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Canada: à Montréal, le désastre des trottinettes électriques est bien oublié

Il y a trois ans, la mairie de Montréal décidait de mettre fin aux trottinettes en libre-service dans les rues de la capitale économique du Québec. Si leur présence n'a pas l'air de manquer aux habitants en raison du passage éclair et de leur faible attractivité, l'opposition officielle de la mairie demande un nouveau déploiement, sans répéter les erreurs du passé.

De notre correspondant à Montréal,

Alors que la ville de Paris s'apprête à demander aux Parisiens s'ils veulent conserver les trottinettes en libre-service, Montréal a déjà pris la décision de les interdire, il y a trois ans. Une interdiction justifiée par le fonctionnement chaotique du service lors d'une expérimentation dans les rues de la ville.

Pourtant, à écouter la grande majorité des Montréalais dans les rues, il n'y a jamais eu de trottinettes en libre-service dans leur ville. Il faut dire que l'expérimentation a été rapide, et s'est arrêté juste avant la crise du coronavirus, qui a un peu plus marqué les esprits.

Une interdiction radicale

Durant neuf mois, de juin 2019 à février 2020, les Montréalais ont pu découvrir les trottinettes électriques en libre-service, dans le cadre de l'un des rares projets pilote au Québec.

Rapidement, les incivilités se multiplient et l'opérateur se laisse déborder. « J'ai des amis qui faisaient n'importe quoi, qui les laissaient traîner même les conduisaient sur les trottoirs, dans les rues », témoigne Mathilde, 21 ans, avant d'ajouter « c'est dommage que les gens n'aient pas su se tenir, parce que je trouve le concept vraiment super ! » D'après la ville, seulement 20 % des trottinettes utilisées sur cette période ont été stationnées aux bons emplacements.

Pour la mairie, il était absurde de mobiliser des ressources publiques de maintien de l'ordre pour assurer les bénéfices d'une société privée, surtout que le service n'était pas aussi attractif qu'espéré. « Montréal ne veut pas se transformer en police des trottinettes », résumait alors Éric Alan Caldwell, responsable de la mobilité au sein de la municipalité. Trois ans plus tard, la position de la mairie n'a pas changé. « On n'a aucune intention de recommencer l'expérience. On en loue cet été dans un grand parc à côté de Montréal, mais les usagers auront interdiction de dépasser les limites du site », tranche Philippe Sabourin, le porte-parole administratif de la ville de Montréal.

► À lire aussi : Trottinettes électriques: ces grandes villes en guerre contre «l’anarchie» [article de 2018]

Enjeu social

Contrairement à Paris, Montréal a donc rapidement reculé sur les trottinettes. Mais ce n'est pas seulement les comportements qui expliquent l'abandon du déploiement : les usagers ont aussi moins répondu présents. Thomas est français, il a vécu dans les deux villes, et a quelques pistes pour expliquer le peu d'emballement des Montréalais. « C'était un échec, les trottinettes étaient surtout concentrées dans le centre des affaires, alors que Montréal est bien plus étendue que Paris », témoigne-t-il. En effet, les études sur le sujet constatent que les trottinettes en libre-service restent l'apanage des classes plutôt aisées de la population, en raison d'un prix plutôt élevé à la location. La mairie visant un développement durable et accessible à tous, cet argument a, lui aussi, été retenu contre l'expérimentation.

Autre enjeu : la qualité des routes. La loi interdisant purement et simplement aux trottinettes électriques de circuler sur les pistes cyclables, il fallait donc circuler sur la route, où les nids de poules sont beaucoup plus nombreux. Mathieu, 25 ans, est un skateur, il roule à vélo, aime marcher, mais jamais, il ne se verrait circuler en trottinette à Montréal. « Quand on est à vélo, la balance de notre corps est plutôt équilibrée, malgré les trous, les côtes. À trottinette, on se sent beaucoup trop vulnérable », raconte le jeune rider.

Un flou juridique ?

La trottinette électrique garde néanmoins un atout pour ses défenseurs, ici comme ailleurs : elle serait plus écologique. Si cette assertion est difficilement contestable si un utilisateur de voiture l'abandonne pour passer à la trottinette, le caractère écologique du déploiement à grande échelle de véhicules motorisés, souvent balancés dans l'eau ou accidentés, laisse beaucoup de Montréalais sceptiques.

Certains pourtant essaient de promouvoir cette micromobilité. Guillaume a lancé son magasin de vente de véhicules individuels électriques en 2018, et vient d'ouvrir une boutique au cœur de Montréal, malgré l'interdiction globale. En effet, un particulier peut toujours rouler à trottinette à Montréal… à condition d'être chez lui ou sur un stationnement. « Grâce à l'expérimentation, on a vu une augmentation des ventes [...]. Les règles sont floues, certaines villes et policiers sont plus souples et tolèrent les trottinettes tant que l'usager respecte les règles du code de la route », déclare le gérant, très optimiste.

Pour l'opposition officielle à la mairie, il faudrait autoriser ces véhicules pour faire face au changement climatique. Ensemble Montréal aimerait que BIXI, l'équivalent du Vélib' à Montréal, lance son propre service pour éviter que le chaos de l'expérimentation ne recommence. À charge pour BIXI de prouver qu'il sera capable de gérer les trottinettes en libre-service, et que ce n'est pas le principe même de ce mode de transport, ultra-individuel, qui est problématique.

► À écouter aussi : Reportage - En France, les trottinettes électriques toujours plus populaires