bidon. Pour une seule journée, elle indique qu’elle dépense entre 6.500 BIF et 7.000 BIF. Pour d’autres services liés à l’hygiène, les habitants se rabattent sur les eaux souterraines. « Beaucoup de familles ont creusé des puits. On y puise de l’eau qui n’est pas propre. Mais, on l’utilise pour le lavage des ustensiles de cuisine, les toilettes, etc. »

Les quartiers des zones Cibitoke et Ngagara sont également concernés. Pour certains, l’eau est disponible seulement pendant la nuit et dure moins de 30 minutes. Cette pénurie d’eau potable a un impact négatif sur le business. Les propriétaires des cabarets et des restaurants ne savent plus à quel saint se vouer. Ils s’approvisionnent en eau potable dans les autres quartiers moyennant de l’argent.

Les quartiers du centre de la mairie de Bujumbura enregistrent moins de pénuries d’eau. Il s’agit notamment des quartiers des zones Nyakabiga, Bwiza et Rohero. Dans ces localités, il peut y avoir des coupures d’eau potable mais très rarement selon les témoignages des habitants. « Nous ne sommes pas totalement épargnés de cette problématique mais, nous sommes moins impactés », explique un habitant du quartier Nyakabiga.

Les quartiers sud de Bujumbura ne sont pas épargnés
Il est 10 h 30 min ce lundi 25 septembre à Musaga, au sud de la ville de Bujumbura. Le robinet public de la 1ère avenue est à sec. Certains usagers attendent le retour d’eau et ils ont déjà aligné leurs bidons par ordre d’arrivée. Pour eux, c’est le calvaire de tous les jours depuis presque deux mois. Un bidon de 20 litres est vendu à 50 BIF sur le robinet et à 500 BIF s’il est livré à la maison. D’après eux, ils sont obligés de se rendre à Gasekebuye pour trouver de l’eau potable. Comme conséquence, des domestiques abandonnent le travail. Ils n’acceptent pas de parcourir de longues distances car c’est très fatigant pour eux.

C’est la même situation à la 2ème avenue, les robinets sont également à sec. Des fois, l’eau revient durant la nuit vers 2 heures du matin. A la 3ème avenue par contre, l’eau du robinet public coule 24h/24h. Seulement, la quantité se réduit de temps en temps. Ce robinet est alors envahi par beaucoup d’habitants de la zone. « Il y a même des gens qui viennent en voiture pour puiser ici. Du coup, les files d’attente deviennent longues », témoigne un habitant de Musaga.
Même son de cloche pour un domestique du quartier Kinanira II qui dit être fatigué à parcourir plusieurs quartiers pour chercher de l’eau potable dans des bidons.

Les habitants du quartier Kizingwe de la zone Kanyosha, au sud de la ville de Bujumbura, vivent depuis plus d’une semaine sans eau potable. La pénurie semble s’éterniser. Ils craignent pour leur santé et demandent à la Regideso de résoudre ce problème avant qu’il y ait irruption des maladies liées au manque d’hygiène.
«Les cyclistes font du business avec leurs vélos et vendent de l’eau dans le quartier. Un bidon de 20 litres s’achète entre 1000 à 1500 BIF. Ce n’est pas tout le monde qui peut s’en procurer. Faute de moyens, certains habitants utilisent les eaux des rivières », déplore J.M. résidant du quartier de Kizingwe.

Les habitants de la mairie de Bujumbura invitent les autorités compétentes à trouver des solutions à cette problématique qui menace la santé des citadins.

Jérémie Misago

Rumonge : Les habitants de Makombe craignent les maladies des mains sales

Les victimes de la montée des eaux du lac Tanganyika relogées dans le nouveau village de Makombe sur la colline Mutambara en commune de Rumonge font face à un manque criant d’eau potable. Craignant d’attraper des maladies des mains sales, ces victimes demandent que leur village soit alimenté en eau potable. L’administrateur communal de Rumonge leur demande d’aller puiser de l’eau potable sur les robinets se trouvant aux alentours de leur village en attendant l’alimentation en eau potable de leur village.

Vue partielle du village des victimes de la montée du lac de Makombe

Situé à la sous-colline Makombe, colline Mutambara en commune de Rumonge, le village des victimes de la montée du lac Tanganyika compte plus de 180 ménages et vivent dans des maisons montées en bâches et couvertes de tôles. La principale préoccupation de ces habitants est le manque criant d’eau potable. D’après eux, ils parcourent plus de 2 km pour atteindre un robinet. N.A, une femme résidant dans ce village, indique qu’il y a deux robinets à eau potable qui se trouvent à plus de 2 km et ils les partagent avec la population de la sous-colline Makombe. « Nous pouvons passer plus de 2 heures de temps à attendre sur les files. »

« Crainte d’attraper le choléra »

Une sexagénaire veuve vivant dans ce village indique que le choléra refait surface dans la ville de Rumonge où un cas a été déjà enregistré en commune de Rumonge. D’après elle, ceux qui habitent ce village risquent d’attraper la maladie à cause du manque d’eau. Un autre habitant du village indique que certaines personnes se rabattent sur une eau puisée dans des forages de fortune avec toutes les conséquences que cela comporte. Il craint lui aussi l’apparition des maladies liées au manque d’hygiène comme le choléra. Il demande qu’un camion-citerne puisse approvisionner chaque jour ce village en eau potable. De plus, les habitants de ce village demandent à ceux qui ont construit ce village de penser à y installer des infrastructures de base dont l’eau potable.

Augustin Minani, administrateur de la commune de Rumonge indique que le problème est connu et demande à ces habitants d’aller chercher l’eau potable dans les robinets qui se trouvent aux alentours de leur village en attendant l’approvisionnement en eau potable de ce village.

Sachez que le village de Makombe en commune de Rumonge héberge plus 180 familles victimes de la montée de l’eau du lac Tanganyika de ces dernières années et ces abris provisoires ont été construits par l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Félix Nzorubonanya, Iwacu

Gitega : L’eau potable entre dans les denrées rares de première nécessité

Dans plusieurs quartiers de la ville de Gitega, l’eau de la Regideso n’est pas toujours disponible. Aucun quartier n’est à l’abri d’une coupure. Ces pénuries régulières sont devenues des gagne-pains des taxi- vélos et autres personnes sans emploi.

File d’attente sur un robinet public ce lundi matin au quartier Magarama

Dans les quartiers, il faut toujours être sur ses gardes. Les plus prévoyants se munissent toujours des bidons de 100, 50 et 20 litres pour stocker cette eau qui peut devenir rare à tout moment. On ne peut pas dire qu’il y’a une rupture qui dure longtemps mais 2 journées ou 12 h peuvent passer sans que l’eau ne coule dans les robinets. C’est devenu une habitude à Gitega car au fur et à mesure que les quartiers s’agrandissent, l’eau potable diminue et les plus éloignés du centre-ville sont les moins servis.

Dans les quartiers populaires comme Magarama, Nyamugari, Yoba, Gahera dans lesquels tous les ménages ne possèdent pas des robinets dans leurs parcelles, les habitants se débrouillent en allant faire la queue sur des robinets publics. Pendant la période de pénurie, ils sont les premiers à souffrir. « Au moment où les autres peuvent en avoir durant les heures avancées de la nuit, nous devons attendre le matin quand les gestionnaires de ces robinets sont sur place pour puiser. », confie une habitante du quartier Yoba.  Et là, il faut être chanceux car, souvent ils rentrent bredouille malgré des heures passées sur de longues files d’attente.

« Quand les uns se lamentent qu’ils ne dorment pas pour ne pas rater l’arrivée de l’eau, nous le prenons pour de la chance. Chez nous, il faut toujours payer un taxi-vélo pour qu’il t’amène 5 bidons à 2500 BIF », charge Caroline du quartier Magarama. D’après cette mère de famille, la recherche de l’eau ne peut pas incomber à la seule domestique qu’elle a. D’après elle, elle doit se munir de 3000 BIF par jour pour avoir de l’eau potable chez elle sinon l’utilisation de l’eau sale pour la cuisine et la vaisselle reste la seule solution.

Même son de cloche chez Audace du quartier Nyabiharage. D’après lui, même si ce n’est pas tout le quartier, il arrive qu’il passe deux jours sans l’eau de la Regideso dans le robinet chez lui. « Quand nous nous adressons à la Regideso, c’est toujours la même réponse : l’eau est insuffisante peut-être que pendant la saison des pluies nous en aurons plus et vous serez tous servis ! »

L’eau de la Regideso ne suffit plus pour tout Gitega

Pendant les périodes de faibles précipitations, cette seule société qui fournit l’eau potable se retrouve à l’épreuve de l’incapacité de répondre à la demande d’une population en pleine urbanisation. Les habitants de la ville de Gitega peuvent ne pas avoir accès à l’eau pendant plusieurs jours ou alors seulement quelques minutes par jour. La population des quartiers périphérique se débrouille avec l’eau des ruisseaux et bornes fontaines. Cependant, ces ressources sont menacées par la surexploitation et la pollution.  « Lorsque les tuyaux sont à sec pendant toute une semaine, la seule option est le recours à l’achat chez les taxis-vélos ou le marigot », déplore Donatien de la 2ème Avenue de Gahera, sous-quartier de Magarama appelé communément quartier Place.

La recrudescence des vols des compteurs d’eau dans les ménages participe à cette pénurie d’eau potable. Une information confirmée par les services de la Regideso à Gitega fait état de plus de 10 compteurs volatilisés au quartier Magarama dans ce seul mois de septembre 2023. Comme des sources au sein de la Regideso nous l’ont confirmé, la pénurie d’eau potable peut avoir différentes causes : les pics de consommation d’eau, les pannes, l’augmentation de la densité de la population, le manque d’équipements comme les tuyaux et compteurs, … Les autorités régionales de la Regideso n’ont pas été disponibles pour plus d’amples informations.

Jean Noël Manirakiza, Iwacu

Rugombo : La situation est préoccupante

Au moins, 7 collines sur 17 que compte la commune Rugombo de la province Cibitoke sont concernées par la pénurie d’eau. Les services d’hygiène alertent sur d’éventuels cas de maladies des mains sales. L’augmentation du débit d’eau et l’exploitation de nouvelles sources d’eau sont envisagées.

La population de la colline Mparambo I utilise l’eau de la rivière Nyakibanda qui n’est pas propre

Les collines les plus touchées sont Mparambo I et II, Rukana I et II, Rusiga, Kagazi et Gabiro-Ruvyagira de cette commune de la province de Cibitoke. Cette situation de déficit d’eau est accentuée pendant la saison sèche suite à la baisse du niveau d’eau à travers tous les points de captage.

Dans un tel contexte, les habitants de ces collines font recours à l’eau sale des rivières Nyakagunda et Nyamagana. « L’usage de cette eau comporte des risques élevés de contamination de diverses maladies des mains sales », prévient un spécialiste de la santé publique. Selon lui, ces endroits sont considérés comme des foyers de la dysenterie bacillaire et du choléra depuis belle lurette. Il ajoute que tous les canaux d’irrigation d’eau qui s’y déversent, contiennent des acides issus des engrais et divers produits sanitaires. « Le risque de diverses maladies très mortelles y compris les cancers et d’autres infections pulmonaires n’est pas à écarter. »

Des actions en cours

L’administration locale et la Regideso se dit préoccupées par cette pénurie d’eau dans cette commune. La Regideso indique avoir entamé des études pour l’augmentation du débit à travers le renouvellement et l’extension de ses installations accompagnés par la mise en valeur de nouvelles sources.

Toutefois, le responsable de la Regideso dans la province de Cibitoke conseille aux habitants d’utiliser et gérer en bon père de famille l’eau disponible. D’après lui, l’agrandissement de la ville de Cibitoke n’est pas proportionnel aux ressources en eau potable dans la province.

Jackson Bahati, Iwacu

Bujumbura : l’eau potable se raréfie alors que la principale source déborde

Pénurie, manque, insuffisance, coupure, …, très difficile aujourd’hui d’avoir un terme approprié pour décrire ce que vivent les habitants de Bujumbura en ce qui est de l’eau potable. Une situation incompréhensible au moment où la ville de Bujumbura se trouve au bord du lac Tanganyika, un grand réservoir planétaire d’eau douce. Qu’est-ce qui ne va pas ?

En 2018, avec une population de plus de 750.000 habitants, cette entreprise paraétatique parvenait à fournir 61.500 m3 par jour sur une demande globale de plus de 110.000 m3

Albert Mbonerane, ancien ministre de l’environnement, trouve que c’est un vrai problème. « Et ce qui dérange, c’est que la Regideso ne s’exprime pas sur cette situation pour en connaître la cause. » Il signale que pour les régions rurales, on peut peut-être dire que les sources tarissent. « Mais pour la ville de Bujumbura, 80% de l’eau consommée provient du Lac Tanganyika. Est-ce que cela serait lié au manque d’énergie suffisante pour charger les réservoirs ? », se demande-t-il.  D’après cet environnementaliste, une question mérite une réponse de la Regideso : « Quelle est la place du client ? Avoir accès à l’eau est un droit humain. »

Des causes internes et externes à la Regideso

I.K, un ancien cadre de la Regideso estime que les causes d’une telle situation sont endogènes et exogènes. D’abord, il parle d’une mauvaise gestion de la Regideso. « En fait, cette entreprise est gérée comme toutes les autres entreprises para étatiques. Un personnel pléthorique, vol, détournement, etc. Et dans ces conditions, c’est impossible qu’une entreprise progresse. »

D’après lui, il suffit de voir le nombre du personnel qui est de 1200 actuellement voir plus. Et cela entraîne, selon lui, une masse salariale qui dépasse les entrées. A la base de cette augmentation démesurée du personnel se trouve le clientélisme, décortique-t-il : « Des jeunes gens y sont engagés parce qu’ils ont des liens familiaux avec tel ou tel autre cadre, ou parce qu’ils sont membres d’un tel ou tel autre parti politique. »

Il évoque aussi la question de gestion des équipements, du matériel de cette entreprise. Cet ancien cadre de la Regideso rappelle des cas de vols des câbles, des tuyaux, … qui sont souvent signalés dans cette entreprise. « Et vous allez constater que les auteurs sont des employés de cette entreprise. » Au cours de l’exercice 2021, le ministère des Finances a indiqué que la dette de la Regideso s’élevait à 30 945 421 871 BIF.

Il ajoute aussi la question de la pollution des eaux du lac Tanganyika. « Si je ne me trompe pas, aujourd’hui, ils sont obligés de faire plus de 3 km pour le captage d’eau. Ce qui entraîne des dépenses énormes en ce qui est de l’équipement, du matériel, … » Pour lui, la Regideso devrait installer un ou deux autres points de captage pour bien servir la ville de Bujumbura. « De préférence, un point de captage vers Kabezi serait très utile. Parce que là, l’eau n’est pas polluée. Le sud de Bujumbura serait totalement servi et en permanence. »

Alors que des lamentations fusent de partout, sur le site web de la Regideso, dans sa partie Mission et Vision, on écrit que pour obtenir de l’eau, il suffit d’ouvrir le robinet de nos maisons.

Et du côté gouvernement, on reconnaît que des problèmes existent mais on n’accepte pas certaines réalités : « Je ne peux pas accepter l’idée qu’il y a certains quartiers à Bujumbura qui peuvent passer toute une semaine sans eau. En vérité, cela n’est pas possible », a déclaré Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des mines. Il répondait à une question d’un journaliste, lors de la récente émission publique des porte-paroles des institutions à Muramvya. Reconnaissant quand même que la quantité d’eau potable reste insuffisante, il a promis à cette occasion que le gouvernement est à l’œuvre pour augmenter la production en eau potable.

Un nouveau plan qui tarde à produire des effets

Cela fait déjà trois ans qu’un nouveau plan directeur d’alimentation en eau potable en mairie de Bujumbura ait été élaboré par la Regideso, et ce, en collaboration avec le Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Avec un montant de 88 millions de dollars américains, ce plan prévoyait qu’en 2030, la ville de Bujumbura sera suffisamment alimentée en eau potable.

Le même plan indique qu’en 2020, le réseau d’eau potable en marie de Bujumbura, comportait près de 1000 km de conduits, environs 25 réservoirs, 33 stations de pompage et deux stations de traitement, avec quelques pompes hors services, réduisant ainsi la capacité de certaines stations de pompage.

Avec un déficit de 45%, la Regideso a déjà prouvé son incapacité à satisfaire la demande grandissante en eau potable.

A titre illustratif, en 2018, avec une population de plus de 750.000 habitants, cette entreprise paraétatique parvenait à fournir 61.500 m3 par jour sur une demande globale de plus de 110.000 m3. Donc, elle ne fournissait qu’autour de 55% de la demande.

La Regideso a été créée en 1962. Et le dernier schéma directeur d’alimentation en eau potable datait de 1981 et avait été mis à jour en 1997.

Gabriel Sana, Jimbere

Eau potable en mairie de Bujumbura : Toujours un long chemin à faire

Le ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines reconnait la carence d’eau potable en mairie de Bujumbura. Il estime à plus de 30% la perte de la production d’eau potable par jour. Pour y faire face, les investissements privés dans ce secteur s’avèrent une nécessité

Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines : « Les investissements dans le domaine de la distribution de l’eau potable exigent beaucoup de moyens »

Selon Léonidas Sindayigaya, porte-parole du ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, l’eau potable est un produit qui constitue un grand défi pour le faire parvenir à la population. Cela dans la plupart des pays.

« Les investissements dans le domaine de la distribution de l’eau potable exigent beaucoup de moyens. Ce qui fait que les investisseurs privés sont moins intéressés par ce secteur. Celui-ci n’est pas productif en termes de rentabilité », indique M. Sindayigaya avant de reconnaître qu’à Bujumbura, capitale économique, comme partout ailleurs dans le pays, on constate une carence d’eau potable.

Toutefois, renchérit-il, des efforts sont en train d’être fournis à Bujumbura comme dans les autres centres urbains du pays. Cela malgré le budget insuffisant et l’augmentation de la population en besoin d’eau potable.

Des changements avant la fin de cette année à la Regideso

Face aux défis auxquels fait face la Regideso, notamment les équipements vétustes, la faible production d’eau potable par rapport à la demande, les problèmes liés au recouvrement des arriérés, le porte-parole du ministère en charge de l’hydraulique précise que les partenaires ont déjà promis de contribuer au redressement de la Regideso.

« On envisage de séparer le secteur de l’eau potable et le secteur de l’électricité à la Regideso. Par ailleurs, il y aura pas mal de changements dans cette institution », annonce M. Sindayigaya avant d’indiquer qu’une étude a été faite à cet effet et qu’il y a également des exigences des partenaires comme la Banque Mondiale (BM) jusqu’ici attendus.

Les partenaires vont appuyer également sur la mise en place de la loi sur l’organisation de la distribution de l’eau potable. « Celle-ci est toujours dans l’avant-projet et reste une préoccupation du ministère. Ce qui contribuera à l’amélioration de la distribution de l’eau potable », informe-t-il.

Sindayigaya fait remarquer que la seule alternative pour le réseau vétuste de la Regideso est de remplacer les tuyauteries et de réhabiliter les canalisations. Pour lui, les pertes sur le réseau dépassent 30% de la production journalière d’eau potable. D’où il serait mieux de les réduire et de rester dans les limites acceptables de 20%.

« Au début de l’année 2023, l’eau potable produite par la Regideso est estimée à 150 mille m3 par jour. Bien qu’il soit difficile de connaître les besoins en eau potable de la Regideso nécessaire pour alimenter la population, la quantité pourrait être projetée à 200 mille m3 par jour », fait-il savoir.

Des avancées dans le secteur de l’eau

Sindayigaya témoigne que des avancées sont enregistrées dans le secteur de l’eau potable. « La Regideso prévoit investir 60 milliards de BIF pour l’année 2023-2024 dans le secteur de l’eau potable », signale-t-il avant d’aviser que même au niveau des petits centres du milieu rural, l’Agence Burundaise de l’Hydraulique et de l’Assainissement en Milieu Rural (AHMER) prévoit 12 à 15 milliards de BIF chaque année pour construire les adductions d’eau.

Pourtant, confirme-t-il, la quantité d’eau potable reste insuffisante. Pour le cas des villes installées à Bujumbura-mairie et des autres villes installées le long du lac Tanganyika, M. Sindayigaya a souligné qu’on doit penser au grand réservoir d’eau douce qu’est le lac Tanganyika.

D’après lui, les contacts sont en cours pour chercher les partenaires qui vont aider dans le captage de l’eau dans ce lac. Et de déplorer que les eaux provenant des sources des collines ne peuvent pas suffire pour desservir la population. Il l’invite d’ailleurs à gérer la quantité mise à sa disposition.

En matière de gestion intégrée des ressources en eau et d’assainissement, le Plan National de Développement pour la période 2018-2027 stipule que les défis du secteur sont le manque de cadre légal et institutionnel, la préservation et la valorisation durable des ressources en eau, la mise en place du code d’assainissement, la promotion de l’assainissement de base en milieu rural, la création d’une base de données sur l’eau et l’assainissement et l’aménagement adéquat des bassins versants.

La stratégie sectorielle alignée au Plan National de Développement du ministère en charge de l’hydraulique prévoit une extension du système d’alimentation en eau potable dans la partie Sud de la ville de Bujumbura et dans les nouveaux quartiers viabilisés de la ville Bujumbura par captage des eaux du lac Tanganyika. Le coût global de la réalisation de ces activités est évalué à 132,068 de milliards BIF, soit 71, 201 millions USD. Elle envisage aussi l’élaboration d’un schéma de développement du réseau d’Alimentation en Eau Potable (AEP) de la ville de Bujumbura.

Mélance Maniragaba, Burundi Eco

Pénurie d’eau potable, une situation inexplicable

D’après Jean Marie Ndayiragije, Hydrologue, l’accroissement rapide de la population, l’élargissement des villes, le changement climatique influent sur la disponibilité de l’eau. Toutefois, il trouve que cette situation ne devrait pas avoir lieu au regard des ressources en Eau dont dispose le Burundi.

Jean Marie Ndayiragije : « Il faut qu’il y ait une surveillance rigoureuse des pompes et des tuyaux de la Regideso pour éviter des pertes inutiles »

Malgré que le Burundi soit très riche en eau douce, constate Jean Marie Ndayiragije, expert en Hydrologie et Ingénierie des Ressources en Eau, la population Burundaise est en pénurie d’eau.

Cela est d’autant plus surprenant que le pays dispose suffisamment de sources et lacs : « Le Burundi ne dépend pas d’aucune ressource d’eau qui draine son territoire en provenance d’un autre pays. »

Bien plus, rappelle-t-il, selon le ministère de l’eau et l’environnement, le Burundi a suffisamment ses propres ressources naturelles de l’eau presque dans tous les coins du pays. La pluie tombe suffisamment presque dans les provinces du pays sauf les régions du Nord et Est qui sont caractérisés par les précipitations limitées spécifiquement les provinces de Kirundo, Muyinga, Ruyigi, et Cankuzo.

Raisons de pénurie et pistes de solutions

En tant qu’Hydrologue, explique Jean Marie Ndayiragije, plusieurs facteurs comme l’accroissement rapide de la population, l’élargissement des villes, le changement climatique influent sur la disponibilité de l’eau.

Toutefois, indique-t-il, le Burundi ne doit pas être en pénurie d’eau avec des lacs comme le Lac Tanganyika, le Lac Rweru, le Lac Rwihinda, le Lac Gacamirindi, le Lac Cohoha et le Lac Kanzigiri ; et surtout entouré par des rivières au Nord et à l’Est Kanyaru et Malagarazi respectivement, et à l’Ouest par la rivière Rusizi.

La carte du Burundi y compris les ressources de l’eau

Et de marteler : « Probablement que cette pénurie d’eau est due à la mal gestion et à la mal exploitation des ressources de l’eau dont le pays dispose. »

Comme solution, propose l’Hydrologue, le gouvernement doit mettre en place une politique claire d’exploitation des ressources en eau dont il dispose, veiller à la bonne gestion des ressources naturelles de l’eau, sensibiliser la population à être plus responsable à la gestion de l’eau : «  Il faut qu’il y ait une surveillance rigoureuse des pompes et des tuyaux d’amenés de la Regideso pour éviter des pertes inutiles et enfin mettre en place d’autres entreprises qui produisent et distribuent l’eau dans le pays. »

Christian Bigirimana

Augmenter les allocations budgétaires pour ce secteur

L’analyse du budget 2022-2023, faite par Unicef, montre que le montant alloué à l’eau, l’hygiène et l’assainissement (EHA) est de 36,3 milliards de BIF, soit 17,9 millions de dollars américains (USD). L’agence onusienne trouve qu’il est crucial d’augmenter les allocations budgétaires pour ce secteur.  

Tendance des allocations budgétaires au secteur EHA

Selon cette analyse, les allocations budgétaires au secteur de l’EHA entre 2011 et 2022/2023 sont en hausse sur la période, passant de 34,1 milliards de BIF en 2011 à 36,4 milliards de BIF en 2022-2023. Cependant, une faible allocation budgétaire a été observée en 2016, avec un montant de 5,9 milliards de BIF, avant de remonter à 31,3 milliards de BIF en 2017. « Cette situation s’explique par l’intervention ciblée des partenaires au développement en fonction des projets menés dans ce secteur sur une période déterminée. » La part du budget de l’Etat allouée au secteur de l’EHA est de 1,5 % en 2022-2023 contre 2,1 % en 2021-2022. « Par rapport à l’économie nationale, la part du budget de l’Etat allouée au secteur EHA représente 0,4 % du PIB en 2022-2023. Pour la période 2011-2022/2023, le budget annuel alloué à l’approvisionnement en Eau potable, Hygiène et Assainissement (AEPHA) et la Gestion des Ressources en Eau (GRE) est estimé à environ 10 millions USD, soit 0,80 USD par an et par habitant. »

D’après cette étude de l’Unicef, depuis l’exercice budgétaire 2021-2022, les allocations budgétaires au secteur de l’EHA intègrent le budget de la Regideso, avec une part importante de 47,8 %. Les diverses interventions du secteur EHA sont réalisées par plusieurs ministères et institutions dont le ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines (MHEM, lead), le ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage (MEAE), le ministère des Infrastructures, de l’Equipement et des Logements Sociaux (MEILS), le ministère de la Santé Publique et de la Lutte contre le Sida (MSPLS) et la Regideso. « Cette organisation crée des difficultés en termes de suivi et programmation budgétaires. »

L’augmentation du budget est cruciale

Répartition des allocations budgétaires de l’EHA

Pour donner l’accès à l’eau pour tous, avec une hygiène et un assainissement comme prévu dans les Objectifs de développement durable (ODD), et pour mieux répondre à des chocs sanitaires, on trouve crucial d’augmenter les allocations budgétaires pour ce secteur. « Ces budgets pourraient contribuer à améliorer le taux d’accès et la gestion des infrastructures en eau et assainissement en faveur de la population bénéficiaire. »

D’après cette analyse, cette augmentation budgétaire peut provenir de ressources internes, ou de ressources externes. « Elle devrait se focaliser sur les dépenses d’investissement nécessaires pour accroître le nombre des infrastructures du secteur. »

Les analyses proposent également de mener une étude globale des dépenses publiques du secteur, afin de revoir les modèles de cadrage des dépenses et des allocations stratégiques intersectorielles considérant que ce secteur est multisectoriel. De plus, il faut effectuer un examen attentif du niveau actuel des investissements et dépenses de fonctionnement, en lien avec le niveau actuel des autres dépenses, afin de s’assurer de leur adéquation et efficacité durable. « La prise en compte des coûts de maintenance s’avère indispensable dans ce cadre, pour assurer la pleine fonctionnalité et pérennité des investissements. »

Fabrice Manirakiza, Iwacu