Niger
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Au festival de films de Créteil: femmes cinéma, matrimoine et figures sacrées

La 45e édition du Festival international de films de femmes de Créteil se tiendra du 24 mars au 2 avril 2023 sous le signe de « la fabrique de l’émancipation ». Un nouveau prix de la critique y sera décerné et le programme « Elles font genre » est confirmé pour une deuxième année.

Fondé en 1979, alors que seuls 2% des films étaient réalisés par des femmes – elles signent aujourd’hui un peu plus d’un quart de la production française – le FIFF est le plus vieux festival de film féminin en activité. Si la progression est spectaculaire, on demeure loin de la parité. Celle-ci est acquise pour les premiers films de fiction – les femmes y sont même seules ou en coréalisation légèrement majoritaires -, mais ce n’est plus du tout le cas pour le troisième film. Les femmes réalisatrices font moins carrière, elles sont surtout beaucoup moins primées. Rappelons simplement que depuis 1955, la Palme d’or à Cannes n’a été attribuée que deux fois à une femme, la Néozélandaise Jane Campion et la Française Julia Ducournau.

Conjuguer éthique et esthétique, avec Julie Bertuccelli, Jane Campion et Ainara Vera

C’est par un bel hommage à la première que s’ouvrira le 24 mars l’édition 2023 du FIFF, avec le portrait réalisé par Julie Bertuccelli, Jane Campion, la femme-cinéma, qui en plus de retracer avec délicatesse le parcours d’une cinéaste d’exception, rappelle combien la réalisatrice a dû affronter les stéréotypes de genre dans le quotidien de son travail, face à la défiance de ses enseignants d'abord, puis de ses producteurs et de ses équipes techniques. Le documentaire se clôt sur un message d’espoir. Devant le constat d’une féminisation accrue de la profession, Jane Campion explique s’être autorisée en 2021, avec The power of the dog, à porter son regard sur des protagonistes masculins. La sous-représentation des personnages féminins demeure en effet un autre aspect fondamental des discriminations de genre au cinéma et donc un enjeu majeur pour nombre de réalisatrices.

« Quand on fait un documentaire, je crois qu’il faut que l’éthique et l’esthétique soient indissociables » pose la réalisatrice espagnole Ainara Vera à propos de Polaris, présenté en clôture du festival au cinéma Lincoln à Paris le 2 avril avant sa sortie en salle en France le 21 juin. Et elle ajoute : « Je pars toujours du principe que le spectateur est très intelligent. (...) Quand tout est expliqué et souligné, l’information me paraît souvent pornographique... » On ne trouvera cependant rien d’abscons dans ce portrait sensible de deux sœurs liées par un lourd passé familial malgré la diversité de leurs chemins de vie. L’une sort de prison quand l’autre est capitaine de bateau dans l’océan Arctique. « Trouver la bonne distance » pour reprendre les mots d’Ainara Vera permet simplement de sublimer les émotions par la pudeur.

De Musidora à Myriam Charles, un siècle et plus de cinéma au féminin

Julie Bertuccelli préside par ailleurs le jury documentaire – six films en compétition. Une autre sélection de six fictions est soumise pour la première fois à un jury de trois journalistes membres du Syndicat national de la critique de cinéma. S’ajoutent enfin treize courts métrages, dont cinq en première française et un en première mondiale. À côté de cette actualité foisonnante, on pourra bénéficier d’un autoportrait d’Agnès Jaoui, assortie d’une carte blanche, d'une master-classe de Rebecca Zlotowski, une des plus grandes incarnations du renouveau du cinéma français, de plusieurs projections de Coline Serreau et de deux focus, l’un sur un monument du cinéma underground étasunien, Lizzie Borden, l’autre sur la grande réalisatrice allemande Margarethe von Trotta, notamment avec une projection rare de son film Les Années de plomb (1981), qui a servi à nommer rétrospectivement la période des années 1970 en Allemagne comme en Italie. Margarethe von Trotta était déjà à l’honneur en 1979, lors de la première édition du festival.

On retiendra encore une table ronde et deux films autour de Musidora, une artiste pionnière et légendaire, célèbre pour son rôle d’Irma Vep, dont on saluera ici le talent de réalisatrice, et la reprise pour la deuxième année consécutive, à la suite de la palme d’or de Titane en 2021, du programme « Elles font genre », dédié aux réalisatrices qui s’aventurent dans un cinéma qui interroge les codes du fantastique. Ce sera notamment l’occasion de découvrir les films de la réalisatrice canadienne d'origine haïtienne Myriam Charles. Enfin la littérature dialoguera avec le cinéma autour de l’écrivaine et Prix Nobel 2022 Annie Ernaux et un colloque sera dédié à la fabrique de l’émancipation, en présence de l’historienne Michelle Perrot, de la chorégraphe et photographe Karine Saporta et de l’historienne du cinéma Geneviève Sellier. Une telle richesse donne le vertige et promet une semaine placée sous le double signe de la réflexion et de l’émerveillement.

Le site du festival et son programme complet sont consultables ici.

Pour aller plus loin:

Affiche du 45e Festival de films de femmes de Créteil.
Affiche du 45e Festival de films de femmes de Créteil. © FIFF

Poursuivez votre lecture sur les mêmes thèmes :