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Annexion de territoires ukrainiens: «Poutine organise un triomphe politique» pour «galvaniser les Russes»

Texte par : Julien Coquelle-Roëhm

4 mn

La Russie a annoncé une cérémonie au Kremlin ce vendredi 30 septembre pour officialiser l’annexion de quatre régions d’Ukraine, avec un « discours volumineux » du président Vladimir Poutine avant des « festivités » dans la capitale russe. Après des référendums qualifiés de « simulacres » et alors que la contre-offensive ukrainienne se poursuit dans un nouveau chapitre de la guerre, l’ancien ambassadeur de France à Moscou, Claude Blanchemaison, juge l’utilisation d’armes nucléaires invraisemblable.

Alors que Moscou devrait entériner ce vendredi l’annexion officielle de quatre oblasts (territoires) ukrainiens occupés par les forces pro-russes, l’auteur du livre Vivre avec Poutine (éd. Temporis) livre son analyse sur ce qui semble être un nouveau chapitre dans la guerre.

RFI : Quel message Vladimir Poutine cherche-t-il à envoyer avec tout ce cérémonial ?

Claude Blanchemaison : Je crois que Vladimir Poutine organise aujourd'hui une sorte de triomphe au sens romain du terme : un triomphe politique, pour annoncer l'annexion des quatre oblasts ukrainiens qui s'ajouteront donc à la Crimée annexée il y a huit ans. Mais c'est d'autant plus curieux qu'il ne s'agit pas du tout d'une victoire militaire, puisque sur le terrain l'armée russe a plutôt tendance à reculer. Donc Vladimir Poutine prend une initiative politique, avec cette cérémonie au Kremlin, cette fête sur la place Rouge, il veut un peu galvaniser les Russes et leur faire croire qu'il se passe quelque chose d'important, que les objectifs de l'opération qu'il a lancée le 24 février sont atteints, que c'est un succès. Alors que bien entendu pratiquement personne sauf peut-être la Corée du Nord ne reconnaitra ces annexions.

Des annexions qui ont lieu pour certaines dans des zones que l'armée ukrainienne est en train ou en passe de reconquérir. Dans ce contexte, est-ce que l'escalade de la violence est inéluctable aujourd'hui ?

Bien sûr, parce que pour l'Ukraine et pour les pays occidentaux ces annexions sont nulles et non avenues, et la thèse pseudo-juridique de Poutine suivant laquelle qui s'attaquerait à ces territoires s'attaquerait à la Russie elle-même évidemment n'a pas lieu d'être. Donc, les opérations militaires ukrainiennes, avec l'aide en matériel divers des Occidentaux et notamment des Américains, va se poursuivre. Alors est-ce que ça veut dire que Poutine pourrait recourir à des extrémités ?

Jusqu'où peut-il aller ? Peut-il annoncer des étapes supplémentaires aujourd'hui ? La menace nucléaire devient-elle plus crédible aujourd'hui ?

Non, je ne pense pas que la menace nucléaire soit crédible aujourd'hui. Elle est crédible pour tenir les Occidentaux, notamment les Américains à l'écart, peut-être y aura-t-il en effet un moment où les Russes diront que les fournitures d'armements sont trop importantes, ou concernent des armements trop modernes et que ceci implique des réactions de leur part. Mais pour le moment, l'arme nucléaire n'a pas de raison d'être utilisée en Ukraine même, ça n'a pas de sens, et quand on parle d'arme tactique, c'est un concept flou : ça veut simplement dire une toute petite bombe nucléaire, il n'y a aucune raison de l'utiliser. Il y a des armes de destruction qui sont beaucoup plus importantes dans le domaine classique et que les Russes maîtrisent parfaitement.

Donc, ils vont continuer à bombarder les villes, ils vont continuer à détruire des villes, ils vont continuer à détruire des infrastructures en Ukraine avec des moyens classiques, mais beaucoup plus importants. Donc en effet, l'escalade se poursuit et va se poursuivre jusqu'à l'hiver. Est-ce que l'hiver amènera une accalmie ? C'est vraisemblable, mais la guerre reprendra dans les mêmes conditions après la Raspoutitsa, le dégel du printemps.

L'Occident condamne unanimement et promet des sanctions supplémentaires, une résolution sera présentée aujourd'hui au Conseil de sécurité de l'ONU. Nul doute qu'elle sera bloquée par le veto russe. Alors, au-delà des communiqués cinglants, que peuvent vraiment faire les alliés de Kiev, et notamment l'Europe ?

Après le Conseil de sécurité, il y aura probablement un vote dans les jours prochains à l'Assemblée générale des Nations unies, qui est en session, et dans laquelle il ne peut pas y avoir de droit de veto. Et là ça sera intéressant de compter les gens qui osent encore soutenir le Kremlin : il y en aura de moins en moins, parce que beaucoup de pays ont des problèmes de frontières et ne veulent pas cautionner les annexions russes. Donc c'est en effet un processus purement politique : il y aura une condamnation à l'Assemblée générale des Nations unies, mais qui n'aura pas de conséquences pratiques.

Simplement, c'est important quand même pour la communauté internationale d'aboutir à ce résultat, et puis il n'est pas exclu qu'à la fin de son discours-fleuve aujourd'hui, Poutine ait le culot de proposer un cessez-le-feu, et de dire « ouvrons des négociations et faisons un cessez-le-feu dès demain matin, naturellement sur les positions où nous sommes aujourd'hui. »

►À écouter aussi : Un soulèvement populaire est-il possible en Russie?