L'ancien leader zoulou, Mangosuthu Buthelezi, décédé ce samedi 9 septembre à l'âge de 95 ans, a marqué l'histoire de l'Afrique du Sud avec le redouté parti Inkhata, à l'origine de violences sanglantes dans le pays avant les premières élections mutiraciales en 1994.
Né en août 1928 au sein de la famille royale zouloue, Mangosuthu Gatsha Buthelezi, mort samedi à 95 ans, a longtemps incarné l'esprit fier et guerrier de plus puissante tribu du pays.
Il a longtemps été défini par sa rivalité amère avec le parti au pouvoir, le Congrès national africain. D'abord membre de l'ANC, il a créé le parti nationaliste Inkatha Freedom (IFP) en 1975, initialement envisagé comme une organisation culturelle zouloue. Ce mouvement, qu'il a dirigé plus de quarante ans, a mené des guerres territoriales sanglantes avec les militants de l'ANC dans les townships à majorité noire des années 1980 et 1990.
Ayant occupé les fonctions de Premier ministre du bantoustan du Kwazulu - ces entités territoriales pseudo « indépendantes » assignées aux Noirs sous l'apartheid-, Mangosuthu Buthelezi a souvent été accusé d'avoir collaboré ou d'avoir été un allié de ce régime raciste, ce qu'il a toujours farouchement nié. Il a été accusé d'avoir joué le jeu du pouvoir blanc.
Dans les années 1980, les dissensions entre son parti et l'ANC s'approfondissent. Buthelezi questionne les stratégies anti-apartheid de l'ANC, critique Nelson Mandela, alors en prison, l'accusant d'affaiblir les positions noires. Il agace aussi les mouvements de libération en appelant à des investissements étrangers accrus en Afrique du Sud, contrant leurs appels à des sanctions économiques pour peser contre le régime raciste.
Les violences entre militants de l'Inkhata et leurs opposants s'intensifient au milieu des années 1980, faisant plus de 5.000 morts. En janvier 1991, Mandela et Buthelezi se rencontrent, une première en douze ans, et appellent à la fin des affrontements et à la tolérance politique. Mais dès l'année suivante, des militants Inkhata, soutenus par les forces de sécurité de l'apartheid, commettent de nouvelles violences à Johannesburg et au Kwazulu Natal, province historique du peuple zoulou.
Un nouveau déferlement opposant ANC et IFP dans les mois qui précèdent les élections historiques de 1994 fait douze mille morts. Buthelezi menace alors de boycotter le scrutin, affirmant qu'il serait "impossible" pour ses partisans de participer, mais change d'avis une semaine avant, à l'issue de pressions. Son parti remporte la province du KwaZulu-Natal et obtient de bons scores à Johannesburg. Il devient ministre de l'Intérieur et entame l'une des plus longues carrières parlementaires du pays. En 2019, à 90 ans, il annonce ne pas se représenter à sa propre succession.
Sa formation politique a perdu beaucoup d'influence au fil du temps, entre querelles autour de sa direction et appels à son retrait pour laisser place à du sang neuf.
(avec Afp)
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