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Bosnie-Herzégovine: pour Aline Cateux, les électeurs ont envoyé un signal fort

Les résultats des élections qui se tenaient dimanche 2 octobre pour la nouvelle présidence collégiale en Bosnie-Herzégovine, les députés et les membres des assemblées régionales et locales, changent quelque peu les rapports de force dans ce petit pays des Balkans, en proie à une instabilité chronique depuis maintenant plusieurs décennies. Entretien avec Aline Cateux, doctorante en anthropologie sociale, membre du laboratoire d'anthropologie prospective de l'université de Louvain-la-Neuve et correspondante dans les Balkans pour le quotidien belge Le Soir.

Les multiples élections de ce dimanche en Bosnie-Herzégovine, au niveau central et des deux entités du pays, la République des Serbes de Bosnie et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, divisées selon des lignes de fracture ethnique, ont produit des résultats qui pourraient aggraver son instabilité, selon Aline Cateux.

RFI : Est-ce que ces résultats marquent un véritable changement, un tournant pour cette petite république fédérale de Bosnie-Herzégovine ?

Aline Cateux : C'est sûr que c'est un moment très important dans la vie politique du pays d'après-guerre, puisque c'est tout d'abord la première fois que le membre bosniaque de la présidence tripartite de Bosnie-Herzégovine, échappe au parti nationaliste, au SDA (Parti d'action démocratique), et que c'est un social-démocrate qui l'emporte. C'est également la première fois que deux membres de la présidence proviennent des rangs sociaux-démocrates et non pas des rangs nationalistes. Donc, c'est un signal fort des Bosniens, en tout cas au niveau de la présidence, qu'ils souhaitent un changement.

Željka Cvijanović, du parti de Milorad Dodik, a été élu comme membre venant de la communauté serbe à la présidence tripartite. Maintenant, pour ce qui est de l'avance de Milorad Dodik sur Jelena Trivić, en République serbe, il faudra attendre les démarches, notamment du parti de Jelena Trivić, qui contestent le scrutin puisqu'un certain nombre d'irrégularités très graves ont été relevées en République des Serbes de Bosnie-Herzégovine, où le vote ne s'est pas déroulé de façon complètement sereine. Donc : c'est un signal fort, mais la présidence reste symbolique. Les présidents en Bosnie-Herzégovine ont simplement des fonctions au niveau des ministères des Affaires étrangères. Ce qui est intéressant, c'est de voir que là, pour le moment, au Parlement de Bosnie-Herzégovine, les nationalistes gardent la majorité absolue.

On sait que depuis des années, la situation de ce pays est présentée comme très fragile. Ces résultats peuvent-ils changer la donne ?

Alors, ce qui va aggraver la fragilité du pays, c'est surtout la promulgation, en utilisant les pouvoirs de Bonn du haut représentant international Christian Schmidt hier, puisqu'il a imposé la réforme électorale qui était voulue par les nationalistes croates et pour lesquels l'État croate est monté au créneau tous ces derniers mois. C'est surtout ça qui risque de fragiliser les petits acquis du scrutin de ce dimanche, puisque, comme je le disais, les électeurs de Bosnie-Herzégovine ont montré leur ras-le-bol de la classe dominante, ils l'ont exprimé au travers du scrutin pour la présidence.

Et au moment où cette évolution dans les votes bosniens arrive enfin, le haut représentant de la communauté internationale promulgue une réforme électorale qui est discriminatoire et qui va dans le sens d'une ethnicisation du vote, qui va couper l'herbe sous le pied des partis non nationalistes et qui va certainement les fragiliser dans leur capacité d'action, puisque cette loi intervient notamment sur la façon dont les membres de la chambre haute du Parlement sont nommés. Donc, moi, je dirais que c'est plutôt ça la catastrophe du scrutin et la fragilisation des résultats de ces élections.

Selon vous, peut-on s'attendre à ce que les Bosniens continuent de fuir leur pays ? On sait que près d'un demi-million de personnes ont quitté le pays depuis le dernier recensement de 2013…

Il faut attendre de voir ce qui va se passer au niveau local. Les cantons – je parle pour la Fédération, car en République des Serbes de Bosnie-Herzégovine, je ne pense pas que les résultats indiquent qu'il y aura un ralentissement des départs –, ça va vraiment dépendre des résultats électoraux en leur sein. Des cantons qui sont extrêmement puissants et qui ont une autonomie en termes de gestion de leur budget, de décisions politiques au niveau de l'éducation, de l'emploi, de la santé, etc., s'il n'y a pas un signal fort au niveau local d'un changement électoral, non, je ne pense pas que les départs vont se ralentir. Pour le moment, il n'y a rien qui indique qu'il y aurait de quoi les faire ralentir, en tout cas.

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