Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Aides sociales, fiscalité: l'État favorise la dépendance économique des femmes, selon un rapport

Dans une note parue ce vendredi 3 février, l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes décortique la façon dont les politiques sociales et la fiscalité françaises ont tendance à désavantager les femmes. 

On savait les femmes victimes d’inégalités au travail, notamment salariales. On savait qu'au sein du couple, le partage, encore souvent inégal, des tâches domestiques pouvaient constituer un frein économique pour elles. Mais cette fois, c’est l’État et ses politiques sociales et fiscales qui sont pointés du doigt.

« Loin de résorber les inégalités, le système social, qui se base sur une réalité des couples dépassée, se trouve ainsi en situation de les aggraver. » C’est le paradoxe mis en lumière par Anne-Cécile Malifert, présidente de la Fondation des femmes, en introduction d'une « note » de l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes (lancée officiellement jeudi 2 février) intitulée « La dépendance économique des femmes, une affaire d’État »

Non seulement, ces mécanismes, censés compenser les inégalités, ne le font pas. Mais au contraire, ils aggravent encore la situation de dépendance des femmes, démontrent les deux autrices du rapport, Lucile Peytavin, historienne spécialiste des droits des femmes (Le coût de la virilité) et Lucile Quillet, journaliste et experte du travail des femmes (Le Prix à payer, ce que le couple hétéro coûte aux femmes). 

Un effet pervers récemment mis en lumière avec la bataille pour de la déconjugalisation de l’Allocation aux adultes handicapées (AHH). Le versement de cette aide était jusque-là conditionnée aux revenus du conjoint. En conséquence, la personne handicapée pouvait se retrouver privée de revenus propres et être donc totalement dépendante économiquement de son ou sa partenaire. 

Des schémas familiaux « obsolètes »

« Nous avons été très surprises de voir que la façon dont l’État considère aujourd’hui le couple est complètement dépassée »souligne Lucile Quillet, lors de la présentation de cette note. Ces schémas familiaux « obsolètes » sur lesquels s’appuient l’État continuent de fonder les politiques sociales sur un principe : celui de la « solidarité conjugale ». Un principe qui a pourtant des limites, car, rappellent les autrices, « le couple n’est pas un lieu neutre », il peut être le terrain de rapports de domination. « On est encore dans les années 1960, ironise la coautrice du rapport : on considère que tout le monde se marie, que tout le monde le fait sous le régime de la communauté des biens et met tout en commun. »

Cette vision du couple peut paraître « naïve » et en décalage avec la réalité des couples. Mais elle a de lourdes conséquences. « Pour nombre de prestations sociales et de minima sociaux individuels, détaille le rapport, les ressources de l’ensemble du foyer sont prises en compte pour établir l’éligibilité à cette aide et le calcul de son montant. Si vous avez de très faibles revenus, mais que votre conjoint gagne bien sa vie, l’État part du principe que la solidarité conjugale s’applique : vous pouvez ne pas être aidée car votre partenaire peut vous prendre en charge. Cela crée une dynamique de dépendance femmes-hommes, étant donné que les femmes sont celles qui gagnent le moins dans les trois quarts des couples. » Et de faire perdurer un préjugé sexiste où la femme est placée en position de « mendiante » et l’homme de « bienfaiteur ».

Les exemples sont nombreux. C’est le cas du RSA, dont le montant varie en fonction de la composition du foyer. Quand on sait que les femmes gagnent moins que leur conjoint dans 75% des couples, le fait de prendre en compte le revenu plus élevé va mécaniquement avoir pour effet de faire baisser le montant de cette aide. Idem avec la prime d’activité, dont les bénéficiaires sont des femmes dans 57% des cas. Elle est pourtant destinée à encourager l’activité économique et le travail d’une personne à titre individuel. 

Autre exemple mis en avant : le cas des pensions de réversion de la fonction publique. « Pour percevoir la pension de réversion de votre défunt, il ne faudra pas vous remettre en couple, sans quoi, vos droits seront purement et simplement supprimés », alerte le rapport. Dans le cas des retraites du privé, pas la peine de se jurer fidélité à la vie et à la mort en l'occurrence : la pension est maintenue, mais attention, elle peut se voir diminuée si les ressources du foyer dépassent les 37 500 euros brut.

Certes, cela s’applique aux hommes comme aux femmes, mais dans les faits, les femmes représentent l’immense majorité des veuves et donc des bénéficiaires de ces pensions de réversion. Mécaniquement, ce sont donc elles qui pâtissent de ces règles.

Cadeau fiscal pour les hommes, des femmes surtaxées

Le système fiscal français est aussi au désavantage des femmes. « L’homme fait de l’optimisation fiscale au détriment des femmes et de la société », résume Lucile Peytavin. Qualifié de « familialiste », il calcule l’impôt en additionnant les revenus des deux partenaires. « Cette mise en commun a pour conséquence de faire baisser le taux d’imposition pour celui qui gagne le plus et de l’augmenter pour celui qui gagne le moins », constate le rapport. Les femmes sont donc encore les « grandes perdantes », analysent les coautrices, leur revenu restant inférieur de 42% en moyenne à celui des hommes. Selon l’Insee, le taux d’imposition des hommes sous le régime de conjugalité baisse de treize points en moyenne, tandis que celui des femmes augmente de six points si l’on compare avec ce qu’elles paieraient si elles étaient célibataires. Et selon diverses études, le coût de ce « cadeau fiscal » fait aux hommes est estimé entre 11 et 28 milliards d’euros.

Une injustice qui pourrait facilement être corrigée. En effet, en France, les impôts sont mutualisés par défaut : le taux de prélèvement est le même pour les deux partenaires. Or, dans la majorité des pays européens, l’administration fiscale applique un taux individualisé, c’est-à-dire que chacun paye en fonction de ses revenus. 

C’est d’ailleurs le conseil prodigué par les autrices : en attendant que la loi évolue, le site des impôts permet de choisir d’individualiser par soi-même son taux de prélèvement en décochant la case « taux d’imposition commun ». À vos claviers !